[Liens en anglais] Les partis politiques d'opposition et les citoyens, exaspérés par l'augmentation des prix de la nourriture et de l'essence en Ouganda, continuent à organiser des manifestations “walk to work” (aller au travail en marchant) pour protester contre l'actuel gouvernement. Celui-ci a demandé aux fournisseurs d'accès à internet (FAI) de bloquer l'accès à Facebook et Twitter.
Selon la Banque mondiale, une sècheresse prolongée et la hausse des prix de l'essence provoque des ravages dans toute l'Afrique de l'Est. En Ouganda, Timothy Hatcher, sur le blog aaralinuga, décrit la situation :
L'inflation a pour ainsi dire doublé durant le mois passé, atteignant 11.1 pour cent, et les prix de l'essence ont plus que doublé : le prix du gallon approche de 7 dollars US. Impact le plus important : les prix de denrées alimentaires de base ont triplé depuis décembre.
Angela Kintu décrit comme ces hausses de prix affectent les ménages :
…Ces manifestations sont provoquées par la réalité, les frustrations et des temps vraiment très durs. J'achète un litre d'huile de cuisine fabriqué en Ouganda avec des produits qui ont poussé en Ouganda pour 6 500 shillings [2.73 dollars]. Je paye 3 600 shillings [1.51 dollar] pour un litre d'essence. Une tomate coute maintenant 300 shilling [12 centimes de dollars], au mieux. Je ne sais pas pour vous, mais tout ça démolit mon budget. Personne ne me donne davantage d'argent pour mon travail, au contraire, je cours après les débiteurs matin, midi et soir. Dans moins d'une semaine, c'est Pâques, et les vacances scolaires vont me tomber dessus. Trois petites semaines après ça, je dois trouver l'argent pour payer l'école.
Une bonne affaire pour l'opposition
Ces problèmes économiques ont donné un coup de fouet aux leaders de l'opposition, qui avaient du mal à trouver des soutiens après leur défaite à l'élection présidentielle de février 2011, remportée par le président sortant Yoweri Museveni. Andrew Mwenda explique :
Après une longue période sans motif pour galvaniser le mécontentement populaire en leur faveur, l'opposition ougandaise en a finalement trouvé un avec l'augmentation des prix de la nourriture et des transports. Pour la première fois, l'opposition se fait le relai d'une demande populaire qui touche aux ventres et aux porte-feuilles de millions de personnes, et plus personne ne se bat seulement pour le pouvoir. Par conséquence, le jeu du chat et de la souris entre eux et la police ne fait que commencer, et a le potentiel pour devenir une Tunisie et une Egypte.
Les chefs de multiples partis d'opposition, dont Kizza Besigye (ancien médecin personnel de Museveni, et chef du Forum pour le changement démocratique), Nobert Mao, chef du parti démocratique et Olara Otunnu, chef du Congrès du peuple de l'Ouganda, se sont ralliés pour organiser des manifestations “Aller au travail en marchant” depuis plus d'une semaine.
Besiye et Mao ont été arrêtés après la première manifestation, le 11 avril 2011. Durant la deuxième manifestation, le 14 avril, Besigye a reçu une balle de caoutchouc dans la main. Environ 100 personnes ont été arrêtées le 18 avril ; une autre manifestation est prévue le 21 avril.
Les manifestations s'étendent
Les manifestations commencent aussi à s'étendre à d'autres villes ; 30 manifestants ont été arrêtés à Gulu, au nord de l'Ouganda ; la police a été déployée à Mbale et Sironko, à l'est de l'Ouganda, pour empêcher les rassemblements.
Avec la montée en puissance des manifestations, les réaction de la police se sont faites plus brutales : les gaz lacrymogènes et les balles en caoutchouc ont fait des apparitions plus fréquentes. Anne Mugisha, une représentante du parti Forum pour le changement démocratique, qui a été détenue pour avoir participé aux manifestations, raconte :
J'avais l'intention de marcher jusqu'à l'église avec mes deux filles jusqu'au moment où j'ai assisté aux brutalités de la police à Kasangati. Le jeudi, j'étais à Kasangati quand la Croix Rouge a évacué les femmes enceintes et les enfants de l'hôpital envahi par les gaz lacrymogènes. Le spectacle était alarmant, ça brisait le cœur. Si j'avais eu des réticence à laisser mes filles à la maison, elles ont été balayées par ma visite à l'hôpital de Mulago, aux blessés des violences de jeudi, dans le quartier 6A et 3C l. La police n'hésite pas à lancer des grenades lacrymogènes dans les écoles et les hôpitaux, ou même à ouvrir le feu avec des balles réelles sur des civils qui n'y sont pour rien.
Vendredi, les blogs et les journaux ougandais ont annoncé que la Commission ougandaise des communications avait envoyé une lettre à plusieurs des plus importants opérateurs telecom d'Ouganda, leur demandant de bloquer l'accès à Facebook et Twitter. Une copie de la lettre a été mise en ligne sur Twitter par @kasujja :
La lettre dit à un endroit : “Il est donc attendu de vous que vous bloquiez l'accès à Facebook et Tweeter [sic] pendant 24 heures à partir de maintenant, c'est à dire : le 14 avril 2011 a 15h30. pour mettre fin à la connexion et au partage d'informations qui incitent la population [à manifester].”
Différentes versions circulent sur la façon dont ce blocage a été effectué. Le 15 avril, Echwalu Edward du blog Echwalu Photography écrivait :
Deux fournisseurs géants de téléphonie et accès à Internet, Warid Uganda Ltd et Uganda Telecom Ltd (UTL) ont bloqué deux des plus grands réseaux sociaux – facebook et twitter…. Twitter revient peu à peu, mais facebook est toujours bloqué.
Le 15 avril, il a publié une mise à jour, annonçant que l'accès aux deux plateformes était rétabli.
My Song in the Trench a remarqué que le blocage permettait un accès plus rapide à d'autres sites :
Internet est beaucoup plus rapide, même avec ma connexion très faible, parce que personne ne surfe sur Facebook et Twitter en ce moment.
MTN Uganda (@MTNUGANDACARE), l'un des plus importants fournisseurs d'accès à Internet, à annoncé sur Twitter le 15 qu'il ne mettrait pas en place le blocage :
@MTNUGANDACARE: @StoneAtwine Notre position est claire. Nous ne fermerons pas FB ou Twitter. Merci.
Selon de nombreux articles de presse, la Commission des communications a également demandé l'interdiction de diffusion en temps réel à la télévision d'images des manifestations. Le blogueur Steven Youngblood écrit :
Que ce soit la censure des images en direct (vérifiée) ou la censure d'Internet (rumeurs), ce genre de censure produit en général l'effet contraire de celui escompté. Le black out d'Internet en Egypte a dressé l'opinion publique contre le gouvernement de Moubarak. Nous sommes en 2011, et même en Ouganda, les médias internationaux prolifèrent. Si les médias ougandais sont muselés, la population ici se tournera tout simplement vers d'autres stations de radio des pays voisins, ou vers des sources internationales comme la BBC ou Voice of America. Les tentatives grossières de contrôler l'information ne prennent pas en considération la richesse actuelle des médias, au contraire, elles révèlent des tentatives démodées et fébriles, de style soviétique, de manipuler la population.