Ce billet fait partie du dossier de Global Voices Objectifs du Millénaire 2011.
[Liens en anglais sauf mention contraire] Ce billet a été commandé dans le cadre d'une série d'articles sur l'insécurité alimentaire produits par le Centre Pulitzer et Global Voices Online. Ces articles s'inspirent des reportages multimédia présentés sur le site Pulitzer sur l'insécurité alimentaire et par des blogueurs discutant de ces problèmes dans le monde entier. Partagez vos vues sur l'insécurité alimentaire ici.
Alors que les prix alimentaires mondiaux restent élevés, avec de potentielles augmentations à l'horizon dues à l'envolée des prix du pétrole et des inquiétudes sur les réserves alimentaires, les experts avancent qu'il y a une solution souvent négligée pour combattre la faim dans le monde : les femmes.
Disparité hommes/femmes
Les femmes sont essentielles dans la production de denrées alimentaires dans beaucoup de pays en voie de développement, représentant en moyenne 43% de la main-d'œuvre agricole. Certains estiment que 80% des travailleurs impliqués dans l'agriculture en Afrique, et 60% en Asie, sont des femmes.
La semaine dernière, lors du forum Envision à New York, au cours d'une commission consacrée au rôle des femmes dans la réduction de la faim et de la pauvreté, l'administratrice associée et sous-secrétaire générale au Programme de Développement des Nations Unies, Rebeca Grynspan, a dit :
Même en parlant uniquement des zones rurales, les femmes produisent 50% de l'alimentation mondiale. Elles perçoivent seulement 1% des crédits mais elles produisent 50% de la nourriture.
En plus de ce manque de reconnaissance, un rapport publié le mois dernier [en français] par l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture dit qu'alors que le rôle des agricultrices peut varier selon les régions, elles ont partout moins d'accès aux ressources et aux opportunités que les cultivateurs masculins. Supprimer cette inégalité pourrait sortir de la faim pas moins de 150 millions de personnes.
Ma. Estrella A. Penunia, sur le site web de l'Association des Agriculteurs Asiatiques pour le Développement Rural Durable, liste six raisons-clés pour lesquelles nous devrions nous soucier des agricultrices, y compris pour les problèmes de sécurité alimentaire. Dans le même temps, Emily Oakley, une agricultrice américaine qui a étudié la petite agriculture dans des douzaines de pays, réfléchit à la place des femmes dans l'agriculture dans un billet sur son blog, In Her Field:
Dans la plupart des endroits que j'ai visités, les femmes ne sont pas juste des soutiens à l'agriculture ; elles font équipe avec leurs maris dans les tâches quotidiennes, prennent des décisions et planifient. Au Kenya, il est bien plus courant de voir une femme seule avec un enfant emmailloté sur son dos bêcher un champ avec une houe que de la voir rejointe par son mari. Dans un village isolé du Népal occidental (le genre d'isolement qui signifie une demi-journée de marche jusqu'à la route la plus proche), l'agriculteur que tout le monde s'accordait à trouver le plus innovateur était une femme. Son exploitation se tenait sur le coteau comme une oasis de croissance et de diversité là où les autres fermes connaissaient l'érosion du sol et la pauvreté des champs. J'ai récemment participé à un projet entre agriculteurs en République Dominicaine qui suivait les agricultrices dans la production commerciale en serres de poivrons. C'est juste un petit avant-goût du travail des femmes dans l'agriculture.
De la nourriture pour toute la famille
Beaucoup de femmes travaillent comme cultivatrice dans une économie de subsistance, sont de petits entrepreneurs ou des travailleuses non payées, ou intermittentes. Donner à ces femmes les mêmes outils et les mêmes ressources qu'aux hommes, dont un meilleur accès aux services financiers, aux équipements techniques, à la terre, à l'éducation et aux marchés, pourrait accroître la production agricole des pays en développement de 2,5 à 4%, selon le rapport des Nations Unies. Ces gains de production pourraient, à leur tour, réduire le nombre de personnes souffrant de la faim de 12 à 17%, soit de 100 à 150 millions de personnes. Il y avait à peu près 925 millions de personnes sous-alimentées dans le monde en 2010.
Impliquer les femmes pourrait aussi améliorer la sécurité alimentaire pour leurs familles toutes entières, dit le rapport, parce que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de dépenser un revenu supplémentaire pour la nourriture, l'éducation et d'autres besoins domestiques basiques. Mais Dipendra Pokharel, chercheur au Népal, dit sur son blog que le rôle des femmes à la maison peut aussi signifier que leurs besoins ne sont pas pris en compte :
Les agricultrices ont souvent des priorités différentes des hommes, et cela peut, dans beaucoup de cas, être lié à leur rôle direct dans l'alimentation de leurs familles. Dans les zones rurales du Népal, les hommes contrôlent traditionnellement le monde extérieur et les femmes l'intérieur de la maison. De telles perspectives traditionnelles peuvent contribuer au déséquilibre de l'information ‘sans distinction de sexe’, collectée par des étrangers avec l'intention d'aider la communauté. Ce sont habituellement les hommes qui fournissent l'information aux personnes extérieures. Cela signifie que les priorités des femmes sont souvent négligées, à moins qu'elles ne soient spécifiquement prises en compte. Cela soutient également le point de vue selon lequel les agricultrices reçoivent moins de services d'extension nécessaires à la transformation de leur système d'agriculture basé sur la subsistance vers un système plus commercial.
Les femmes agricultrices gèrent des exploitations plus petites que celles des hommes, en moyenne d'une largeur équivalent de seulement la moitié jusqu'aux deux-tiers [d'une ferme gérée par un homme], selon le rapport, et leurs fermes ont habituellement de plus faibles rendements. Elles sont aussi moins susceptibles de posséder des terres ou d'avoir accès à des terres louées. Le rapport montre, par exemple, que les femmes représentent un peu moins de 5% des exploitants agricoles dans l'Asie occidentale et l'Afrique du nord.
Jane Tarh Takang, qui a travaillé avec des agriculteurs en Afrique de l'ouest et du centre, discute des problèmes de droit foncier [en français] dans un entretien avec Edith Abilogo, publié sur FORESTSBlog, le blog du Centre de Recherche Forestière Internationale :
Dans la plupart des communautés en Afrique, les femmes et les filles ont un accès très limité à la propriété et à la terre comparé aux garçons et aux hommes. Sans terre, elles ne peuvent pas produire de ressources pour nourrir leurs familles ou générer des revenus, et cela conduit à une reproduction du cycle de la pauvreté avec leurs enfants. Cette situation est pire quand il s'agit de veuves ou de femmes non mariées… Dans des cas où les terres agricoles existantes ont été épuisées par des pratiques agricoles intensives, les hommes préfèrent réserver les zones fertiles pour leur propre usage et laisser les moins fertiles aux femmes.
Elfinesh Dermeji, une agricultrice éthiopienne qui a assisté au Séminaire sur l'égalité des sexes et l'agriculture à orientation commerciale à Addis-Abeba plus tôt cette année, dit dans un billet sur le New Agriculturist que ce n'est pas toujours facile d'impliquer les femmes dans l'agriculture:
Dans certaines familles, lorsque les hommes sont ouverts et veulent que leurs épouses participent, la femme n'a pas toujours l'esprit d'entreprise ou elle n'est pas motivée. D'un autre côté, certains hommes, lorsque les femmes sont motivées et veulent participer, ne veulent pas qu'elles quittent la maison. Ils préfèrent renoncer à ce revenu plutôt que d'avoir leur femme impliquée dans une association.
A la recherche de solutions
Cependant, dans le monde entier,de nombreux projets impliquent des femmes agricultrices : de l'encouragement des femmes au Ghana pour acheter des tracteurs aux pressions sur le gouvernement des Philippines pour autoriser la mention du nom des épouses sur les titres de propriété jusqu'à l'augmentation de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication parmi les agriculteurs ougandais.
Sur OneWorld South Asia, Ananya Mukherjee-Reed décrit comment 250 000 membres de Kudumbashree, un réseau de 3,7 millions de femmes dans l'état indien de Kerala, ont formé des coopératives agricoles pour conjointement louer et cultiver la terre :
‘En tant qu'agricultrices, nous contrôlons maintenant notre propre temps, nos ressources et notre main-d'œuvre,’ fut un refrain que j'ai entendu encore et encore. Dhanalakhsmi, une jeune femme à Elappully, me dit que passer d'un rôle d'ouvrière à celui de productrice a eu un profond effet sur ses enfants. “Ils me voient différemment maintenant. Lorsque nous nous réunissons pour discuter de nos fermes, de nos revenus, ou partager simplement nos problèmes, ils observent avec beaucoup d'intérêt.’
Mais les blogueurs disent que l'on peut faire plus. Dans un billet sur Solutions, Yifat Susskind argumente que les États-Unis devraient acheter des récoltes aux agriculteurs locaux africains dans le cadre de leur aide internationale. Dipendra Pokharel affirme que les femmes des milieux ruraux doivent gagner de l'espace social et politique dans les domaines privé et public. Melissa McEwan, bloguant sur Shakesville aux États-Unis, défie l'idée reçue que seuls les hommes sont agriculteurs en compilant presque 100 photos de femmes agricultrices dans le monde entier. Le rapport dit que des changements sont aussi nécessaires sur le plan politique.
Quelle que soit l'approche, Ma. Estrella A. Penunia déclare que pour réussir véritablement elle devrait être exhaustive :
Comme l'agriculture est un effort de toute la famille dans beaucoup de pays en voie de développement, la chose essentielle qui peut aussi grandement aider les femmes agricultrices est le soutien qu'elles auront de leurs époux et des membres/dirigeants masculins de leurs organisations. Dans des exploitations où à la fois hommes et femmes ont été sensibilisés à la dynamique de l'égalité des sexes et croient en des droits et des opportunités égaux, le plein potentiel d'une femme agricultrice est exploité à fond.
Ce billet fait partie du dossier de Global Voices Objectifs du Millénaire 2011.
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