Alors que la candidate à l'élection présidentielle haïtienne et professeur de droit à l'université Mirlande Manigat [ces 2 liens en anglais] s'apprêtait à ouvrir une réunion électorale à Mirebalais mardi 15 mars 2011, son convoi a été caillassé par des partisans supposés de son adversaire Michel Martelly, ce qui a dégénéré en échauffourée avec coups de feu et blessés.
Madame Manigat, comme l'appellent ses fans et ses innombrables anciens étudiants, a tweeté l'agression aussitôt après :
@mirlandemanigat: Aujourd'hui, on a encore attaque notre camp au Plateau Central.
De même que Jacquie Charles du Miami Herald :
@jacquiecharles: la campagne #Manigat indique que son convoi a été attaqué alors qu'elle tentait de tenir une réunion à Mirebalais Elle a été évacuée. #elections #Haiti
Mme Manigat, une centriste, auteur d'un ouvrage sur l'histoire des droits des femmes haïtiennes depuis 1804, a dû être évacuée d'urgence des lieux et le rassemblement annulé avant d'avoir commencé. Un technicien de l'équipe du groupe populaire de rap Barikad a été blessé (photo à droite).
Barikad est en tournée à travers le pays avec Mme Manigat pour l'aider à courtiser les jeunes haïtiens qui représente la majorité de l'électorat.
Sitôt après l'incident, Mirlande Manigat a parlé en direct sur Radio Kiskeya, une station de Port-au-Prince :
Mirlande Manigat a dénoncé les “attaques systématiques” des partisans de son rival dans ses différents déplacements électoraux. Une situation qu’elle qualifie d’inadmissible en soulignant qu’à Mirebalais des hurleurs ont causé un vacarme insupportable pendant trois quarts d’heure. Elle s’est, par ailleurs, plainte de la passivité de la police qui n’aurait rien fait contre les agresseurs. La candidate entend aller jusqu’au bout de sa campagne après avoir effectué une tournée globalement satisfaisante dans le département du Centre qui l’a aussi conduite à Hinche, Cerca Carvajal et Boucan Carré.
Sur Twitter, Mme Manigat a énuméré toutes les agressions subies par ses partisans depuis le début de sa campagne contre son concurrent au second tour Michel Martelly, à dater du 17 février 2011 : un jeune homme tué à Cité Soleil peu après qu'elle arrive pour un rassemblement, trois de ses colleurs d'affiches torturés et tués, des lancers de pierres sur une réunion à Bel-Air, et deux partisans hospitalisés après avoir été longuement rossés lors d'un grand rassemblement au Cap-Haïtien jeudi dernier.
Comme si la liste de victimes ne suffisait pas encore à intimider les électeurs potentiels, les Haïtiens se sont réveillés hier matin à la nouvelle de l'assassinat par balles de l'homme politique Michel St-Obin de la plate-forme OPL qui avait donné son soutien à Mme Manigat.
Jean-Junior Joseph, l'attaché de presse de Mirlande Manigat, a confirmé l'information sur Twitter :
@jeanjuniorj: Michel Saint-Obin, un soutien de Mirlande MANIGAT, a été abattu hier à Port-de-Paix.
Malgré cet événement déstabilisant, Mme Manigat a reçu le soutien de l'ancien sénateur Lavalas Rudy Herivaux, qui a appelé les partisans du mouvement Lavalas à voter en masse pour elle. (Lavalas est le parti d'Aristide.)
Des policiers liés aux violences
Dans son entretien à Radio Kiskeya, Madame Manigat a mentionné directement l'inaction policière à Mirebalais. Elle a peut-être mis en lumière ce qui se voit grand comme une maison : l'implication de policiers [en anglais] dans les violences jusqu'à présent. En effet, les sept hommes interpellés et gardés à vue pour le meurtre des trois colleurs d'affiches pro-Manigat la semaine dernière étaient tous des policiers, comme l'a confirmé Jackie Charles du Miami Herald :
@jacquiecharles: 7 agents de police arrêtés suite aux trois partisans de #Manigat trouvés morts avec des blessures par balles après leur interpellation. #elections #haiti
Samedi, des experts du talk show radio populaire Ranmase ont retracé des policiers dans chaque incident, faisant remarquer que le chef de la campagne Martelly dans le Nord-Est est un membre de la police nationale et que la police aurait fomenté les troubles au rassemblement de jeudi à Le Cap où plusieurs partisans de Mme Manigat ont été bessés.
Réactions sur Twitter
Bien que l'infiltration policière ait été peu évoquée dans la presse écrite ou sur twitter, les “tweeps” haïtiens avaient beaucoup à dire sur l'attaque de Mirebalais mardi.
TwitJako, un humoriste sur tweets populaire, suivi par 28.000 lecteurs, qui riait jusqu'à présent des deux candidat, a finalement rompu sa neutralité :
@twitjako: m'ta renmen mande Staff Tet Kale an fe yon ti pase men nan tet misye, .. twop vyolans mezanmi, neg yo ap chire foto, kraze meeting..BE COOL!
@Sonoude, qui arbore sur son image le Twibbon rose de Martelly, paraissait incrédule :
@Sonoude: Jan Ayisien bon nan tire roch. M kwe si yo te anvi lage madan manigat ate vre yo tap fe li. Tchuip.
@SeTawTaw, un partisan de Manigat, n'a pas été surpris (en créole) de la virulence du barrage de Mirebalais contre Mme Manigat parce que, dit-il sur Twitter, “le coin est un fief duvaliériste” et “ils se sentent menacés” :
@SeTawTaw: Mibalais se zone makout! Sa pa etonem ke yap sipote #martelly et ke yap fe vyolans sou #manigat! Yo santi yo menace! #election #haiti
D'autres, tels @ZoGrann, se sont interrogés sur le rapport entre les violences et les récentes affirmations de M. Martelly que l'élection se gagnerait “dans les rues ”:
@ZoGrann: Tout se tient : le camp de Michel François Martelly s'effiloche/ propos que les rues comptent plus que les bulletins de vote/ mort de 3 partisans de Manigat. #Haiti
Pendant ce temps, faisant écho aux sentiments de Mirlande Manigat et de nombreux Haïtiens, la correspondante de Radio France International (RFI) Amélie Baron tweetait :
@ameliebaron: @mirlandemanigat met en garde ” une milice rose (la couleur de Martelly) est en formation & c'est ainsi que démarre une dictature, avec une brigade de jeunes” #haiti
Martelly s'est abstenu de paraître à ce qui devait être un second débat hier, après avoir menacé deux représentants de la presse qui avait posé une question sur ses dettes impayées de Miami au premier débat du 9 mars 2011. Ces menaces ont été condamnées par les associations haïtiennes de journalistes.
Beaucoup se demandent si un romancier aurait pu monter une meilleure intrigue pour l'élection haïtienne prévue dimanche. Au début de cette année, l'ancien dictateur Jean-Claude “Baby Doc” Duvalier est revenu pour la première fois en Haïti depuis 1986.
L'ex-président président Jean-Bertrand Aristide, un populiste de gauche, serait dans l'avion de retour vers Haïti après sept ans d'exil en Afrique du Sud, à la suite d'un coup où Martelly, un chanteur populaire travesti associé à Duvalier et à la droite, aurait, selon une opinion largement partagé, joué un rôle [en anglais].