Ce billet fait partie de notre dossier spécial sur les Manifestations au Yémen 2011.
[Liens en anglais] Des journalistes, des utilisateurs de Twitter, des internautes sont en train d'enquêter sur une éventuelle utilisation de gaz neurotoxique par les forces de sécurité du Yémen lorsque celles-ci ont attaqué des manifestants le mardi 8 mars. L’attaque avait pour but, selon les déclarations ultérieures du gouvernement, “d'empêcher un membre d'une tribu yéménite d'apporter des armes aux participants à un sit-in d’ étudiants”, lesquels s'étaient rassemblés près de l'université de Sanaa pour appeler à la démission du président depuis longtemps en exercice, Ali Abdullah Saleh.
Un manifestant serait mort dans cette attaque, et près de 70 autres ont été blessés. Les manifestants ont déclaré que les forces de sécurité avaient aussi utilisé ce qu'ils pensaient être des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Toutefois, quelques médecins qui ont soigné les blessés ont affirmé qu'ils n'avaient jamais vu ces symptômes, à savoir des convulsions, des pertes de contrôle musculaire et même des paralysies chez des personnes touchées par les gaz lacrymogènes.
Voici un tweet du journaliste Jeb Boone qui se trouve sur place :
@JebBoone: On dit que le gaz lacrymogène est inodore. Le gaz utilisé dans les manifestations au #Yemen sentait le soufre, comme c'est le cas après des coups de feu, ce que j'ai pensé être au début.
Un autre tweet de la journaliste Iona Craig, qui se trouvait à l'hôpital avec les manifestants blessés.
@ionacraig: Je ne suis pas une spécialiste des produits chimiques mais il n'y avait pas parmi les symptômes de cette nuit d'irritation des yeux et de la peau comme c'est le cas avec les gaz lacrymogènes. Les gens se sont tout simplement évanouis suite à des problèmes respiratoires.
La Convention sur les armes chimiques interdit la fabrication, le stockage et l'utilisation de plusieurs armes chimiques, dont les agents neurotoxiques. A l'heure actuelle, 165 pays ont signé la convention des Nations-Unies dont le Yémen qui l'a ratifiée en 2000.
Oliver Holmes, un journaliste indépendant qui vit au Yémen, a fourni la vidéo où l'on voit une grenade trouvée sur les lieux :
Il a posé cette question via Twitter :
@olireports: Est-ce que quelqu'un peut confirmer si une grenade à gaz Smith & Wesson en caoutchouc vert est illégale ? Est-ce du gaz lacrymogène ou du gaz neurotoxique ? @YF @Yemen
Puis, Oliver Holmes a rapporté :
@olireports: Les grenades que j'ai vues n'étaient pas du gaz neurotoxique. #YF #Yemen
Voici une autre vidéo des munitions trouvées après les affrontements du 8 mars.
Un de ses correspondants répond :
@Dmangoman: @kasinof La bombe ronde contient normalement du gaz lacrymogène standard, du gaz CS ou CN [note de la traductrice: gaz CS ou orthochlorobenzalmalononitrile/gaz CN ou chloroacétophénone, deux gaz entrant dans la composition du gaz lacrymogène] ; à moins que les bombes n'aient été manipulées ou soient des bombes lacrymogènes de contrefaçon.
Ce n'est pas la première fois que le gouvernement du Yémen est accusé d'utiliser du gaz neurotoxique. En 2005, la journaliste Jane Novak avait publié les affirmations de personnes sur le terrain selon lesquelles l'armée nationale pourrait avoir utilisé du gaz neurotoxique pour écraser la rebellion menée par Houthi à Sahdaa.
Mohamed Almansour, un érudit religieux hautement respecté, avait écrit en mars 2005 une lettre au Président Saleh qui déclarait : “Nous condamnons tout ce qui s'est passé dans les mois précédents comme l'usage excessif de la force par les forces gouvernementales et l'utilisation d'armes internationalement interdites.” En mai, Al-quds Al-arabia avait rapporté que le chef rebelle Abdelmalik al-Houthi avait déclaré : “Le Gouvernement nous a attaqués avec des armes interdites telles que le gaz chlore, qui a entraîné une incapacité à respirer.” Il a aussi fait allusion aux “gaz colorés.” Un article du journal de l’ opposition al-Shoura a dressé, en juin, la liste des noms des enfants qui ont été empoisonnés, dont Bader Aldeen Abdula Moslih, lequel a été décrit comme “un garçon de 12 ans souffrant de graves lésions nerveuses et cutanées conséquemment à l'utilisation du gaz chlore par l'armée lors de la première guerre l'année dernière.” Dans une interview par internet ce même mois, un partisan de Houthi et une personne qui se dit témoin oculaire a décrit “un missile spécial qui se transforme en de nombreuses particules, jaunes puis rouges. Le nuage s'élève lentement. Lorsque cela explose, c'est jaune puis quand les particules retombent, celles-ci sont rouges.” Le nuage a entraîné une incapacité à respirer, a-t-il rapporté.
Yahya al-Houthi, ancien membre du parti dirigeant au Parlement et frère du chef rebelle décédé Hussain al-Houthi, a écrit dans un mail : “La plupart des personnes blessés sont mortes, en particulier celles qui se cachaient dans la grotte Soliman (Suleiman Cave). Elles avaient été exposées aux gaz chimiques. La zone voisine de la grotte Soliman est encore bouclée par l'armée afin d'empêcher qui que ce soit de prendre des échantillons afin que ceux-ci soient analysés par des spécialistes des armes chimiques. L'armée a aussi brûlé tous les corps dans cette zone, ainsi, elle n'a laissé aucune preuve pour la communauté internationale.
Dans de longs rapports sur ce conflit, ni l’International Crisis Group ni l’IRIN (réseaux d'information régionaux intégrés) n'ont mentionné ces assertions.
Des utilisateurs de Twitter continuent à affirmer que le gouvernement a utilisé certains gaz mardi soir.
@alguneid: @WomanfromYemen #saleh , les troupes des fils et neveux du Président ont utilisé du gaz neurotoxique à faible niveau. Cela entraîne un œdème cérébral (c.a.d. un excès d'eau dans les tissus extra-cellulaires du cerveau), le coma puis la mort #crimedeguerre
D'autres s'interrogent sur les faits rapportés.
@JebBoone: Il se peut que le gaz utilisé au #Yémen soit du gaz CR [note de la traductrice: du dibenzoxazépine, un agent lacrymogène], un gaz pour contrôler l'émeute, plus fort que le gaz lacrymogène. Il a une odeur poivrée.
@ionacraig: Selon un médecin, quatre personnes ont fini à l'unité de soins intensifs avec un œdème au cerveau suite aux gaz de la nuit dernière. #yemen #yf #sanaa
@CarvajalF: #Yemen – Un de mes amis de l'Université des Sciences et Technologies de Sanaa ne m'a pas encore confirmé l'utilisation du gaz neurotoxique @ Sanaa Univ – celui-ci obtenant des commentaires des gens très divers-
@prince640: @CarvajalF Est-ce qu'il pourrait y avoir d'autres agents avec certains de ces mêmes effets? #Yemen
@Dirk2112: RT @joshuafoust: http://t.co/Ct40njU “Du gaz neurotoxique” Cela sent la rumeur et l'exagération. Je suggère une grande prudence avant d'y croire. #yf #Yemen
@theriverfed: J'espère que la Cour internationale de Justice y prête attention RT @leloveluck Des médecins au #Yemen disent que c'est du gaz neurotoxique qui a été utilisé contre les manifestants: http://t.co/Ct40njU
@CFKlebergTT: Une source au #Yémen m'a parlé de l'utilisation du gaz neurotoxique. HRW (Human Rights Watch) ne peut confirmer ni infirmer. Davantage d'informations sous peu…
Ce billet fait partie de notre dossier sur les manifestations au Yémen en 2011.
2 commentaires
Pourquoi parler que du Yemen ? Ces gaz neurotoxiques sont utilisés en ce moment en Egypte ou les urgentistes pensent avoir affaire à des Gaz neurotoxiques CR utilsés en Egypte car ce pays comme la Corée du Nord n’a pas signé la convention sur les “armes toxiques et mortelles” …Donc voilà pourquoi les gens meurent d’asphixies et que les médecins sont devant un produit inconnus d’eux ! Il faut dénoncer tous les pays qui utilisent les Gaz CR qui sont très utilisés aussi dans la bande de Gaza …Dénoncer ces crimes !
Vous avez parfaitement raison sur le fait qu’il faut dénoncer les violences perpétrées partout dans le monde et c’est là où le rôle de la société civile est extrêmement important. Je suis la traductrice, et non l’auteur de cet article, mais la dénonciation de l’utilisation de gaz contre les manifestants est un thème fréquemment abordé au fil de l’actualité sur ce site. Voir par exemple ces billets sur l’Egypte et la Palestine.