Gabon : Le leader de l'opposition prête son serment de nouveau Président

Ce billet fait partie de notre dossier Gabon.

La dualité de l'exécutif en Côte d'Ivoire semble avoir aussi inspiré l'opposition au Gabon. Dans l'après-midi du 25 janvier 2011, l'ex-candidat à l'élection présidentielle Bruno Ben Moubamba annonçait sur son blog qu'André Mba Obame, un autre candidat à cette même élection et considéré par beaucoup comme le probable gagnant du scrutin de 2009, a prêté serment en tant que président et formé son propre gouvernement.

André Mba Obame prête serment en tant que "Président" du Gabon (c) Jean-Pierre Rougou

André Mba Obame (au centre, à droite), son premier ministre Raphaël Bandega-Lendoye et le gouvernement (c) Jean-Pierre Rougou

La nouvelle a été abondamment commentée sur une de ses pages facebook qui compte plus de 1000 inscrits. Daniel Engo y écrit :

“Il ne faut pas diviser notre Gabon comme la Côte d'Ivoire”

Philippe Ludovic Tassy est de l'avis opposé :

“Felicitations M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES. Nous voulons la fin de cette françafrique et la dissolution de cette monnaie de singe qu'est le FCFA”

Au même moment, M. Mba Obame et ses partisans défilaient en direction du bâtiment de l'ONU à Libreville pour exiger la reconnaissance du nouveau président légitime.

André Mba Obame et ses partisans défilent à Libreville (c) Jean-Pierre Rougou

M. Ben Moubamba vit à présent en France, et a été nommé ministre des Affaires étrangères et de la Coopération. C'est un ancien journaliste et un utilisateur prolifique des médias sociaux. Il est suivi par 600 utilisateurs sur son fil twitter et se dit en conflit avec le réseau social Twitter parce qu'il affirme que son compte a été piraté.

En ce moment, il fait l'objet de poursuites de l'Agence France Presse  (AFP) pour diffamation.

Après avoir été contacté via Facebook, M. Ben Moubamba a accepté d'accorder son premier entretien de ministre putatif des Affaires étrangères à Global Voices en Français. Propos recueillis par Julie Owono.

Julie Owono : Les résultats de l’élection présidentielle au Gabon ont été rendus publics en août 2009, et déjà à l’époque, des voix, dont la vôtre, s’élevaient pour protester contre des irrégularités. Pourquoi M. Mba Obame ne prête-t-il serment qu’aujourd'hui ?

Bruno Ben Moubamba : Comme l'a dit le Président André Mba Obame pendant sa prestation de serment, la société gabonaise est en crise depuis l’élection présidentielle anticipée d'août 2009. A la mort de son père, M. Ali Bongo alors ministre de la défense a mis en place les conditions d'un coup d'État électoral. Le décès du président Bongo était une occasion pour le Gabon de repartir à zéro après plus de 40 ans d’un pouvoir autocratique et stérile sur le plan du développement du pays. Les Gabonais se sont donc mobilisés en masse s’inscrire sur les listes électorales pour manifester leur volonté de changement. Ali Bongo a interrompu le comptage de la centralisation des bulletins de vote par la Comité Électoral National Permanent (CENAP) et fait proclamer par le ministère de l’Intérieur des faux résultats confirmés par une cour constitutionnelle dont le mandat des juges était expiré depuis trois ans !  Le président Mba Obame, notre parti l’Union Nationale et le Peuple Gabonais, nous sommes trouvés dans la situation où le silence devient un péché lorsqu’il prend la place qui revient à la protestation.  Pourquoi aujourd’hui ? La Communauté internationale, au regard du cas haïtien et celui de la Côte d’Ivoire,  semble dire qu’on acceptera plus que des personnes s’autoproclament vainqueurs des élections.

JO : Le 28 décembre dernier, le Parlement gabonais adoptait une modification de la Constitution. Quelles sont les conséquences politiques concrètes de cette modification ?

BBM : Compte tenu de l’état de crise de la légitimité de l’autorité politique de l’État, de la confiscation du pouvoir depuis plus de quarante ans et au regard de la crispation politique actuelle au Gabon, la réforme de la Constitution aurait du être un grand moment d’affirmation et de protection des libertés politiques et civiques des Gabonais. Au désarroi de l’ensemble des Gabonais et de la communauté internationale, cette réforme conduit à l’instauration d'une monarchie présidentielle de fait : le parlement a été dépossédé de l'essentiel de ses prérogatives par rapport à l'exécutif.

JO : Allez-vous demander une reconnaissance internationale de la prestation de serment d’André Mba Obame ?

BBM : Oui… prochainement des démarches vont être entamées dans ce sens. Je ferai prochainement des propositions au conseil des ministres pour la reconnaissance internationale du président et du gouvernement légitime du Gabon.

JO : Pensez-vous pouvoir être soutenu et reconnu par d'autres pays ou organisations internationales ?

BBM : La communauté internationale porte désormais un nouveau regard sur la crédibilité des élections. Nous l'avons constaté en Côte d'Ivoire ou en Haïti récemment, elle subordonne sa reconnaissance à un impératif démocratique. Elle ne peut donc pas agir par un poids deux mesures. Elle se doit d'être conséquence si elle veut être prise au sérieux par les dictatures du monde entier. Nous n'avons donc aucun doute quant à notre reconnaissance internationale.

JO : M. Ali Bongo pourrait être poursuivi dans le cadre des biens mal acquis par la justice française. Vous avez communiqué sur votre blog à propos du rapport du sénat américain faisant état de malversations et détournements. Demandez-vous le gel de ses avoirs, comme cela est actuellement le cas contre Laurent Gbagbo et ses proches en Côte d’Ivoire ?

BBM : Politiquement, le Congrès ou la Maison Blanche doit donner suite au rapport du Sénat sur la corruption qui mettait en cause Ali bongo sur près de 70 pages. Il me semble que les autorités américaines disposent toutes les informations pour agir dans le sens de la protection de leurs intérêts et de ceux des Gabonais. Nous ferons des représentations dans ce sens avec les autorités américaines.

JO : Justement, parlons un peu de la Côte d’Ivoire : quelles conséquences tirez-vous pour le Gabon, et la position prise par la communauté internationale à l’issue du scrutin présidentiel de Novembre 2010 ?

BBM : Le précédent ivoirien, s'il aboutit au rétablissement dans ses droits du vainqueur des urnes, devrait renforcer la tendance démocratique en Afrique. Mais cela n'ira pas de soi. Il faudra  plus d'engagement et de détermination de la part des démocrates africains pour rendre féconde la jurisprudence ivoirienne.

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