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Egypte : Tweeter depuis les toits

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Egypte, Dernière Heure, Guerre/Conflit, Média et journalisme, Médias citoyens, Photographie

Ce billet fait partie de notre dossier sur les manifestations en Egypte [1]

La Twittosphère égyptienne réunie autour du mot clé  #jan25 [2] déborde d'informations sur les manifestations en cours. Pour les observateurs, les toits sont devenus le lieu d'observation privilégié. A Suez, Ian Lee (@ianinegypt) illustre [3] cette situation :

Je tourne des vidéos depuis les toits, trop dangereux d'être dans la rue pour les étrangers. Il y a des milliers de gens. #jan25 [4] #suez [5]

Beaucoup de tweets du fil #jan25 [2] sont publiés en anglais, ce qui laisse à penser que l'anglais est utilisé pour amplifier les informations auprès des médias internationaux, plutôt que pour s'organiser sur le terrain.

Les médias sociaux, en offrant eux aussi une perspective “depuis les toits”, sont une métaphore de cette situation.

Le tweet de Jailan El-Rafie reflète cette stratégie. Elle traduit, puis envoie des tweets renvoyant à la version anglaise [6] d'un récit [7]rédigé par un réalisateur, Amr Salama [8].

http://on.fb.me/g7OWvM [9] Voici le récit de @AmrMSalama [10] en anglais.  RT s'il vous plait pour que plus de gens le lisent. #Egypt [11] #Jan25 [12]

Le récit de Amr Salama est en lui-même une construction très médiatique ; tout à la fois une description crue de son passage à tabac par la police, et une chronique de ses faits et gestes du point de vue d'un manifestant. Il commence son récit en se présentant comme un acteur des événements :

La rue était complètement déserte, et à l'horizon, je pouvais voir une masse de gens. J'ai d'abord cru que c'était des manifestants puis j'ai remarqué qu'ils étaient tous habillés en noir. Je me suis souvenu de scènes de vieux films de guerre, comme Braveheart et Gladiator, j'ai éprouvé cette impression de champs de bataille antiques et j'ai été parmi les premiers à courir vers les rangs de policiers qui approchaient.

L'histoire de Salama prend vite une mauvaise tournure. Il change de rôle, de héros de film d'action à reporter de guerre puis à victime :

J'avais mon cher iPhone à la main, et j'essayais de prendre des photos et de faire des vidéos, jusqu'au moment ou j'ai été encerclé par pas mal de policiers, qui ont commencé à me battre sauvagement avec leurs matraques, qui me donnaient des coups douloureux sur la tête, sur le visage, l'estomac et les jambes.

Le passage à tabac continue, Amr Salama est trainé loin de la rue et battu à de multiples reprises :

Ensuite nous sommes entrés dans un immeuble, les gentils soldats nous escortaient, il a verrouillé l'entrée, m'a frappé aux jambes pour que je tombe par terre puis a commencé le pénible épisode des coups vicieux.

Il se souvient qu'il s'est interrogé sur une fin de martyr pour médias sociaux :

Je voyais ma famille, je pensais aux problèmes que cela allait leur causer, au film que je n'avais pas fini de tourner encore, à la page qui serait créée pour moi sur Facebook et je me suis demandé si j'obtiendrai le titre de “Nous sommes tous Amr Salama” [NdT: allusion à la page Facebook “Nous sommes tous Khaled Said [13]” en mémoire d'une victime de la police égyptienne]. J'ai aussi pensé au communiqué que le ministère de l'Intérieur publierait, disant que j'étais probablement mort d'avoir avalé par accident mon  iPhone.

Sauvé par certains des soldats, il peut s'échapper. Il explique ensuite ses motivations :

J'ai découvert que la chose la plus importante est que j'avais réalisé ces choses, que je savais pourquoi j'étais battu, pourquoi je manifestais et que je sais que sans signes ou revendications politiques complexes, j'ai compris pourquoi je subissais tout ça.  J'ai subi tout ça parce que je veux une Egypte meilleure, une Egypte meilleure sans ce pouvoir absolu qui continue d'aucun de ses gouvernants, et une Egypte meilleure, sans gouffre dans sa structure sociale.

Nora Shalaby [14] partage une galerie sur Flickr [15] qui montre un aspect différent des manifestations, des photos de nuit à l'énergie cinétique de foules et de célébrations.

[16]

"Moubarak pendu à un mat," Nora Shalaby, 2010, tous droits réservés, photo utilisée avec permission

Al Jazeera a proposé une compilation [17] de “vidéos amateurs depuis les rues” intenses, dont une vidéo  impressionnante de malakndawood [18] de manifestants tombant d'un camion d'eau (ci-dessous).

http://www.youtube.com/watch?v=OoKQLr439Ww&feature=player_embedded

La vidéo de MFMAegy, tournée depuis un toit, pourrait bien être l'écho le plus important des manifestations en Egypte dans l'iconographie des manifestations célèbres. Cette vidéo du 25 janvier représente [19] le moment Tiananmen de l'Égypte, jusqu'à l'angle similaire [20] de la caméra :

[21]

Capture d'écran de la vidéo de MFMAegy. Un manifestant se confronte à un canon à eau

[22]

Capture d'écran de Wikipedia, le "tank man" de la place Tiananmen.