La feuille de coca à mâcher oppose la Bolivie et les Etats-Unis

La Bolivie a été désignée troisième producteur de coca au monde par le rapport mondial 2010 sur les drogues des Nations Unies, mais les agents américains de la Drug Enforcement Administration (DEA, l’agence de lutte contre le trafic et la consommation de drogues des États-Unis) ne retourneront pas en Bolivie de sitôt. The Latin Americanist explique :

En 2008, (le président) Morales a expulsé la DEA après que l’ambassadeur américain ait été accusé de conspiration contre lui. Plus récemment, les gouvernements américain et bolivien sont entrés en conflit après la campagne de Morales contre l’interdiction internationale de mastication de la feuille de coca.

Le président de la Bolivie, Evo Morales, était un producteur militant de feuilles de coca avant d’accéder à la Présidence et un défenseur acharné de cette culture de la coca dont les feuilles sont aussi consommées par mastication.

Marché de feuilles de coca en Bolivie. Photo sur Flickr de orianomada (licence CC BY-NC-SA 2.0)

La feuille de coca, mastiquée, est un léger stimulant, largement utilisé pour traiter le mal aigu des montagnes. L’utilisation de la feuille de coca à mâcher ou en infusion est une pratique indigène traditionnelle dans la région andine. Une étude (la publication de cette étude a été interdite, mais est en partie disponible sur le site du Transnational Institute) rédigée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) concluait qu’aucun effet négatif n’apparaissait lors de la consommation des feuilles de coca ; au contraire, la population andine indigène y trouve des effets positifs, pour ses valeurs thérapeutiques, sacrées et sociales. Blogging by boz résume :

Il n’y a pas de bonne raison particulière de prohiber la mastication de la feuille de coca, le thé de coca ou le transport. Interdire la feuille de coca n’aide en rien la lutte contre le crime organisé transnational ou le trafic de drogue sur le continent. La mastication de la coca n’est pas un problème de santé publique et ne représenterait aucune menace pour la santé publique si elle était  légalisée.

Après une brève et contestable visite de la Commission d’enquête des Nations Unies sur la feuille de coca en Bolivie et au Pérou (en 1949), la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 a ordonné la fin de la mastication de la feuille de coca dans un délai de 25 ans à partir de l’entrée en vigueur du traité. La Bolivie s’insurge à nouveau contre cette interdiction des Nations Unies.

Les États-Unis s’évertuent à bloquer la demande de la Bolivie, citant un amendement de l’article qui montre le manque de coopération de la Bolivie dans la lutte contre le trafic de drogue. Les Boliviens sont alors descendus dans la rue, organisant des « mache-in » (jeux de mots autour de sit-in, jetez un œil sur le diaporama des ‘mache-in’ sur le site du Réseau d’information andin) pour soutenir la campagne de leur gouvernement pour un amendement à l'interdiction. Hemispheric Brief ajoute :

Les cocaleros et Leonilda Zurita, la chef de file du parti au pouvoir, le MAS, affirment que la position américaine est déconnectée de la volonté de la plupart des autres  pays. Elle déclarait à l’AFP : « Les pays nous soutiennent, de telle sorte que nous pourrions dépénaliser (la mastication de la coca) ; le seul pays qui s’oppose à nous est les États-Unis ».

Les préoccupations portent sur les moyens de réduire la quantité de drogue entrant illégalement aux États-Unis, et sur le fait que l’interdiction de la mastication de la coca y jouerait un rôle prépondérant. Les représentants américains encouragent le Mexique à s'inspirer du « Plan Colombie », parrainé par les États-Unis, pour un modèle de guerre contre la drogue, malgré les critiques qui le considèrent comme un échec. La stratégie de démantèlement des cartels, afin de tarir les trafics, a pour résultat de laisser la voie libre à de petits groupes qui sont plus difficiles à suivre, à surveiller et à infiltrer. De tels cas ont été observés en Bolivie. Stephen N. DeWitt partage son expérience sur le blog A Franciscan Abroad :

Durant mon séjour là bas, un groupe de mon école de langue a visité une des plus grandes régions productrices de coca en Bolivie et a discuté avec la brigade anti-stupéfiants locale. Ils nous ont dit que la majorité des trafics de drogue dans cette région sont des affaires familiales. Ce sont des petits groupes familiaux qui transforment de petites quantités de coca non traitée destinées à l’exportation en Colombie [sic] et d’autres pays où elles seront de nouveau transformées en cocaïne. Ces groupes utilisent un équipement portatif relativement peu coûteux qui peut être transporté ou abandonné s’ils sont découverts. Il est presque impossible de réduire le nombre de ces groupes ; une fois arrêtés ou démantelés, une dizaine d’autres sont prêts à prendre le relais.

Les efforts des États-Unis pour bloquer l’amendement demandé par la Bolivie laissent certains sceptiques. Blogging by boz écrit :

Plutôt que de mettre en place un plan simple sur ce problème et permettre à l’amendement bolivien de passer, l’administration Obama choisit de gaspiller son capital politique à défendre un plan inefficace et plutôt inconsistant qui date d’il y a 50 ans.

Autoriser dans le droit la mastication de la feuille de coca serait la preuve d'une prise en compte de la culture locale et des droits des peuples indigènes. Cependant, l'amendement se heurte à d'autres impératifs, comme les politiques de lutte contre le trafic de drogue qui découlent de cette pratique. Les États-Unis et la Bolivie campent sur leur position respective sur cette problématique. Seul l'examen des arguments des deux parties pourraient permettre de trouver un compromis plus acceptable.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.