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Côte d'Ivoire : Débat autour de la légitimité de l'intervention de forces étrangères

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Côte d'Ivoire, Dernière Heure, Droit, Guerre/Conflit, Médias citoyens, Relations internationales

Ce billet fait partie du dossier de Global Voices sur les troubles en Côte d'Ivoire en 2011 [1]

La lutte pour le pouvoir en Cote d'Ivoire pourrait bientôt arriver à son terme. Les “Forces Républicaines” de Alassane Ouattara ont lancé une offensive lundi 4 avril à Abidjan, contre plusieurs positions contrôlées par les “Patriotes” de Laurent Gbagbo [2]. Les Nations Unies et les forces armées françaises sont intervenues, ce qui provoque un débat en ligne sur la légitimité de leur action. Les deux hommes revendiquent la présidence du pays, depuis l’ élection controversée de novembre 2010. Alassane Ouattara a été reconnu élu par la communauté internationale.

L'implication de forces étrangères, officiellement pour protéger des civils, au moment de l'assaut donné pour forcer Laurent Gbagbo à se retirer, provoque un violent débat sur Internet.

Screenshot from video showing bombardment in Abidjan

Capture d'écran provenant d'une vidéo amateur, tournée le 4 avril 2011 et montrant, à distance, les bombardements à Abidjan.

Avant le début de l'assaut, dans l'après-midi du lundi 4 avril, le Sud-Coréen Choi Young-jin, représentant du Secrétaire général de l'Onu en Côte d'Ivoire, avait déclaré à la BBC [3] [en anglais] que l'Onuci (mission de l'Onu en Côte d'Ivoire) était sur le point d'intervenir à Abidjan :

Nous allons passer à l'action, nous ne pouvons plus tolérer davantage leurs attaques [celles des forces de Laurent Gbagbo] désespérées et folles à l'encontre de civils et des Casques bleus de l'Onu, à l'arme lourde.

Des déclarations ensuite confirmées sur  Twitter par les services de la présidence française :

@Elysée [4]: Conformément à son mandat, l'#ONUCI vient d'engager des actions visant à neutraliser les armes lourdes contre les populations civiles.

@Elysée [5]: Le Secrétaire général des Nations Unies a demandé le soutien des forces françaises à ces opérations.

@Elysée [6]: Le Président #Sarkozy a répondu positivement à la demande & autorisé les forces françaises à participer aux opérations conduites par l'ONUCI.

Témoignages sur l'intervention

Selon l'utilisateur de Twitter @Lord225 [7], l'opération a débuté à 17h22 heure GMT :

@Lord225: L'assaut est effectif, 17h22 bombardement de plusieurs positions du camp Gbagbo, épaisse fumée dans l'air #civ2010 [8]

Peu de temps après l'annonce du début des opérations, des internautes ivoiriens disaient avoir vu du matériel militaire identique à celui utilisé par les forces spéciales françaises. Le journaliste ivoirien Israël Yoroba [9], correspondant de TV5 Monde à Abidjan, écrivait ceci sur son fil Twitter :

Je confirme que les camps d'Akouédo sont en train d'être pilonnés par deux hélico. 1 Puma et 1 Mi 24. Faites le savoir au monde entier

Le Puma est l'un des hélicoptère d'assaut généralement utilisé par les forces spéciales, comme on peut le voir sur cette vidéo [10] sur Dailymotion.

Israel Yoroba a par ailleurs engagé les habitants d'Abidjan à mettre en ligne leurs témoignages [11] sur les événements en cours sur sa page Facebook [12] :

Pendant que que la force française bombarde à Abidjan, des populations racontent en direct comment elles vivent ces tirs http://lnp.sn/Zwj [11]

Voici quelques réactions à cet appel :

Sedrick Ngotta [13] est à Abidjan et écrit :

Je confirme c est pas les rebel mais les blancs qui nous pillone oh mon dieu!

Également présent à Abidjan, Peter Zéphirin Wahi [14] confirme :

Bombardements des hélicos des forces licornes du camp d'akouédo, et l'onuci vient de tirer sur la résidence du Chef de l'Etat à cocody et la Présidence au plateau à partir d'hélico.

AfricaWeWish [15] a mis enligne sur YouTube une vidéo montrant ce qui est décrit comme le “bombardement par l'Unoci et les forces françaises du camps d'Akouédo” :

MLDoss1 [16] a également mis en ligne une vidéo tournée près du camp d'Akouédo :

Réactions face à l'engagement de forces étrangères

Des internautes ont commenté l'intervention internationale depuis un peu partout en Afrique :

Sur la page Facebook de “La majorité Présidentielle [17]” (parti politique de Gbagbo), que  7 231 personnes “aiment”, des partisans expliquent combien ils sont prêts à se battre pour leur pays.

Vakaba Diaby [18] :

j'ai pu me rendre près d'un camp et j'ai suivi et subi les bombardements, mais ma foi en la victoire de la Côte d'Ivoire ne fait que grandir

Anicet Bidza [19], qui vit en France, ajoute :

Nous devons nous mobiliser ici en France pour interpeller l'opinion publique Française!!! Ce qui se passe est extrêmement grave et le silence assourdissant des autres pays Africains est un crime contre la cote d'ivoire!!!

Sous le mot-clé #civ2010 [20] [en anglais et en français], dédié sur Twitter à l'actualité ivoirienne, plusieurs internautes mettent en doute l'intérêt de cet engagement étranger dans le conflit ivoirien :

Kaya-Mangan Cissé estime ainsi :

@freerci [21]: Je suis pour le depart de Gbagbo mais contre l'intervention de la france et de l'ONU.

L'intervention internationale est-elle légale ?

Bruno Ben Moubamba, homme politique gabonais et ancien candidat à l'élection présidentielle de 2009 au Gabon, écrit sur son blog [22], ce lundi 4 avril 2011, que Nicolas Sarkozy commettait là un acte de guerre en violation avec le droit international. Les forces armées françaises étaient stationnées en Côte d'Ivoire en vertu de l’opération Licorne [23], destinée à maintenir de paix dans le pays et mise en place au début de la crise politico-militaire [24] qui a agité la Côte d'Ivoire. Moubamba explique que deux résolutions de l'Onu, respectivement la résolution 1726 [25] [en anglais] du 1er novembre 2006 et la résolution 1975 [26] du 30 mars 2011, ont appelé ces forces à empêcher l'utilisation d'armes lourdes à l'encontre des populations civiles.

Il estime enfin qu'en participant à des bombardements sur Abidjan, le gouvernement français a outrepassé le mandat de l'opération Licorne :

Il s’agit ni plus, ni moins, de la part de la Présidence de Nicolas Sarkozy, d’UN ACTE GRAVE d’Agression. Cet acte engage à son insu le peuple français.