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Soudan : Les technologies de pointe ne peuvent pas remplacer l'être humain

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Soudan, Guerre/Conflit, Médias citoyens, Politique, Technologie

[liens en anglais sauf mention contraire] George Clooney [1] [en français] a lancé un projet, Satellite Sentinel [2] [le Satellite Sentinelle] qui utilise l'analyse d'imagerie satellite et la technologie des marqueurs de Google Cartes pour prévenir la reprise de la guerre entre Nord Soudan et Sud Soudan. Le projet [3] permettra d'empêcher les atrocités de masse en déclenchant une alerte en amont :

Nous sommes arrivés trop tard au Rwanda. Nous sommes arrivés trop tard au Congo. Nous sommes arrivés trop tard au Darfour. Il n'y a pas de temps à perdre au Soudan. Notre système de cartographie combinera l'analyse d'imagerie satellite et les rapports sur le terrain avec la technologie des marqueurs de Google Cartes pour prévenir la reprise de la guerre entre Nord Soudan et Sud Soudan.

Le 9 janvier 2011 [4] le Sud Soudan va tenir un référendum [5] pour décider s'il va continuer à faire partie du Soudan.

Carne Cross [6], un ancien diplomate britannique, a publié une critique du projet [7] sur son blog en soutenant que les technologies de pointe ne pouvaient pas remplacer l'être humain.

Il dit [7], ” En théorie, c'est une bonne idée et l'intention est certainement louable. Mais je me pose deux questions” :

La première est que la plupart des experts pensent qu'il y a peu de chances qu'un conflit entre le Nord et le Sud prenne la forme d'un mouvement massif de troupes ou de tanks qui passeraient la frontière par exemple, ou d'une invasion des champs pétroliers frontaliers par les Forces Armées Soudanaises (SAF) – activités militaires que les satellites peuvent facilement identifier. Au Soudan, un conflit se matérialisera plus probablement sous la forme de violences sporadiques très localisées, peut être avec des milices qui agiraient pour le compte du gouvernement de Khartoum (comme les Janjaweed au Darfour). Une autre possibilité est celle de conflits locaux entre tribus provoqués par le gouvernement et entretenus par la fourniture d'armes, dont des armes lourdes.

Sa seconde objection est que [7] le project s'appuie beaucoup sur des technologies coûteuses et ignore les êtres humains qui sont sur le terrain :

Ma seconde objection est que cette initiative, comme tant d'autres à notre époque obsédée par la technologie, met en avant une solution très technologique, chère et – cela va sans dire – à la mode, en négligeant au passage les mécanismes en place qui reposent sur cette ressource plutôt sous-utilisée, pas vraiment à la mode et souvent ignorée, les habitants.

Il soutient qu'avec l'échéance du référendum qui se rapproche, la technologie la plus utile pourrait être le Sudan Vote Monitor [8] [Surveillance des élections au Soudan], qui utilise la plateforme Ushahidi [9] :

Alors que le Sud Soudan se rapproche du référendum du 9 janvier sur son autodétermination,  cette plateforme technologique pourrait s'avérer être la plus utile dans les prochaines semaines. L'idée derrière “Sudan Vote Monitor” est que les gens envoient des SMS à un numéro central pour rapporter les actes de violence, les problèmes dans les bureaux de vote, etc.

“Sudan Vote Monitor” est un projet pilote [10] mené par le Sudan Institute for Research and Policy [11] (SIRP) [Institut soudanais pour la recherche et la politique] et Asmaa Society for Development [12] [Société pour le Développement ASMAA] , en collaboration avec d'autres organisations non-gouvernementales soudanaises, et soutenu par eMoksha.org et Ushahidi.com (partenaires technologiques). Le but de cette initiative est d'utiliser les technologies de l'information et de la communication pour soutenir l'indépendance de la surveillance et des rapports du processus électoral et de ses résultats.

Ushahidi [13] (“témoignage” ou “témoin” en Swahili) a été créé en réaction aux débordements qui ont accompagné les élections présidentielles disputées qui ont eu lieu au Kénya en 2007. La plate-forme permet de rassembler les rapports de violences envoyés par mails et SMS par les témoins et de les placer sur une carte Google.

Le 3 janvier 2011, “Sudan Vote Monitor” commencera à publier en temps réel les rapports envoyés [14] par les organisations civiles, les médias et les particuliers sur le référendum [15] au Soudan.

Bien que “Sudan Vote Monitor” utilise une solution technologique, [7]

il repose sur la pénétration de la technologie plutôt basique des téléphones portables. Avant tout, il repose sur la sagesse et l'attention des habitants qui sont certainement les meilleurs juges pour évaluer si un conflit est imminent ou s'est déclaré.

Il fait remarquer qu'il est plus que temps que les personnes les plus concernées et les mieux informées soient mises à contribution :

Comme je l'ai déjà souligné, c'est une mascarade que lors des discussions des Nations Unies, par exemple au Conseil de Sécurité, les personnes locales soient absentes, non invitées. Ce sont les personnes les plus affectées par les décisions prises et aussi les mieux informées. Quand le Conseil de Sécurité évalue la situation au Darfour, il n'y a personne du Darfour à la table. C'est malheureusement la norme pour ce genre de discussions, car les Nations Unies en tant qu'institution composée de gouvernements, n'accepteront pas de représentants de “non-gouvernements”, même si ils sont les représentants légitimes de personnes opprimées, comme les Soudanais.

Il conclut en disant que tout ce que nous avons à faire est d'écouter les voix locales :

Les personnes locales sont toujours les plus sages et les meilleures et les plus rapidement informées des conflits et autres menaces pour la sécurité.  Tout ce que nous avons à faire est de les écouter.