Arménie : Réseaux sociaux pour révolution sociale ?

[liens en anglais] Au milieu des soulèvements en Tunisie, en Egypte et ailleurs dans le monde arabe, l'opposition extra-parlementaire en Arménie essaie à présent de reproduire ces événements dans la république ex-soviétique, et la moindre raison n'est pas que le 1er mars 2011 marquera le 3ème anniversaire des heurts d'après l'élection présidentielle, qui avaient fait 10 morts. Mais, si les médias locaux en ont un peu parlé, hors du pays c'est le silence presque complet.

C'est en partie, croient certains, parce qu'on ne croit guère à leur succès. Tandis que l'Azerbaïdjan s'est fait une place sur la ‘liste des pays à surveiller’ de plusieurs organes de médias étrangers, ni l'Arménie et encore moins la Géorgie n'y figurent. Footprints propose son explication à cela.

Les Egyptiens l'ont fait. Ils ont répudié un régime qu'ils savaient être oppressif et corrompu, qui limitait leur liberté d'expression et de mouvement et les gardait otages des occasions manquées et de la pauvreté. […] Par le réseautage social ils ont fait connaître le message et les gens sont sortis dans les rues, refusant de céder jusqu'à ce que leurs revendications soient satisfaites. Mission accomplie.

Mais ici en Arménie, la pleurnicherie chronique gouverne la société. Les gens ici, petits et grands, sont tellement obsédés par l'idée du “pays qui n'est pas un pays” qu'ils ne voient pas d'autre issue aux problèmes similaires à ceux qu'ont connus les Egyptiens depuis plus de 30 ans. […] Et sans mésestimer les souffrances des Arméniens, les Egyptiens semblent avoir souffert bien pis pendant leurs décennies de répression tyrannique et d'état d’ “urgence”. […]

[…]

J'ai un peu discuté avec les gens des événements en Egypte, et ils reconnaissent la nécessité de faire de même ici. Ils sont conscients de l'occasion manquée de mars 2008. Mais ils savent aussi que personne n'est prêt à réessayer. Les jeunes, comme source dynamique de potentiel, sont inactifs. L'opposition est plus fragmentée que jamais. Il n'y a pas d'unité entre les Arméniens ici, et jusqu'à ce que chacun arrive sur la même longueur d'onde pour travailler au but commun, le pays, à leurs yeux, restera un non-pays. Ça ne devrait pas être une option.

Rassemblement d'opposition, place de la Liberté, Erevan, République d'Arménie © Onnik Krikorian

The Armenian Observer paraît être l'un de ces mécontents de la situation en Arménie, mais indifférent à la tentative renouvelée de l'opposition extra-parlementaire d'arriver au pouvoir. Le blog commente le discours prononcé par son chef, l'ancien président Levon Ter-Petrossian, à un rassemblement organisé la semaine dernière dans la capitale arménienne Erevan. Reuters et AFP ont estimé la participation à 5.000 ou 7.000 personnes pendant que les médias locaux la chiffraient à 10.000.

“Le fardeau de notre peuple n'est en rien meilleur que celui des peuples de ces pays, et le régime de l'Arménie n'est en rien moins dictatorial et détesté que les leurs,” a dit le chef de l'opposition Levon Ter-Petrosian, premier président de l'Arménie à la foule avant qu'elle ne défile à travers le centre de Erevan.

[…]

Cependant, je ne pense pas que la foule, qui n'était pas là pendant la précédente manifestation du HAK, est venue parce qu'elle faisait soudain plus confiance à la force d'opposition. Le mouvement d'opposition n'a rien fait ces deux dernières années pour mériter cette confiance.

Une telle manifestation, avec celle prévue pour marquer l'anniversaire du 1er mars, aurait eu lieu indépendamment de l'Egypte et de la Tunisie. Pourtant, estiment certains analystes, les événements dans le monde arabe ont été au moins un encouragement. Cela va jusqu'à examiner l’utilité potentielle de Facebook et Twitter pour mettre en oeuvre le changement de régime.

L'activité n'en reste pas moins étonnamment basse en ce moment, avec seulement 324 [NdT: 370 le 27/2] tant en Arménie qu'à l'extérieur inscrits sur une page Facebook non officielle, Révolution ou réforme arménienne : 1er mars 2011, pour la prochaine grande manifestation, au moment de l'écriture de cet article. The Armenian Observer commente cet état de fait.

Zourabian, qui n'est même pas inscrit sur Facebook, a dit au reporter de PanARMENIAN.Net  que l'étude du plus grand réseau social mondial menée par la force d'opposition a révélé “un excellent soutien” pour le HAK dans la population de l'Arménie. Il en a tiré la conclusion que les partisans du HAK sont des personnes cultivées, qui “ont accès aux technologies Internet et aux réseaux sociaux.”

[…]

Il y a actuellement 123.000 utilisateurs enregistrés d'Arménie, soit une pénétration d'environ 4% sur la population totale. C'est donc purement utopique que de prétendre, comme l'a fait Zourabian dans son entretien avec PanArmenian.net, que les réseaux sociaux “fournissent de belles opportunités pour surmonter le blocus de l'information imposé par les autorités arméniennes au moyen du contrôle total de la télévision.”

Peu prennent cependant au sérieux de telles affirmations sur le soutien en ligne, mais si la situation avec Facebook est mauvaise, elle est encore pire sur Twitter, même si @hpNYR, un partisan de l'opposition installé aux Etats-Unis, a fait un effort fantastique pour populariser l'usage d'à la fois Facebook et Twitter, allant jusqu'à des tentatives de promouvoir l'utilisation d'un mot-clé #1mar, quasiment à lui seul.

Malgré tout, pensent certains, ce serait trop peu, trop tard.

Il y a des mois, ç'aurait été bien pour démarrer. RT @hpNYR Il faut une opération à la base pour amener plus d'Arméniens en Arménie à utiliser Twitter #1mar.

En tous cas, YouTube est au moins utilisé par A1 Plus, favorable à l'opposition, anciennement une chaîne de télévision dont l'élimination forcée des ondes a fait polémique, moins d'un an avant l'élection présidentielle farouchement disputée de 2003. Une vidéo mise en ligne ce jour, par exemple, montre une confrontation mineure entre policiers et militants de la jeunesse d'opposition près de la place de la République à Erevan.

Quoi qu'il arrive en Arménie la semaine prochaine, il est au moins certain pour le moment que les réseaux sociaux n'y auront pas joué de rôle significatif. Certes, l'étudiante arménienne et auteur pour Global Voices Yelena Osipova argue, parmi d'autres, qu'ils ne doivent pas forcément être toujours considérés comme la panacée.

Et, tandis que l'opposition extra-parlementaire en Arménie se prépare pour le 1er mars, c'est pour le 11 que s'apprêtent les activistes dans l'Azerbaïdjan voisin.

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