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Corée du Sud : Une tentative d'espionnage bâclée embarrasse les citoyens

Catégories: Asie de l'Est, Corée du Sud, Indonésie, Médias citoyens, Politique, Relations internationales

Ce texte a été traduit par Valentin Famose et Hugo Vincent, élèves des classes préparatoires ECS3-ECE5 du Lycée Ozenne à Toulouse sous la direction de leur professeur Audrey Lambert.

Les services secrets sud-coréens ont fait les gros titres dans leur pays pendant plusieurs jours consécutifs. Des agents seraient entrés par effraction dans la chambre d’hôtel du chef d'une délégation indonésienne à Séoul la semaine dernière, pour essayer de voler des informations confidentielles sur les projets indonésiens d'achats d'armes à la Corée du Sud.

Aucun des espions sud-coréens présumés n’avait pris la peine de se déguiser en personnel de l'hôtel. Image d’un utilisateur de Flickr par Digiart2001 | jason.kuffer (CC BY-SA 2.0). [1]

Aucun des espions sud-coréens présumés n’avait pris la peine de se déguiser en personnel de l'hôtel. Image sur Flickr de Digiart2001 | jason.kuffer (CC BY-SA 2.0).

Les médias coréens et les internautes ont qualifié cette tentative de travail d'espionnage raté et d’acte regrettable sur le plan éthique. L'agence de renseignements n'a ni nié ni admis l'accusation.

Hier après midi, un délégué indonésien a déclaré à la presse que l'agent sud-coréen est simplement entré par erreur dans la mauvaise chambre, qui s'avérait être celle du représentant – une excuse que les gens ont vraiment du mal à croire.

Pris en flagrant délit

Les médias coréens ont rapporté que deux hommes et une femme sont entrés par effraction dans une suite du Lotte Hôtel le 16 février 2011 et ont pris la fuite après qu'un membre de la délégation les a vus copier des fichiers d'ordinateur sur une clé USB. Le journal sud-coréen Chosun dans son reportage exclusif [2] suggère de façon appuyée  que les trois intrus étaient des membres du Service de renseignements national (NIS), les services secrets de la Corée du Sud.

La délégation de 50 membres du président indonésien Yudhoyono a séjourné trois jours en Corée du 15 au 17 février 2011 pour discuter de la coopération économique et militaire bilatérale grandissante entre la Corée du Sud et l'Indonésie.

Les trois espions, qui ne s'étaient même pas déguisés en personnel de l'hôtel, ont été pris en flagrant délit en train de manipuler deux ordinateurs portables dans la chambre. Lorsqu'un délégué indonésien est entré et les a trouvés, un agent lui a aussitôt rendu un ordinateur, pendant que les deux autres sortaient de la chambre en en emportant un autre dans le couloir, mais ils sont ensuite revenus le remettre au délégué.

Erreurs de débutants

Les reportages locaux, qui citent l’analyse [3] de l'agence d'information Yonhap [en coréen], ont fustigé l'agence pour avoir fait trop d'erreurs de débutants pendant cette opération. L'article de Yonhap a qualifié le travail de l'agence d’« acte dont il est difficile de croire qu’il a été réalisé par des professionnels », et a fait remarquer que le trio errait autour des chambres de l'hôtel en groupe, attirant l'attention sur eux. Par ailleurs, aucun membre du groupe ne montait la garde devant la porte.

Lorsque la nouvelle s’est répandue sur  Twitter en Corée, d'innombrables critiques ont afflué. Certains se moquaient de l'échec de l'agence, le décrivant comme « pire qu’un mauvais épisode de la série télé CSI ». L’utilisateur sud-coréen de Twitter @serapim1211a écrit sur son compte [4] :

부끄러워서 살수가 없습니다! RT @tak0518 [5]: 국정원 방 잘못 찾아갔단 해명보단, 인니사절단 서프라이즈파티 해주려 했다는게 더 그럴듯했을 뻔 했다[…]

Cette affaire est vraiment trop embarrassante! Pour reprendre le tweet de @tako518: Le NIS aurait dû sortir une meilleure excuse que « Nous sommes entrés dans la mauvaise chambre ». Je suggère « Nous sommes venus faire une fête surprise à la délégation indonésienne ». Cela sonne plus convaincant.

@Sangawon a tweeté [6]:

아무리 정보화 시대라지만 국정원 직원의 인도네시아 대통령특사단 숙소에 들어가 노트북 손댓다가 틀통사건 정말 우리나라의 신뢰도를 땅에 떨구는 행위라고 볼수밖에 없네요~! 아무리 국익이라도 그건 도둑질,,,

Je sais que nous vivons à l’époque de l’information. Mais des agents du NIS entrant
par effraction dans la suite de la délégation présidentielle indonésienne, manipulant leurs ordinateurs portables et se faisant prendre… ces actes entament notre crédibilité nationale. Même si cet acte d’espionnage a été fait dans l’intérêt du pays, cela n’en reste pas moins du vol.

Do In-hyo, sur Daum Agora, le forum en ligne sud-coréen le plus visité, explique [7]pourquoi cette excuse ne convainc personne et souligne la gravité du problème :

국정원은 조선일보의 보도에 국정원 직원이 특사단이 묵고있는 바로 윗층에 숙소가 있어 직원들이 숙소를 잘못 알고 인도네시아 특사단의 방으로 들어 갔다고 했다는데. 여러명이 동시에 방호수를 잘못 볼수도 있단 말인가[…]세명이나 되는 직원들이 층수도 모르고 방호수도 모르고 들어간 방이 공교롭게도 특사단의 숙소였다?? 국민을 전부 바보로 알고 있는지 국정원 해명의 수준이 정말 가관이지 않은가[…]국정원이 특사단의 노트북에서 몰래 얻으려한 정보는. 우리가 인도네시아와 수출협의 중인 훈련기나 무기등에 대한 인도네시아 측의 가격이 궁금했을 것이다.[…]우리의 물건에 관심이 있어 구매 협의를 하기위해 고맙게도 손님이 방문을 했는데, 미련하게도 손님의 숙소에 무단 침입하여 손님이 사고자 하는 가격을 몰래 훔쳐 보려다 들킨 꼴이니. 앞으로 어떤 손님들이 우리를 신뢰하고 물건을 구입하려 들것인가 말이다.

Le NIS, en guise de réponse à l'article de Chosun, a sorti de son chapeau l’excuse qu’ils
avaient confondu la suite des délégués indonésiens avec leur propre chambre d’hôtel qui se situait à l’étage au dessus. Est-il possible que plusieurs personnes se trompent en même temps et ne se rendent pas compte qu’elles se trouvent dans la mauvaise chambre ? […] Et quelle coïncidence que la chambre dans laquelle les trois agents sont entrés sans même vérifier le numéro se révèle être la chambre du représentant ! Ces agents doivent penser que les citoyens coréens sont assez stupides pour croire leur excuse lamentable. […] Le NIS doit se demander à quel prix les Indonésiens projettent d’acheter les armes coréennes et leurs équipements militaires. […] Les acquéreurs nous ont gentiment rendu visite, démontrant tout l’intérêt qu’ils portent à nos produits et dans le but de négocier. Mais bêtement, les agents sont entrés par effraction chez les acquéreurs et ont jeté un coup d’œil à la liste des prix que les acheteurs étaient prêts à payer, et pire, ils ont été pris. Qui sera en mesure de nous faire confiance à nouveau et de vouloir faire affaire avec nous à l’avenir ?

L’incident a donné lieu à une rare trêve entre les deux principaux partis politiques sud-coréens, qui sont habituellement de féroces opposants. Le Grand National party qui est actuellement au pouvoir a condamné cet acte en le qualifiant d’incident honteux : un membre du parti a commenté : « Quand ils ont été pris, ils auraient dû au moins sauter par la fenêtre ». Le Parti Démocrate, parti d’opposition, a déclaré : « Le prestigieux NIS s’est abaissé à un simple cambriolage » et a appelé à une rapide clarification de l’incident.

Alors que beaucoup se sont focalisés sur l’incompétence des agents, certains  estiment que l’acte lui-même était répréhensible. Choi Sang won (@sangawon), qui travaille dans l’industrie du bâtiment, a tweeté [6] :

인도네시아 사건은 국정원을 떠나 우리나라에서 벌어졌다는 것 자체에도 사과해야할 것이다. 왜냐하면 대통령 특사로 왔으니…그만한 경호를 해줘야하는것 아닌지? […]인도네시아가 얼마나 크고 잠재력이 무궁무진한 나라인데.

Nous devons présenter des excuses, pas seulement pour le fait que cela a été effectué par le NIS, mais parce que cela s’est produit dans notre pays. Puisqu’ils sont venus en tant que délégués présidentiels, ils méritent une bonne protection […] Nous ne devons pas oublier que l’Indonésie est un grand pays avec d’énormes potentiels.

Le blogueur kkh6934 a exprimé son inquiétude [8] [coréen] devant l’obsession du gouvernement quant à la croissance économique et à la tendance des personnes à faire fi des problèmes éthiques.

경제력만 집중하지 말고 국가란 큰 틀에서 도덕성이 있어야 한다. 한 국가의 문화의 힘의 근원은 경제력이 아니라 도덕성이다.

Notre nation doit restaurer sa moralité, plutôt que de se concentrer exclusivement sur notre économie. Le vrai pouvoir national et la culture proviennent de la moralité, plus que du pouvoir économique.

Sur Twitter @datjin [9] a adressé un rare message de sympathie [10] aux agents,
jugeant qu’ils devaient avoir été sévèrement meurtris (psychologiquement ou même
physiquement) après avoir raté leur coup.

L’espionnage des délégués étrangers et la récupération d’informations confidentielles au
cours de leurs visites dans d’autres pays sont souvent considérés comme un « secret de polichinelle» dans le milieu de la diplomatie, comme l’ont révélé les câbles diplomatiques secrets révélés par Wikileaks. Cette opération de routine a quand même un coût : l’Indonésie a officiellement demandé à à ce que les rapports sur l'intrusion des agents coréens lui soient communiqués [11].

Les médias nationaux tel que Asia Today avancent [12]que cela pourrait affecter défavorablement les projets de collaboration économique prévus entre les deux pays à l’avenir.