Alors que la réaction officielle du gouvernement des États-Unis aux manifestations en Egypte sonne comme une tentative désespérée de maintenir la stabilité, des voix nord-américaines que l'on voit moins à la télévision américaine soutiennent les manifestants au pays des pyramides.
Human Rights Now (Droits de l'Homme maintenant), le blog d’ Amnesty International USA, publie l'article d'un de ses spécialistes du Moyen-Orient, Geoffrey Mock, lequel voit un lien particulier avec les Etats Unis dans cette évolution des évènements :
La nouvelle qu'Omar Suleiman, après cinq jours de manifestations, ait été nommé vice-Président de l'Egypte rappelle que les abus qui ont fait descendre les Egyptiens dans les rues ont été très soutenus en Amérique du Nord, y compris ici même chez moi, en Caroline du Nord.
D'après le journaliste Stephen Grey, Suleiman fut un agent de liaison entre l’ Egypte et les Etats-Unis pour ces incroyables extraditions de prisonniers vers l'Egypte, étroitement liés aux questions de tortures [qu'ils aillaient y subir]
Cela m'a aussi rappelé les exportations du comté de Johnston lorsque j'ai vu les nouvelles cette semaine de personnes au Caire sur les bombes lacrymogènes qui ont été utilisées contre elles. Fabriquées Aux États-Unis, disaient les emballages.
Lorsqu'on voit les images des Égyptiens dans les rues, témoignant de leur frustration consécutive à 30 années de tyrannie et d'abus, il est sage et approprié de se sentir solidaires avec eux. Mais ce n'est pas suffisant. Pour aider les gens du Caire qui cherchent à arrêter ces abus, nous, aux États-Unis et en Caroline du Nord, nous devons mettre un terme à nos propres politiques et actes qui les ont entretenus.
Manifestants chantant l'hymne égyptien à New-York près des Nations-Unies;
Vidéo de Ahmed Al Omran d’ Arabie Saoudite, dit “Saudi Jeans”, actuellement étudiant à New-York.
Dans un autre post d'appel à l'action, Mock énumère une série d'événements organisés aux États-Unis: “Des manifestations ont déjà eu lieu à San Francisco, à New-York et à Washington,” écrit-il, ajoutant qu'Amnesty International USA a organisé un rassemblement devant le consulat égyptien le samedi 29 janvier.
Rana Rizk, originaire du Caire, s'est unie à ses compatriotes depuis New-York. Elle écrit dans The Huffington Post:
J'ai parlé avec les membres de ma famille en Egypte qui m'ont rendu compte de ce qu'ils ont eux-mêmes vu de leurs fenêtres, tout près de la place Tahrir et je leur ai transmis les nouvelles internationales que je suis sur Internet, puisque celui-ci est toujours coupé en Egypte. Ils sont complètement isolés. Je suis en train d'écrire avant d'aller me coucher ici, à New-York, et je pense à tous ceux qui ont été blessés aujourd'hui, arrêtés voire même assassinés. L'Egypte a été un trou noir aujourd'hui d'où rien n'est sorti. J'ai peur de découvrir ce qui est arrivé à nos courageux manifestants.
[…]
Contrairement à ce que j'avais toujours cru, les manifestations non violentes au Moyen-Orient sont possibles et méritent un grand respect. Leurs demandes doivent recevoir une réponse et doivent être encouragées par la communauté internationale. Et je demande aux États-Unis de bien vouloir cesser de vendre des bombes lacrymogènes au gouvernement égyptien. Comment peut-on encourager Moubarak à écouter les revendications des manifestants et dans le même temps leur fournir des munitions pour blesser ces mêmes manifestants?
Jack McCullough, un avocat du Vermont, s'inquiète de l'avenir de la démocratie en Egypte dans son blog Rational Resistance :
J'ai la sensation d'avoir vu ce film avant. Un dictateur qui est très ami des États-Unis et partage leurs objectifs de politique extérieure, et qui se trouve en difficulté, menacé par de massives manifestations dans les rues.
Ce n'est pas exactement la même situation qu'en Iran, car en ce dernier cas, le dictateur ne fut pas installé par les États-Unis. Il n'empêche, les choses ne semblent pas très stables pour Hosni Moubarak.
[…]
Il est presque impossible de ne pas s'identifier avec les manifestants qu'on rencontre dans les rues, car comme l'affirme mon ami, nous sommes tous des Égyptiens à présent.
Si vous êtes un peu plus âgé, vous vous rappelez certainement avoir ressenti la même chose en voyant les étudiants de Téhéran risquant leurs vies face à la SAVAK de Pahlavi [le shah]. Moi c'est ce que j'ai ressenti. En fait, lorsque je me trouvais à la fac de Droit, j'ai eu l'occasion de défendre un étudiant iranien qui avait été arrêté sur le campus de l'Université du Michigan pour avoir utilisé un masque lors d'une manifestation contre Pahlavi.
[…]
Existe-t-il une quelconque possibilité que Moubarak puisse s'en aller sous bonne escorte sans créer une dictature du type irano-islamiste?
Geoffrey Mock, mentionné plus haut, a une réponse. “Il s'agit d'une manifestation qui a réuni toutes les classes sociales, toutes les idéologies et les religions, et c'est bien cela qui effraie le gouvernement.”