Soudan : Le Président annonce que le Nord sera régi par la loi islamique si le Sud fait sécession

Le billet d'origine a été publié le 27 décembre sur le site Global Voices Online en anglais. Le référendum au Sud-Soudan a débuté le 9 janvier.

A l'approche du référendum sur la possible sécession du Sud-Soudan, quelques blogueurs soudanais ont entrepris de commenter les perspectives futures de leur pays [les blogs cités sont en anglais].

Les récents commentaires faits par le Président soudanais, Omar Hassan Al-Bashir, sur l'application de la loi islamique au Nord-Soudan si le Sud fait sécession ont allumé la controverse :

Vendredi, un groupe de religieux musulmans radicaux a ouvertement critiqué le gouvernement soudanais pour avoir accepté le référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan, et  a exigé l'application de la loi islamique de la charia dans tout le pays, que cela plaise ou non aux citoyens de la région du Sud-Soudan, des chrétiens dans leur grande majorité.

Le Sud-Soudan, dont la population adhère majoritairement au christianisme ou aux croyances traditionnelles, s'oriente vers une séparation d'avec le Nord, de majorité musulmane, via un référendum prévu en janvier 2011, un plébiscite stipulé dans le Traité global de paix (sigle en anglais, CPA) qui mit fin en 2005  à une guerre civile endémique de près d'un demi-siècle entre le Nord et le Sud.

Selon le CPA, le Nord-Soudan maintiendrait les lois islamiques tandis que le Sud se verrait octroyer une large autonomie avec un gouvernement laïc dirigé par les anciens rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan [sigle en anglais, SPLM].

La Ligue légitime des Prédicateurs et Religieux musulmans (sigle en anglais, LLMPC), un groupe de religieux radicaux qui existe parallèlement au clergé officiel connu sous le nom d'Association des Musulmans orthodoxes, a entrepris une marche de protestation le vendredi 24 décembre, et a tenu une conférence de presse en laquelle les leaders du groupe ont déclaré leur rejet du référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan et ont appelé le gouvernement à appliquer la loi de la  Charia dans son intégralité.

Yousif Magdi, un blogueur soudanais copte chrétien a dit ceci sur la déclaration de Al-Bashir:

Le Président du Soudan, Omar El-Bashir, a récemment déclaré que si le référendum de 2011 aboutissait à la sécession du Sud-Soudan, alors, la Constitution du Soudan serait modifiée  pour faire du nouveau Soudan un pays (si je peux l'appeler ainsi) qui ne respecte pas la coexistence des religions et des races, où tous seront régis par la loi islamique de la “Charia”. De plus, l'Islam sera la religion officielle au Soudan.
J'ai l'impression que la situation va être exactement identique à celle de l'Arabie Saoudite où l'on ne peut être chrétien.
L'avenir est sombre et pas engageant du tout.

Sur le blog The Sudanese Thinker, Drima a blogué sur une vidéo de la flagellation d'une jeune Soudanaise et il a exprimé son soutien à un Etat laïc au Soudan après avoir expliqué quelques-unes des nuances de la loi islamique. La vidéo de la flagellation a suscité l'indignation parmi les Soudanais du Soudan et à l'étranger.

Des châtiments comme la flagellation devraient être complètement abolis :

Ce qui devrait nous indigner ce n'est pas la manière dont on devrait “convenablement” appliquer ce châtiment, mais que ces châtiments existent encore. La flagellation devrait être complètement abolie, et nous devrions ne plus reculer devant la critique des aspects dérangeants de toutes les religions organisées.
Oui, il y a des choses dans la charia, —les lois alimentaires, le montant d'argent que l'on doit donner pour les pauvres, les règles qui suppriment la pratique de l'usure- qui en bien des points sont bonnes et bénéfiques lorsque nous les appliquons de par notre volonté propre dans notre vie quotidienne et qu'elles ne nous sont pas imposées.

Cependant, des châtiments véritablement inquiétants tels que les lapidations, les décapitations et les flagellations ne sont ni bons ni humains et ne sont pas adaptés à nos temps modernes, c'est pourquoi nous pensons que nous avons besoin d'une franche discussion sur le sujet. Mais quand sera-t-elle portée à grande échelle ? Quand ? Cette discussion doit à tout prix avoir lieu maintenant.

Muhanned, un blogueur soudanais à Khartoum, partage ses réflexions sur cette vidéo et nous raconte une histoire sur la manière dont des policiers zélés l'ont arrêté par erreur dans la capitale soudanaise de Khartoum :

Les services de presse de la police ont dit que la fille qui apparaît dans la vidéo est une lesbienne ! Si elle était de confession musulmane, elle devrait recevoir 40 coups de fouet moyennement forts (pas forts sous peine de la tuer ni faibles).
Et l'exécuteur ne devrait pas lever la main de sorte que l'on voie son aisselle. Mais dans cette vidéo, les policiers dépassent les limites de l'Islam…
Peut-être ne sais-je pas ce qu'elle a vraiment fait mais j'aimerais seulement vous dire ce que les policiers m'ont fait…
Un jour,  je marchais entre la rue du Nil et le Hall de l'Amitié – principal lieu de conférences- et tandis que je marchais, une voiture de police s'est arrêtée près de moi et les policiers ont commencé à frapper les gens afin qu'ils sortent des lieux où ils se trouvaient. J'ai seulement demandé au lieutenant: “Qu'est-ce qui se passe?” mais il a ordonné à ses soldats de m'embarquer dans la voiture de police. Le soldat m'a frappé de son bâton et m'a fait monter dans la voiture.

Lorsque nous sommes arrivés au poste de police -le poste de police de Almogran “alnezam alaam”- le lieutenant m'a poussé dans le bureau d'enquête et a commencé à écrire les accusations suivantes:
1- Interception de policiers tandis qu'ils faisaient leur travail !!!
2- Jurons et utilisation de mots grossiers
3- Vandalisme et incitation des masses
4- Diminution du prestige des policiers…
5- Résistance lors de l'arrestation !!!
Tout cela parce que j'avais dit: “Qu'est-ce qui se passe!!!”.  Après cela, ils ont cherché sur mon mobile d'éventuelles vidéos de sexe et ont fait de même sur mon ordinateur portable !!!

Il y a eu un autre lieutenant qui a commencé à me crier au visage et m'a ordonné de m'asseoir par terre , et quand j'ai refusé il a dit : ” tu n'es pas un homme respectable et c'est ta curiosité qui t'a emmené au poste de police… Alors, je leur ai demandé si je pouvais téléphoner à ma famille -uniquement pour leur dire où j'étais- mais ils ont refusé, puis je leur ai demandé à appeler mon avocat mais ils ont aussi refusé. Finalement, le commandant leur a dit de me relâcher après deux heures passées au poste….
Alors, jusqu'à quand resterons-nous silencieux tandis que s'exerce cet abus de pouvoir ????

Concernant le référendum en lui-même, le blogueur du Sud-Soudan,  Black Kush, discute du sujet et rapporte que Khartoum cède à la panique:

Le référendum pour l'indépendance du Sud-Soudan approche rapidement et Khartoum se laisse emporter par la panique. A présent, il utilise tous les moyens pour empêcher le plébiscite ou l'interrompre.

La récente plainte auprès de la Cour Constitutionnelle en fait partie. Dire que le registre du référendum aurait dû être, selon le CPA, tenu trois mois auparavant et qu'en conséquence le référendum est illégal est erroné. Le Parti du Congrès National est en train d'utiliser l'une de ses dernières armes. Le Parti du Congrès National a retardé de manière tactique tout le CPA. Dans ce raisonnement, même le recensement était illégal, les élections aussi et beaucoup d'autres choses. Il n'y a pas eu de débats parlementaires pour corriger les dates, ce qui n'était pas nécessaire conformément au CPA car il fut donné à la Présidence le choix de décider le moment le plus approprié. Ces contestations vont échouer.

Dans un autre billet, il analyse les tactiques de propagande du gouvernement à Khartoum:

Tout indique que le Parti du Congrès National (sigle en anglais, NCP) panique à l'avance devant le référendum pour la sécession du Sud-Soudan en janvier. Les diverses déclarations du NCP sont un clair signe qu'ils ne peuvent convaincre le Sud de rester uni et maintenant, ils utilisent des tactiques de culpabilisation  pour se défausser de l'imminente scission du Sud.

Voici quelques points essentiels et événements:
1. Bombardement par deux fois du territoire du Sud-Soudan
2. Allégation que le Sud-Soudan soutient les rebelles du Mouvement Justice et Equité  (sigle en anglais, JEM) au Darfour.
3. Allégation que le SPLM se prépare à renverser le gouvernement à Khartoum.
Les allégations sont sans fondement et ridicules, comme le sont les personnes qui les ont lancées. Je vous laisse les deux premières, mais dire que le SPLM veut attaquer le Nord et renverser le gouvernement est plus que ridicule, c'est totalement saugrenu.

L'objectif de la lutte du peuple du Sud-Soudan, dit John Akec, c'est de vivre en citoyen libres dans son propre pays :

Ceux qui connaissent l'histoire de la lutte du peuple du Sud-Soudan se rappelleront comment des centaines de combattants perdirent la vie inutilement lorsque le combat commença en 1983 à Bilpham en Ethiopie entre les forces de “séparation” et les forces “d'unité”  du SPLM et d’ Anya Nya II, comme on nous l'a dit plus tard. En regardant en arrière, il devrait être parfaitement clair que l'affrontement sanglant fut réellement une lutte de pouvoir déguisée en divergences d'objectifs et de stratégies.

Alors, quel est l'objectif de la lutte du peuple du Sud-Soudan ? L'objectif était et demeure que les Soudanais du Sud vivent en leur propre pays comme des citoyens libres avec des droits égaux et dignement comme le reste des Soudanais…

Autrement dit, l'objectif est d'avoir un pays où personne ne soit discriminé pour des raisons de religion, d'appartenance à une tribu ou une ethnie, ou des raisons de position sociale. L'objectif, selon les mots du docteur John Garang, est d'avoir un Soudan “où personne n'est au-dessus de moi ni moi, au-dessus de personne”. Et si je dois emprunter l'expression afro-américaine, c'est fondamentalement un Soudan “où personne ne l'emporte sur personne!”

Donnez-moi un tel Soudan, et je ne verrai aucune raison de faire la guerre à qui que ce soit ni ne verrai la nécessité de chercher à fuir. Cela ne veut pas dire que nous ayons atteint un tel Soudan d'égalité.

Nesrine Malik, qui blogue sur Comment is Free (‘Les commentaires sont libres’), réussit à nous éclairer davantage sur l'état d'esprit à Khartoum.

Il y a aussi un fond d'amertume et d'orgueil mis à mal. La guerre a paralysé le pays pendant si longtemps pour finalement se terminer en abandon des régions les plus riches en ressources naturelles. Fait ironique, certains pensent que le Parti du Congrès National (NCP), bien qu'il  cherche désespérément à éviter la scission, a commis une erreur tactique dans son impatience à signer l'accord global de paix sans avoir établi un plan stratégique pour éviter précisément cette scission. Les nordistes qui soutiennent activement la sécession -des gens du contingent d'Al-Intibaha– ne trouvent pas grâce auprès des sudistes car leur attitude semble être celle d'un bon débarras raciste.

Mais le résultat global est qu’ il n'y a pas de réel courant d'opinion contre la sécession mais un vif ressentiment et de l'incertitude, exarcerbés par une administration qui semble ne pas avoir la plus minime idée. Je ne peux m'empêcher de ressentir le fait que les rôles ont changé. Le Sud à présent profite de son avantage de victime.

En tant que peuple, les nordistes sont préoccupés, non par la divion mais par le jour de leur propre jugement qui scellera leur impossibilité à utiliser le Sud, la guerre ou les desseins occidentaux dans la région comme prétextes.

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