Ghana : des blogueurs réagissent à un article diffamatoire sur le Ghana

[Liens en anglais sauf mention contraire] Le 8 avril 2011, les Ghanéens ont découvert un article avilissant pour eux et mensonger sur le site de CNN, intitulé “Inside the criminal world of Ghana's e-mail scam gangs” (Dans le monde criminel des escrocs par email au Ghana) de Thomas Morton . Les blogueurs ghanéens considèrent le journaliste comme très mal informé et  plein de préjugés. Après avoir lu l'article, Maame Serwaa Adu (@SekondiGal) a écrit sur Twitter :

Un exemple classique de journalisme irresponsable

Les blogueurs de Ghanablogging.com ont débattu de l'article entre eux en exprimant différentes opinions et relevé ses insuffisances.

Ghanaian bloggers at a monthly session

Le collectif "Ghanaian bloggers" lors d'une session de travail mensuelle

On peut dire du billet de Graham Knigh, par son paragraphe d'introduction qu'il n'est pas convaincu par les “faits” exposés dans cet article :

Distorsions, exagérations et mensonges sont faciles lorsqu'on écrit sur l'Afrique parce qu'ils sont construits sur une série de lieux communs où les stéréotypes sont garantis.  La dénonciation de la pauvreté, de la corruption, de la criminalité, etc. fournissent les fondements sur lesquels d'autres auteurs peuvent broder. Parmi ces auteurs, les points de vue de ceux qui sont en dehors de l'Afrique prévalent.

Il a aussi dénoncé les nombreux mensonges  que cet article a colportés :

Les mensonges sur l'environnement à Accra poussent à se demander si l'auteur a vraiment vu tout ça de ses propres yeux ou s'il en a entendu parler.

  • Écrire que le “Palais” du président est entouré de routes sales est un mensonge.
  • Ajouter que le “palais présidentiel ” possède des “colonnes d'or” est peut-être une manière codée de dire qu'un “dictateur africain riche, gras et corrompu vit ici”.
  • La déclaration selon laquelle 99% des Ghanéens vendent de “l'eau glacée” au bord de la route tandis que le  1 pour cent restant languit dans des restaurants luxueux à 50 dollars le repas est une exagération risible et mensongère.

L'accusation selon laquelle ‘la plupart’ des Ghanéens doivent recourir au crime pour s'acheter une belle voiture trahit la simple réalité de la vie au Ghana.

Nana yaw Sarpon, qui tient le blog Ready to Chew (Prêt à mâcher), a intitulé son article : “Another Fool Writes on Ghana–Bad Reportage Akwaaba.” (Un autre fou écrit sur le Ghana — Un mauvais reportage sur l'Akwaaba) [fraude à la carte bancaire]. Il écrit :

J'ai un boulot. De nombreux Ghanéens possèdent des logements avec 3 chambres à coucher. Ils achètent des voitures avec leurs revenus, sans emprunter. Il y a de bonnes routes, des gratte-ciels, des banques, des hôtels 5 étoiles et des taudis. Mais les vendeurs d'eau en sachet ne constituent même pas un pour cent de la population. J'ose dire que seul un ignare qui a passé tout son temps au Ghana assis dans sa voiture pourrait pondre de telles choses.

Une réaction pleine d'amertume :

Cet article devrait être traité avec le mépris qu'il mérite ; très déçu de l'idiot qui a écrit ça. As-t-il pris le temps de regarder d'où il vient ? Il y a des crimes, le chômage et tout le reste. L'idiot qui a écrit ça devrait commencer par remédier à tout ça [chez lui] avant d'essayer de résoudre nos problèmes. Nous avons quelques problèmes liés au développement, mais pas de la manière dont il/elle les décrits.

Je ne pouvais pas ne pas être d'accord avec l'article d’Edward Tagoe qui a  répondu à tous les mensonges de Thomas Morton. Il remarque que :

Quiconque qui a vécu au Ghana assez longtemps aura réalisé que la majorité des Ghanéens et les autorités qui les dirigent sont dégoûtés par le problème du Sakawa, comme tout étranger l'est. La fraude Sakawa est  le débordement d'une pratique qui a commencé comme ‘une fraude sur l'acompte‘ ou  fraude 419 [en français]. Ce phénomène a augmenté graduellement jusqu'à devenir une activité lucrative à plein temps pour quelques jeunes Ghanéens. La fraude 419  est considérée comme ayant comme origine le Nigeria et a graduellement gagné d'autres parties de la région de l'Afrique de l'ouest.

Voici sa réaction/réponse à une de ces bévues ou “fait”:

Le taux de chômage est comme chacun le sait un chiffre technique qui ne représente pas le nombre de personnes sans travail, mais le nombre de personnes qui ont été sans travail pendant une certaine période, et qui ont fait ou font un effort sérieux pour trouver un travail au cours de cette même période. Pour moi, donc, ce n'est pas surprenant que des gouvernements partout dans le monde se cachent derrière cette définition pour publier des chiffres qui présentent mieux leur économie. Si le Ghana en est coupable, tous les pays du monde le sont aussi.

Bévue No. 2 : le gouvernement du Ghana aime proclamer que le taux de chômage est inférieur à 10 pour cent … Le taux réel pour la classe d'age de 15 à 24 ans se situe entre 25 et 30 pour cent.

Ghanaian flag with African map. Photo courtesy of @Abocco

Drapeau ghanéen avec la carte de l'Afrique. Photo de courtoisie @Abocco

J'étais heureux lorsque je me suis réveillé ce matin et quand j'ai vu en ligne une lettre à CNN intitulée : “CNN s'est trompé sur le Ghana” écrite par Kobina Graham.

Kobina Graham, est le rédacteur en chef de la rue trimestrielle Dust Magazine, publiée pour et sur les habitants d'Accra. Il ne pouvait que se joindre au chœur des blogueurs qui réagissaient contre l'article diffamatoire et plein de mensonges sur le Ghana.

Citation de l'article : “Catégorie de l'article: Web

C'était là en réalité mon premier problème avec cet article. J'aurais pu le classer sous ‘Vaguement créatif et non romancé’. Ou bien encore ‘Bien intentionné mais du journalisme mal cuit’.

Citation de l'article: “Le Ghana est en train de bien se comporter selon les normes africaines. Naturellement, “normes africaines” veut dire qu'il y a des routes sales arrivant devant des palais présidentiels flambant neufs avec des colonnes dorés…”

Condescendant, mais je ne veux même pas arriver là. J'emprunte cette route pour aller au travail chaque jour et c'est une des zones les mieux goudronnées d'Accra. Demandez aux Français dont l'ambassade est  – malheureusement –  toute proche.

Il a aussi répondu au mensonge gratuit sur les sachets d'eau glacée :

Citation: “…et il parait qu'1 pour cent de la population flambe le PIB de son pays dans des bars où le couvert est à 50 dollars alors que les  99 pour cent  restant vendent des sacs d'eau glacée aux feux de signalisation.”

Tous les Ghanéens ne gagnent pas leur argent en escroquant l'état. Non seulement ces Ghanéens riches sont moins nombreux dans ces bars que – comment m'exprimer délicatement ? – les blancs mais nous ne sommes pas là en train d'accuser tous les blancs du Ghana d'avoir escroqué les Ghanéens. L'auteur s'en sort grâce à l'expression “il parait”. Si nous étions dans un tribunal, j'aurais dit “objection!” et le juge aurait répondu “accordée !”… mais l'image serait tout de même entrée dans la mémoire des membres du jury.

Kobina a aussi traité de la menace de “sakawa” au Ghana.

Citation de l'article: “Sakawa (qui se réfère généralement à l'escroquerie par carte de crédit) signifie aujourd'hui bien plus que  toute escroquerie en matière d'argent – si vous portez des habits tout neufs griffés, vous vous habillez “Sakawa,” si vous avez une belle voiture, c'est une voiture “Sakawa” – tout ceci est bien vu puisque l'escroquerie sur Internet est le seul moyen qu'ont la plupart des Ghanéens pour s'offrir de tels luxes.”

L'accusation la plus souvent formulée à l'égard des personnes qui sont devenues riches de manière suspecte très rapidement est qu'elles ont été mêlées au trafic de drogues … Et bien que ce soit souvent vrai – ce n'est pas toujours le cas.

Citation: “En ce moment, Sakawa est dans sa grande période. La saga des Sakawa Boys au cinéma en est à son huitième film, “Sakawa 8″….”

Pas surprenant pour une industrie du film (ghanéenne) dans laquelle la PLUPART des films  ont des suites, quatre au minimum.

Citation: “…et les Ghanéens de tous âges et intérêts (mais surtout des “jeunes” et  des”pas pauvres”) se rassemblent dans des cyber-cafés pour inventer des manières ingénieuses d'escroquer les Occidentaux.

Encore des fioritures. Êtes-vous sûrs que nous n'étions pas ensemble à l'école Mfantsipim ? Je me rappelle comment mes camarades de classe enjolivaient le récit de comment ils avaient perdu leur virginité. J'ai fini mes études en 1994. Peut-être sommes-nous de la même promotion.

Citation: “… peu de personnes voient le Sakawa pour ce que c'est vraiment, comme notre guide Seva : une bulle collective prête à exploser.”

Très étrange, c'est là que vous auriez pu souligner les faits, mais vous ne l'avez pas fait. Il n'y a pas tellement d'ordinateurs au Ghana. Mais nous sommes déjà parmi les meilleurs du monde pour la cyber-escroquerie. Du bon travail, et plus il y aura d'internautes parmi nous, plus cela pourrait augmenter. Ceci dit, ce ne sont pas TOUS les Ghanéens qui pratiquent la cyber-escroquerie – jeunes ou âgés.  Même pas la majorité. Je reconnais que c'est – au mieux – une minorité significative. Sentez-vous libre de me prouver que je me trompe.

Les blogueurs ghanéens ont trouvé l'article malveillant et se demandent pourquoi les journalistes occidentaux ne trouvent jamais rien de positif sur l'Afrique. La majorité des jeunes au Ghana ne sont pas impliqués dans le “sakawa” ni ne vendent de l'eau  dans des sachets.

Les opportunités pour les jeunes dans le monde du travail n'ont jamais été aussi élevées au Ghana. De nombreux jeunes Ghanéens créent leur propre entreprise, comme par exemple Edward Amartey-Tagoe, co-fondateur de Nandi Mobile et Esi Cleland, co-fondateur de Afrochic Clothing.

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