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Thaïlande: procès de la liberté d'expression (3e jour)

Catégories: Thaïlande, Cyber-activisme, Droits humains, Liberté d'expression, Médias citoyens, Technologie, Advox

3e jour: le conseiller légal du MTIC a déclaré: “La liberté a ses limites.” (1er jour [1] et 2e jour [2] du procès [en français])

Le troisième jour pour les témoins à charge dans le procès de la webmaster de Prachatai Chiranuch Premchaiporn s'est ouvert au tribunal pénal de Bangkok le mercredi 9 février.

Nous avons écrit que Chiranuch risque 50 ans pour dix chefs d'accusation sous la draconienne Loi contre les Crimes Informatiques (LCI) thaïlandaise. Si elle est reconnue coupable, Chiranuch pourrait encourir une peine de 50 ans, 5 ans pour chacun des chefs, mais en fait le maximum qu'elle pourrait effectuer est de 20 ans.

Le second témoin de l'accusation, Thanit Prapathanan, un conseiller légal du MTIC (Ministère des Technologies de l'Information et de la Communication) thaïlandais depuis 2005, a témoigné qu'il avait personnellement vu la totalité des dix commentaires sur la discussion en ligne publique de Prachatai qui ont débouché sur les charges retenues contre Jiew. Les billets et les commentaires sur ce forum ont été fait anonymement. Chiranuch est accusée de lèse-majesté parce qu'elle n'a pas réussi à les effacer rapidement.

Thanit est désigné comme un “fonctionnaire compétent” sous la LCI avec la responsabilité exclusive de protéger la monarchie thaïlandaise des insultes. Le lèse-majesté est considéré comme une menace de la sécurité nationale.

Thanit a reçu le matériau sur Prachatai du premier témoin à charge, le censeur en chef du MTIC, Aree Jivorarak, sous la forme de documents, DVD, VCD et CD audio pour étude. Il les a transmis au Ministère de la Justice pour leurs observations et a ensuite cherché à obtenir une ordonnance du tribunal pour bloquer Prachatai.

Le matériau incluait un CD audio d'un discours d'une réunion des chemises rouges par Darunee Charnchoensilpakul, surnommée Da Torpedo, qui a reçu une peine de 18 ans pour lèse-majesté. Un commentaire à l'un des billets contenait un lien externe vers ce discours sur un site tiers.  Bien que le discours n'ait jamais été hébergé par Prachatai, MTIC prétend que Prachatai est également coupable d'avoir répété son lèse-majesté et a ajouté une transcription de la police du discours dans les pièces à conviction contre Chiranuch.

L'avocat du MTIC a déclaré que tout intermédiaire partage la même responsabilité criminelle que l'auteur [du billet]. Créer une plateforme pour permettre aux gens de communiquer et de partager de l'information a rendu Prachatai responsable pour tous ses utilisateurs.

Cette déclaration à elle seule a renforcé la mission du gouvernement thaïlandais dans ce procès – intimider les webmasters et réprimer la libre expression parmi les internautes. Le gouvernement trace la ligne à ne pas franchir mais ne dit jamais aux internautes où elle se trouve donc nous ne savons jamais quand nous la franchissons et passons dans la criminalité.

Thanit a exprimé son inquiétude concernant le contre-interrogatoire de la défense. Cependant, le premier juge l'a rassuré sur le fait qu'il pouvait garder ses réponses pour lui.

L'avocat a déclaré qu'il connaissait l'opposition publique à la Loi contre les Crimes Informatiques rédigée par le MTIC et adoptée par la législature du coup d'état militaire. Il a dit qu'il était conscient que la liberté de parole était garantie par la constitution thaïlandaise – aucune loi limitative ne peut restreindre ce droit. Cependant, Thanit a dit que des parties de la LCI le faisaient. Il a aussi dit qu'il savait que les charges de lèse-majesté ont été utilisées pour réduire au silence les opposants politiques.

A la séance de l'après-midi, Thanit du MTIC a dit que la loi informatique permet la poursuite des intermédiaires sur Internet. De telles charges ne demandent aucune preuve d'intention de diffamation. Un tel contenu est criminel même s'il est seulement  présent de manière momentanée sur le site web.

Les avocats de la défense ont fait remarquer que le site web du MTIC présentait lui-même des liens vers des médias dont le contenu relève du lèse-majesté. Le témoin a déclaré que le MTIC ne pouvait pas effacer du contenu tiers, et qu'il n'était donc pas responsable de leur contenu. Cela semble contredire ses déclarations sur la responsabilité de Prachatai pour les billets, les commentaires et les liens qui ne lui appartiennent pas.

Thanit a clairement déclaré, cependant, que les hébergeurs web ne peuvent pas être tenus pour criminellement responsables  pour les liens. Un site web serait seulement mis en accusation s'il refusait d'effacer de tels liens sur la “requête” du gouvernement.

Il a dit que, si un forum est public et n'est pas modéré, il peut facilement violer la loi informatique. Les webmasters prennent ce risque en connaissance de cause s'ils ne censurent pas leur discussion en ligne d'une manière appropriée. Cependant, il n'y a pas de limite – quand un contenu illégal est publié, un webmaster est coupable même si un tel contenu est rapidement retiré.

L'avocat du MTIC a déclaré qu'il évaluait le lèse-majesté sur la base du sujet, du billet et de ses commentaires vus dans leur ensemble.

Thanit a dit qu'il était plus facile pour le MTIC de poursuivre Prachatai car “les adresses IP peuvent être manipulées et les auteurs des billets pouvaient être difficiles à trouver”.

Un des billets pour lequel Chiranuch est accusée était intitulé “Ratchadamnoen, Pantip et Jae Da”(Pantip est un forum hautement régulé, modéré et autocensuré demandant à ses utilisateurs de signer de leurs noms et de fournir une identification ax autorités. Ratchadamnoen était le forum politique de Pantip qui a été fermé à cause des commentaires des utilisateurs. Jae Da fait référence à Darunee, Da Torpedo). Le témoin a déclaré que le MTIC considère toute référence à Da Torpedo comme illégale !

Thanit a déclaré que “l'inculte” croira la déclaration “La Reine était derrière le coup d'état militaire”. Quand la défense a demandé en quoila Reine était diffamée puisque celui de 2006 était considéré comme un “bon coup d'état”, le témoin a répondu “Parce que le coup d'état a renversé le gouvernement et la constitution”.

Contredisant le témoignagne du jour précédent du censeur en chef du MTIC, Thanit a dit qu'il n'avait trouvé aucune preuve que des livres interdits étaient vendus par Prachatai.

La défense a cité un rapport de décembre 2010 de la Fondation iLaw qui a trouvé que le nombre de sites web hébergeant du contenu de lèse-majesté avait augmenté de 900 en 2007 à 35 000 en 2010. Le témoin pense que leur but est d'abolir la monarchie thaïlandaise.

Le témoin du jour a conclu avec une déclaration plutôt glaçante: “La liberté a ses limites”.

Le procès de Chiranuch s'est poursuivi le jeudi 10 février à la Cour Pénale de Bangkok (San Aya), sur la route Ratchadapisek face à Soi 38 [38e rue], à la station de métro Lat Phrao. Il a lieu dans la salle d'audience 701 les 10 et 11 février, et du 14 au 17. L'affaire va certainement dépasser ces dates mais aucune autre salle n'est disponible jusqu'en décembre.

Le webmaster attesté de NorPhorChorUSA Tantawut Taweewarodomkul, surnommé Kenny, fait également face à des charges d'accusation de lèse-majesté sous la Loi contre les Crimes Informatiques thaïlandaise ainsi que des charges du Code Criminel.

Kenny est retenu sous caution depuis avril 2010. NorPhorChor est un acronyme pour le Front Uni pour la Démocratie et Contre la Dictature, communément appelé les chemises rouges. Le second jour du procès de Tantawut a eu lieu le jeudi 10 février en salle 906.

NOUS INCITONS TOUS LES LECTEURS A PASSER AU MOINS UNE SEANCE DE LA MATINÉE OU DE L'APRES-MIDI A SOUTENIR JIEW ET KENNY ET A DÉFENDRE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION.

NOUS AIMONS JIEW! NOUS AIMONS PRACHATAI!

LIBÉREZ KENNY!

DA EST LIBRE!