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Caraïbes : Les moments décisifs de 2010

Catégories: Amérique latine, Caraïbe, Barbade, Bermudes, Cuba, Dominique, Haïti, Jamaïque, Martinique, Montserrat, Porto Rico (U.S.A), République Dominicaine, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Sainte-Lucie, Trinité-et-Tobago, Action humanitaire, Arts et Culture, Catastrophe naturelle/attentat, Droit, Droits humains, Economie et entreprises, Élections, Environnement, Gouvernance, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Musique, Politique, Relations internationales, Religion, Santé, Technologie

[Liens en français ou en anglais] Beaucoup d'événements majeurs se sont déroulés aux Caraïbes en 2010, suscitant des réactions de la blogosphère locale – des manifestations étudiantes à l'Université de Porto Rico [1] à la libération des prisonniers politiques cubains [2]. Le plus déchirant d'entre eux fut peut-être le tremblement de terre dévastateur en Haïti [3]. Beaucoup de blogueurs étaient  encore plongés dans la célébration des nouveaux espoirs du nouvel an lorsque la catastrophe est survenue le 12 janvier [4], donnant un ton bien sombre pour les mois à venir. Voici notre choix parmi les récits qui constituaient la blogosphère des Caraïbes en 2010…

Le tremblement de Terre en Haïti
Soudain, inattendu, implacable: mesurant 7,3 sur l'échelle de Richter, ce séisme devait faire de sérieux dommages partout où il frappa. En Haïti, une nation insulaire pauvre avec une infrastructure inadaptée et la majorité de la population vivant dans des conditions de pauvreté, les conséquences furent désastreuses [5]. Comme le nombre de victimes continuait à augmenter et que le pays restait paralysé, les pays voisins [6] (et le monde [7]!) vinrent à son aide [8]. Les blogueurs souhaitaient désespérément que les efforts des secours [9] s'avèrerent fructueux [10], même face aux répliques massives du séisme [11]les médias citoyens relevèrent le défi [12], envoyant [13] de précieuses informations de première main.



Tent city, Juvenat [14], par caribbeanfreephoto [15], utilisée sous la licence générique CC de libre diffusion 2.0 [16].

Global Voices envoya une équipe en Haïti au lendemain du tremblement de terre, avant tout pour offrir un soutien aux médias citoyens, puisque nous croyons qu'il y a un réel besoin de faire entendre les voix haïtiennes quand il est question de secours et d'efforts de reconstruction. Notre Directeur Général, Georgia Popplewell [17], et ancienne chef d'équipe GV Lingua, Alice Backer [18], “[prirent] contact avec des Haïtiens en utilisant les médias citoyens, et en [identifièrent] d'autres ayant le potentiel de participer et d'enrichir le dialogue en ligne, avec les bonnes ressources”, en vue d'accroître l'activité des médias citoyens locaux. Visitez notre couverture spéciale [3] pour diverses perspectives sur le séisme et les efforts des secours.

Comme si les effets dévastateurs du tremblement de terre sur les réserves alimentaires locales ne suffisaient pas, les fermiers haïtiens durent également se mobiliser en hâte contre Monsanto [19], une entreprise qui produit des semences génétiquement modifiées et qui voulut profiter de l'opportunité, via “une donation de semences conventionnelles de maïs et de légumes aux paysans de Haïti, pour les aider à augmenter la production alimentaire et favoriser la relance à long terme après le séisme.”

A la fin d'une année difficile, le pays faisait face à une crise débilitante de choléra, se préparait à un ouragan [20] et, quand il s'avéra que l'épidémie de choléra fut amenée dans le pays par les (largement non sollicités) Casques Bleus de l'ONU, essayait de fonctionner de son mieux au milieu de violentes manifestations [21].

Les catastrophes naturelles et les problèmes de santé publique ne furent pas les seuls défis que l'île eût à relever. Son annus horribilis [22] atteignit son paroxysme avec le déroulement d’élections controversées [23] dans le pays; les blogueurs s'interrogent encore sur la transparence du scrutin, même si les résultats continuent d'être vérifiés [24].

Les répercussions du tremblement de terre du 12 janvier firent incontestablement de 2010 une année qu'Haïti préférerait oublier, mais la réalité est que d'autres territoires de la région furent aussi affectés par la secousse. La République Dominicaine et Haïti partagent la même île, Hispaniola [en espagnol: La Española]. Puisque les frontières sont fluides et perméables, tout ce qui affecte un pays affecte l'autre d'une façon ou d'une autre [25]. Ainsi, la République Dominicaine ressentit aussi les séquelles de l'énorme séisme qui toucha Haïti [26], laissant au moins 300 000 morts et plusieurs milliers d'autres sans abri et vivant dans des conditions très difficiles.

Les manifestations étudiantes à Porto Rico
Porto Rico fut aux prises une sévère crise économique en 2010. Le désespoir et l'angoisse causés par les politiques publiques conservatrices en mati!ère sociale et économique fournirent le contexte de la grève étudiante qui paralysa le campus principal de l'Université d'état de Porto Rico [1] pendant deux mois à partir d'avril 2010. Les étudiants des campus de toute l'île rejoignirent la manifestation contre les coupes budgétaires dans l'éducation, et leur épreuve initia un mouvement social national.


Des étudiants manifestent sur le campus principal de l'UPR. Photo prise par Ricardo Alcaraz de Diálogo. Republiée sous une licence CC.

En décembre 2010, les étudiants du campus principal à Río Piedras, San Juan, déclarèrent une seconde grève, cette fois spécifiquement contre des frais d'inscription annuels de 800 dollars US. Le gouvernement ordonna à la police d'occuper les campus universitaires, ce qui mena à de violents affrontements avec les étudiants. Au cours des deux grèves, les étudiants utilisèrent les plateformes en ligne de façon créative, les blogs et les réseaux sociaux, pour s'exprimer.

L'état d'urgence en Jamaïque
Les yeux du monde entier étaient rivés sur la Jamaïque depuis fin mai, où le Premier Ministre cessa finalement d'essayer d'échapper à l'inévitable et permit la signature de la demande d'extradition des Etats-Unis pour le parrain présumé du trafic de drogue Christopher “Dudus” Coke, déclenchant une série d'incidents [27] qui a pratiquement tenu le pays en haleine pour plus d'un mois. Comme l'exprimait @anniepaul [28]:

Le pacte entre les criminels et l'Etat a été rompu, nous voyons à présent les conséquences de cette rupture…

Les médias citoyens firent un travail remarquable en tant que source d'information fiable pendant les troubles. Notre couverture spéciale [29] contient tous les détails.

La libération des prisonniers politiques cubains
Au cours des derniers mois, le gouvernement cubain, en tant que partie de l'accord négocié par le gouvernement espagnol et l'Eglise catholique, a relâché plusieurs prisonniers politiques [30], bien que pour les exiler en Espagne. La décision suivit la mort du gréviste de la faim Orlando Zapato Tamayo [31], après laquelle la situation sur l'île devint encore plus tendue, avec la lutte des autorités cubaines contre les blogueurs et les activistes [32] au moment des funérailles de Tamayo. Treize prisonniers doivent encore être relâchés [2] dans le cadre de l'accord ; bien que la date limite soit déjà passée, les blogueurs surveillent toujours la situation de près.

Ce n'était pas la seule histoire majeure en provenance de Cuba cette année : peu après que Fidel Castro avoua à un journaliste (et par la suite il revint sur sa déclaration) que le modèle économique cubain ne fonctionnait plus, le gouvernement commençait le processus de suppression de 500 000 emplois publics [33], dans un effort pour ressusciter l'économie chancelante de l'île.

Chose intéressante, le gouvernement a aussi annoncé qu'un câble sous-marin à fibre optique reliant le Vénézuéla, Cuba et la Jamaïque serait opérationnel ce mois-ci. Même si cela améliorera grandement la qualité de la connexion Internet, cela ne mènera pas nécessairement à plus d'accès [34].


Crash d'avion dans le centre de Cuba. Avec l'aimable autorisation de Escambray.

Le 4 novembre, 68 personnes sont mortes dans le crash d'un avion Aerocaribbean dans le centre de Cuba. Les réseaux sociaux devinrent immédiatement un des principaux canaux de communication sur l'événement [35].

Tristes adieux
Plusieurs territoires de la région durent dire au revoir à des icônes nationales en 2010 : la Barbade [36] perdit son relativement nouveau et certainement plus jeune Premier Ministre [37], la Jamaïque [38] – et en fait le monde- vit l'icône du reggae Gregory “Cool Ruler” Isaacs emporté par le cancer et Monserrat [39] (et les fans de calypso [musique de carnaval issue des Antilles] partout dans le monde) fit un ultime adieu à Arrow, l'homme qui nous apporta le méga-tube “Hot, Hot, Hot”.

Dans d'autres nouvelles musicales, la star du reggae Buju Banton fut un sujet de discussion régulier sur la blogosphère régionale [40], puisqu'il se rendit aux tribunaux américains pour se défendre contre une accusation de trafic de drogues. Après que le juge présidant l'affaire eut déclaré une erreur judiciaire en septembre, il est prévu que le chanteur repasse en jugement, avec un nouveau procès commençant début janvier 2011.

La saison des ouragans
La saison 2010 des ouragans dans  l'Atlantique démarra de bonne heure, avec l'ouragan Earl [41], suivi de près par Igor [42] et finalement, Tomas [43], la tempête qui occasionna les plus gros dommages. Lorsque les pays voisins promirent d'apporter leur soutien pour faire face aux suites de l'ouragan, la nouvelle Première Ministre de Trinidad et Tobago (et première femme élue à ce poste [44]fut critiquée pour avoir déclaré que toute aide financière de la république des îles jumelles reposait sur des bénéfices économiques réciproques [45]. Ses mots furent interprétés comme un signe d'insensibilité et déclenchèrent un boycott en ligne des produits de Trinidad et Tobago à travers toute la région.

Des catastrophes naturelles aux batailles politiques, 2010 fut une année bien chargée – et pour 2011, l'équipe des Caraïbes de Global Voices continuera à surveiller la blogosphère régionale dans un effort continu pour faciliter le dialogue et la compréhension à travers l'archipel des Caraïbes.

Firuzeh Shokooh Valle [46] a contribué à ce billet.