Côte d'Ivoire : Quelles leçons pour l'Afrique ?

Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara sont enfermés dans une lutte pour le pouvoir où tous deux se prétendent victorieux après l'élection présidentielle du 28 novembre. La Commission Electorale Indépendante de Côte d'Ivoire (CEI) a déclaré Alassane Ouattara gagnant du second tour, tandis que le président du Conseil Constitutionnel a fait de même pour Laurent Gbagbo. La France et les USA ont menacé de sanctions [en anglais, comme les liens suivants] si Gbagbo ne renonce pas. Les responsables africains lui ont demandé d'abandonner le pouvoir.

Salisu Suleiman demande “quelles sont donc les leçons pour le Nigeria et le reste de l'Afrique ?”:

Le message le plus important est sûrement qu'il n'y a nulle part dans le monde de démocraties parfaites. Même la démocratie occidentale, en particulier le modèle présidentiel américain, qui est souvent notre référence, a des inconvénients substantiels. Un facteur crucial de l'expérience démocratique est l'inclusion d'autant de citoyens que possible dans le processus électoral. Si, pour cela, certains compromis comme le zonage ou des fonctions tournantes doivent être introduits, cela peut valoir la peine de payer ce prix dans l'intérêt de la paix et de la stabilité.

Je ne suis pas un défenseur du zonage, mais si les Ivoiriens avaient cantonné la présidence à une région, les connotations ethniques et religieuses tranchées de l'après-élection auraient été moins évidentes. La compétition entre Olusegun Obasanjo et Olu Falae en 1999 est un cas d'école. Il s'est produit la même chose en 2007 lorsque le défunt président Umaru Musa Yar’Adua était candidat contre Buhari et Atiku.

Dans la dernière ligne droite des élections présidentielles de l'an prochain au Nigeria, le débat a pris une tournure discordante nord/ sud avec une dangereuse coloration religieuse. Tout débat se résume à ce que devrait être la langue maternelle du président. En ce moment, la bataille non déclarée entre les camps du Président Jonathan et de l'ancien Vice-Président Atiku dégénère vers de nouveaux abîmes. On ne fait pas de quartier. Toute voix raisonnable est étiquetée ‘pour nous ou contre nous’.

Alex Engwete analyse ce qu'il appelle une “instrumentalisation des civils” :

Une fois de plus, les civils africains payent le prix fort pour les malversations et les turpitudes de leurs hommes politiques–cette fois, à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Hier [16 décembre], les politiciens nordistes Alassane Draman Ouattara (reconnu président élu par la communauté internationale) et son premier ministre désigné Guillaume Soro ont envoyé leurs partisans “non armés” dans les rues pour tenter de s'emparer des bâtiments de la télévision nationale et de ministères-clés toujours tenus par le régime “illégitime” des politiciens sudistes menés par Laurent Gbagbo qui a le contrôle militaire total du sud du pays. Le nombre de morts a été renversant : 30 manifestants et passants tués.

Utiliser des civils comme boucliers humains est un acte criminel :

Tirer sur des civils désarmés est certes un crime d'Etat effroyable, mais les instrumentaliser et les utiliser comme chair à canon ou bouclier humain sont également des actes criminels. Pendant que Ouattara et Soro envoient des gens au massacre, ils sont eux-mêmes terrés dans la luxueuse enceinte de l'Hôtel du Golfe sous la protection d'un contingent de maintien de la paix de l'ONU de 900 hommes lourdement armés…

Rebecca Sargent commente le billet d'Alex en disant que les articles de la presse internationale dépeignent Outtara en ange :

Une des opinions plus équilibrées que j'aie lue de l'extérieur du pays. Je suis si énervée de lire les articles internationaux dépeignant Ouattara en ange et “gagnant” réel des élections ou qui parlent de la hausse des cours du cacao avec plus d'inquiétude que des gens qui meurent dans les rues ici. Il n'y a peut-être pas eu de tuerie dans les rues aujourd'hui, mais la presse locale était inondée de propagande violente.

Le Dr. Gary K. Busch a écrit un billet de blog intitulé “La France et la Côte d'Ivoire – L'Empire contre-attaque” :

Après 46 ans d'indépendance, la France contrôle toujours la plus grande partie de l'infrastructure et détient ses réserves de change en tant que l'un des 14 membres de la zone Franc. La compagnie aérienne, les compagnies de téléphone, d'électricité et d'eau, et de grandes banques, sont à contrôle français. Les ‘accords de coopération’, signés après l'indépendance par feu le président Félix Houphouët-Boigny et le premier ministre français d'alors, Michel Debré, restent techniquement applicables. La France maintient une forteresse de commerce et de monnaie ivoiriens qui vicie les initiatives nationales vers l'indépendance.

Cette position privilégiée de la France est confirmée par un rapport de la Commission des Nations Unies : “Les preuves que nous avons assemblées nous ont aussi permis de voir que la loi de 1998 relative à la propriété rurale est liée à la position dominante qu'occupent la France et les intérêts français en Côte d'Ivoire.

D'après ces sources, les Français possèdent 45% de la terre et, curieusement, les bâtiments de la Présidence de la République et de l'Assemblée Nationale ivoirienne sont l'objet de baux conclus avec les Français. Des intérêts français contrôleraient les secteurs de l'eau et de l'électricité.” Le rapport n'a qu'effleuré la prédominance des intérêts français en Côte d'Ivoire, mais ils ne sont pas difficiles à trouver.

Commentant le billet du Dr. Gary, Babs Olowo écrit que le pays devrait être scindé :

Ce serait mieux si le pays était scindé en deux. Je sais qu'on hurlera que c'est une mauvaise mesure qui enverra de mauvais signaux, je ne vois ici aucun signe de réconciliation.

Même conviction pour le Nigeria, le Soudan. Des mariages de convenance par les colonisateurs. Ce qui exacerbe le problème dans ce pays c'est aussi l'intolérance religieuse.

Le Sud et le Nord devraient chacun suivre son chemin séparé. Ce sont des peuples différents. Quelqu'un peut-il dire ce que le Nord et le Sud de la Côte d'Ivoire ont de commun ?

Muhammad Nalys affirme que l'analyse du Dr.Gary montre qu'il est un partisan pur et dur de Gbagbo :

Un commentaire certes décevant. L'auteur paraît un partisan pur et dur de Gbagbo et NE veut PAS de bien à la Côte d'Ivoire. Oui, il y a des troupes étrangères mais quelle a été la genèse de leur présence ? C'était précisément le spectre de la tactique du diviser pour régner de Gbagbo qui a conduit à la guerre civile.
LES Français et bien sûr la plupart des puissances occidentales ont eu leurs propres motivations mais tout le gâchis a été le résultat des ambitions de Gbagbo, au moins une certitude dès le début de la guerre civile.
Il est puéril d'arguer que les élections n'étaient PAS libres et équitables pour la seule raison qu'il y a des troupes étrangères dans le pays. Qu'est-ce qui a conduit au deuxième tour de scrutin que conteste Gbagbo ? Certainement, si les élections n'étaient pas raisonnablement équitables il aurait pu contester le premier tour. Tourner maintenant casaque et mettre en oeuvre un putsch militaire en accusant des forces externes n'est simplement ni acceptable ni juste. Les pays africains ne doivent pas être pris en otage par les ambitions aveugles d'un seul homme !

Alex Thurston publie une revue d'articles d'actualité, de compte-rendus internationaux et de billets de blogs en rapport avec la situation en Côte d'Ivoire.

Chronologie : Les principaux développements en Côte d'Ivoire depuis le deuxième tour contesté de l'élection présidentielle du 28 novembre

1 commentaire

  • Babakool

    Je voudrai faire remarquer d’abord que les pays Anglophones sont plus” tranquilles” que les Francophones ;mais un postulat important à mon avis est que les elections ne sont pas un choix de société ,mais un choix d’homme fort ,car les elections sont plus une demonstration de force que autre chose .
    La volonté d’une vie commune existe ,mais dans le choix d’un homme fort il n’y a pas d’exequo ,donc le systeme de deuxieme tour à la française pousse au marchandage donc en politique coloniale , à la guerre du plus gros morceau de beefsteak à prendre .
    Les elections en Afrique ne peuvent pas etre comme une finale de champion du monde ou il y a deux camps qui se sont vraiment affrontés et à la fin personne n’a gagné ,alors par tir au but sur les cinquante pour cent de chacun on ajoute un peu par ci on retire un peu par là .
    Pour une alternance (car c’est de cela qu’il s’agit) ,il faut d’abord une reconciliation ,et l’Afrique du sud l’a bien compris ;ou une religion d’Etat ,et cela les pays musulmans l’ont compris aussi .
    Les Africains et les Malgaches veulent d’abord sortir de la pauvreté ,de preference par eux memes ;mais l’aide est la bienvenue selon son intention .

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