Bielorussie : l'élection présidentielle s'achève en émeutes et vagues d'arrestations

Le dimanche 19 décembre, l'élection présidentielle de 2010 en Biélorussie s'est achevée par des manifestations énormes, des affrontements avec la police anti-émeutes à Minsk, capitale de la Biélorussie [liens en russe ou en anglais sauf mention contraire].

Alexandre Lukachenko [en français] qui détient la présidence depuis juillet 94 se présentait face à neuf candidats de l'opposition, dont il semble que certains ont été agressés, arrêtés – ou les deux. Des milliers de personnes se sont rassemblées au centre de Minsk pour protester contre les fraudes électorales après la fermeture des bureaux de vote (voir des photos et des vidéos ici). Elles ont tenté de prendre d'assaut le siège du gouvernement et de la commission centrale électorale mais ont été vite dispersées par la police. Des dizaines de manifestants et certains journalistes, dont l'envoyé spécial et le photographe du New York Time, ont été blessés.

Toute la journée, des problèmes de connexion à Internet et d'accès aux réseaux sociaux en ligne, ainsi qu'aux sites d'opposition, ont été signalé à Minsk (voir les brèves publiées par Alexey Sidorenko sur Global Voices ici, ici, et ici). Evgeny Morozov (@evgenymorozov), qui se trouve actuellement en Biélorussie, a signalé sur Twitter qu'il ne pouvait pas se connecter de façon sécurisée : “ne peut accéder à rien sous  https.” Dans un autre tweet, publié le dimanche après-midi, il écrivait :

J'entends aussi dire que depuis que l'accès à gmail est bloqué en Biélorussie, les sites d'opposition ne peuvent plus utiliser leurs mailing listes

Malgré tout, des médias citoyens ont réussi à publier avant, pendant et après les événements du centre de Minsk.

Le 18 décembre, Dimitri Rastaev (rastaev sur LiveJournal) écrivait (en russe) sur le “vote précoce” supposément “volontaire” au cours duquel “23% des 7 millions d'électeurs inscrits” avaient voté, et qui est considéré “une manière de truquer le vote pour les autorités“:

Ai parlé avec ma fille [étudiante] via messagerie instantanée aujourd'hui, elle a dit ceci : “Dans le dortoir, ils rentrent dans les chambres avec un ordre d'expulsion et notent  [les noms de] ceux qui ne sont pas allé voté tôt sur ce morceau de papier, en remplissant la case du motif d'expulsion avec “pour [avoir créé] de mauvaises conditions sanitaires.”

Et pendant ce temps là,  [Lukashenko] et sa clique aboient à la télé contre “l'ordre inacceptable qui oblige [les gens] à voter tôt.”

[…]

Si le 19, ce régime [de bâtards] ne s'effondre pas, je ne sais même pas… […] Tolérer cette crasse et ces connards pendant cinq ans de plus – c'est devenu physiquement impossible maintenant !!!

Sur LiveJournal, adelka a publié cette mise à jour (en biélorusse) après être rentrée de la manifestation :

Nous sommes à la maison, vivants, et en un seul morceau.

[…]

Mon mari, son frère et moi avons porté une femme couverte de sang , [blessée à la tête], il y avait deux ambulances derrière le siège du gouvernement […] – elles étaient pleine de gens (6-8 blessés dans chacune), surtout des femmes avec des blessures à la tête […]. Ils divisaient les personnes en groupes et les pourchassaient dans des  “poches” – et là, ils les jetaient à terre et les battaient. Ils battaient même des filles mineures – […] battaient avec leurs pieds et des matraques, et ils riaient de bon cœur en le faisant. […]

Le sentiment est qu'il y a une junte et le fascisme dans le pays.

[…]

Je vous le dis franchement, j'avais peur. Mais je suis contente que le régime ait peur de moi et je suis fière de ceux qui étaient là  [à la manifestation]. Pardonnez-moi, mais c'est dur [de ne pas dire des choses pompeuses] après ce que j'ai vu de mes propres yeux. […]

Sur LiveJournal, aneta-spb, une journaliste de Saint-Pétersbourg qui s'est rendue à  Minsk pour couvrir l'élection, a publié ces mises à jour en russe depuis la manifestation :

Place d'Octobre, Minsk.

Beaucoup de monde sur la Place d'Octobre, je suis dans la foule  […], et je ne peux pas évaluer [combien de gens] à cause de ça. […] La plupart sont jeunes, mais il y a aussi des gens entre deux âges aussi, et des personnes âgées. Les gens appellent leurs amis par téléphone portable, ils les invitent à les rejoindre sur la place : “De quoi avez-vous peur, venez, nous ne pouvons plus vivre comme ça.”

La police anti-émeutes évacue la foule de la place […]

Les affrontements avec la police ont été provoqués. Beaucoup d'agents anti-émeute,s une vraie armée  – ils arrivent sur la place de toutes les directions, ils essaient de pousser les gens en dehors, mais les gens ne partent pas. […]

La foule a d'abord occupé le centre de Minsk, puis la police anti-émeutes, puis l'armée

[…] Mais c'était puissant. Vraiment puissant.[…] Bien entendu, ça faisait un peu peur, aussi. […] Les Biélorusses [ont été super, vraiment super]. Je suis fière. Et la chose la plus importante est que les gens ne sont pas sortis pour des dirigeants. Ce qui prouvent une fois de plus que les leaders [n'ont pas une importance capitale].

dabrahost a écrit (en russe) :

Je suis totalement d'accord avec Natalya Radina via EURORADIO: “Lukachenko a déclaré la guerre a son propre peuple.”

Logiquement, après ça  => tout cet échafaudage vertical – est en état de guerre avec le peuple  => tous les officiels et flics méritent le tribunal de La Haye. TOUS LES OFFICIELS ET FLICS ! Tôt ou tard, c'est ce qui va se passer.

Sur Twitter, les mots clés #electby et #ploscha ont été utilisés (et le sont toujours) pour publier des mises à jours sur la situation.

@euroradio (en biélorusse) :

Des témoins des passages à tabac sur la place : ils battaient un type, il est tombé, un l'officier de la police anti-émeutes est revenu et  [l'a encore battu, jusqu'à ce qu'il perde conscience]. […]

@Feveray (Russe):

[…] La neige sur la place devant le siège du gouvernement est rouge.

@jkirchick (anglais):

Pour la précision : les petznatz biélorusses sont des voyous en grosses bottes […]


@chudentsov
(russe):

Être coincé entre deux colonnes de policiers qui vous encerclent, quand vous n'avez que votre  smartphone comme arme – n'est pas confortable. Mes jambes m'ont sauvé. […]

@lucysd (russe):

Pour la première fois, j'ai vu les policiers anti-émeutes s'acharner sur les gens avec des matraques…Notre révolution orange [ukrainienne, en 2004] était un conte de fées pour les gosses, comparée à  #electby

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