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Gabon : Une opposition sans chefs ?

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Gabon, Manifestations, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Politique

Ce billet fait partie de notre dossier Gabon [1].

Le Gabon entre dans sa troisième semaine de tension politique, avec ses [2]deux gouvernements [3] – officiel et officieux – revendiquant en même temps la présidence. Mais tandis que la situation évolue dans ce petit pays d'Afrique occidentale, les critiques dénoncent une absence de direction dans le mouvement d'opposition qui éclôt.

Répressions

Ida Reteno Assonouet, ministre de la Justice du gouvernement gabonais officiel a annoncé dans un communiqué de presse du 12 février 2011 qu'un mandat d'arrêt avait été émis [4] contre le leader d'opposition André Mba Obame, le président “officieux” auto-proclamé du Gabon et le gouvernement qu'il a formé.

Ce même ministre a aussi annoncé que les sympathisants qui manifestaient devant l'immeuble du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) où se cache le gouvernement d'opposition, seraient également arrêtés.

De surcroît, Camarade sur son blog sur Le Post [5] a publié un article au sujet des manifestations étudiantes à l'Université Omar Bongo [6], expliquant que la police arrêtait les protestataires à l'intérieur du campus, dans une tentative d'étouffement du mouvement qui y avait commencé jeudi 10 février 2011.

Student wounded at the University Omar Bongo in Gabonese capital Libreville. Image by Camarade on Le Post. [7]

Un étudiant blessé à l'Université Omar Bongo dans la capitale gabonaise Libreville. Photo de Camarade sur Le Post.

Parmi les mesures répressives prises par le régime officiel, il en est une qui a surtout été discutée parmi les utilisateurs de la plate-forme de microblogs Twitter : le journal satirique africain en ligne Le Gri-Gri Internationalrapporté [8] que Guy-Blaise Nambo-Wezet, l'ambassadeur du Gabon en Suisse, a été rappelé à Libreville :

Guy-Blaise Nambo-Wezet, ambassadeur du Gabon en Suisse qui a été convoqué par les services de renseignements de l’armée, le tristement célèbre B2

B2, le deuxième bureau des services de renseignement militaire, a une réputation d'interrogatoires musclés et de torture. Le Gri-Gri continue :

l’intéressé est le frère cadet du Professeur Joseph John-Nambo, Ministre de l’Intérieur dans le gouvernement légitime du Président Mba Obame

Cette connexion au gouvernement ‘officieux’ d'opposition a amené Le Gri-Gri à s'interroger sur la motivation politique de cette mesure :

contre tous les usages diplomatiques, un ambassadeur est rappelé, non pas par son ministre de tutelle, « pour consultation », mais par un service de l’armée pour y être entendu comme un vulgaire délinquant.

Pendant ce temps dans l'immeuble du PNUD à Libreville, Mba Obame et ses ‘ministres’ continuent de travailler dans cet asile forcé, comme le montre Le Gri-Gri International dans ce photo-reportage [9] :

Michel Ongoundou Loundah, 'unofficial' Gabonese Minister of Defense and Joseph John-Nambo, 'unofficial' Minister of Interior. Image from Le Gri-Gri International. [10]

Michel Ongoundou Loundah, ministre gabonais 'officieux' de la Défense et Joseph John-Nambo, ministre 'officieux' de l'Intérieur. Photo Le Gri-Gri International.

La diaspora gabonaise entre en action

Pour mieux comprendre la lutte contre le régime d'Ali Bongo, trois leaders de la diaspora internationale gabonaise ont accordé des entretiens sur la question, et livrent leurs réflexions sur la crise actuelle.

Gloria Mika est une militante et fondatrice de l'action de veille citoyenne Les anges gardiens du Gabon [11] ; Jean-Aimée Mouketou, est professeur de géographie à Versailles, en France et professeur associé en Nouvelle Ecosse, au Canada, et représente la DIAGAU (Diaspora Gabonaise Unie) en France ; Joël Mbiamany N'tchoreret enseigne la psychologie de la pédagogie au Canada et est un blogueur [12] qui s'implique dans les mouvements politiques gabonais à l'étranger.

Parlant des manifestations [13] organisées par les Gabonais vivant en France, Gloria Mika dit :

Les gabonnais de l’étranger n’ont pas manqué d’exprimer leur intérêt, en France et aux USA principalement.

Gabonese demonstrating in Paris on 11 February, 2011, in support of the Egyptian protests. Image by Gloria Mika on Facebook. [14]

Des Gabonais manifestent à Paris le 11 février 2011, en soutien aux contestataires égyptiens. Photo de Gloria Mika sur Facebook.

Pour Joël Mbiamany N'tchoreret, la mobilisation est un peu plus difficile au Canada :

Jusqu’à maintenant, il n’y a pas encore eu des actions concrètes directes sur le terrain. Il faut dire que la population gabonaise au Canada est composée majoritairement d’étudiants (80%). La plupart sont des enfants du système comme on dit.

Au-delà de la crise politique, un profond clivage apparaît entre l'élite politique et les gens qui manifestent. Les interviewés conviennent tous qu'Ali Bongo a gagné l'élection présidentielle de 2009 grâce aux fraudes, tout comme ils sont d'accord sur la nécessité d'un chef pour le mouvement d'opposition.

Pour Jean-Aimée Mouketou le problème réside dans la crédibilité de ces opposants qui font semblant d'apporter le changement :

Au sortir des élections présidentielles d’Août 2009, le peuple gabonais est allé voter massivement pour l’opposition gabonaise et au sortir de cette même élection le même peuple gabonais est sorti massivement pour protéger/revendiquer cette élection, malheureusement, ce même peuple a été encore une fois roulé par ces opposants que moi je qualifie de pseudos opposants

Mouketou n'en reconnaît pas moins que l'acte politique d'André Mba Obame est “courageux”.

Mika insiste que :

Nous avons la chance d’avoir un mouvement historique, en référence à ce qui s’est passé en Tunisie, On espère aujourd’hui trouver l’élement qui sera un déclic

Pour Joël Mbiamany, le mouvement doit dépasser les simples personnalités politiques :

Nous travaillons fortement pour que cette révolte se situe au-delà des leaders et des partis politiques.

Une chose est sûre pour Jean-Aimé Mouketou, les événements du Gabon n'ont pas d'aspect ethnique :

Ce qui se passe actuellement au Gabon ce n’est pas une affaire ethnique, mais un problème d’homme politique.