Le Nord de la Hongrie est devenu ces derniers temps l'épicentre de conflits croissants entre communautés rom et hongroise. Ainsi, à Gyöngyöspata, des organisations paramilitaires ont défilé il y a un mois, prétendant faire partie d'une surveillance de voisinage, malgré l'évidence de leur position d'extrême droite.
Un village sans maire
Le 19 avril, cette vidéo (en hongrois) a été mise en ligne par un site rom d'information, So Si? (en hongrois), au sujet des rumeurs qui gagnent la communauté rom de Gyöngyöspata, de projets d'une milice d'installer un camp d'entraînement dans le village, dont le maire démissionnait le même jour.
Le blog Piroslap, citant une agence d'information, a écrit (en hongrois) que le maire avait invoqué des raisons de santé à l'appui de sa démission. A propos du camp d'entraînement, voici ce qu'écrivait Piroslap :
[…] A présent le mouvement Véderő veut tenir un camp militaire dans le hameau. Sur leur site internet ils se définissent comme opérant à l'écart de la politique mais du côté national, et après la suppression de la conscription ils aimeraient proposer une formation de type martial à ceux qui apprécient ce genre d'enseignement mais ne veulent pas devenir militaires de profession. […]
Les Roms sont partis
Dès vendredi 22 avril, quelque 300 Roms ont quitté Gyöngyöspata, apparemment par crainte des groupes d'autodéfense arrives au village pour s'entraîner. Selon des articles de presse [en anglais], le départ des femmes et enfants roms a été organisé par la Croix Rouge hongroise et Richard Field, un homme d'affaires américain qui avait déjà fait connaître ses préoccupations pour la situation des Roms en Hongrie et même créé une ONG pour leur défense.
Les médias hongrois ont appliqué le terme ‘évacuation’ à ce qui a eu lieu, tandis que les autorités publiques ont clamé que ce n'en était pas une, et que les Roms avaient été emmenés en excursion de Pâques pour le week-end. Telle a été l'explication offerte par Péter Szijjártó, porte-parole du Premier ministre, et le Ministre de l'Intérieur Sándor Pintér [en anglais].
Cette vidéo (en hongrois) montre le ministre de l'Intérieur à une conférence de presse tenue à Gyöngyöspata vendredi. Il y a déclaré :
Ils [les membres de la milice] ont ôté la joie offerte par l'organisation charitable Croix Rouge. Le conseil national de la Croix Rouge a invité les femmes et les enfants des familles de Gyöngyöspata à une excursion pascale.
Gellért Rajcsányi de Mandiner a écrit (en hongrois) :
[…] A cause des menaces, les Roms ont peur d'atrocités. Un chef de l'opération a dit que les hommes [roms] sont tous restés au village pour essayer de protéger leurs biens laissés chez eux. Ils attendent la venue vendredi après-midi de députés, membres du corps diplomatique et militants internationaux des droits de l'homme. Selon János Farkas, le représentant du Mouvement des Droits civils des Hongrois Roms, la Croix Rouge a contribué en déplaçant les personnes qui ont été logées dans différents camps. Un représentant de la Croix Rouge a déclaré à dpa [une agence de presse allemande] que c'était la première fois depuis la deuxième guerre mondiale que l'organisation évacuait des populations menacées par une milice en Hongrie. […]
Vendredi également, le ministre de l'Intérieur a annoncé [en anglais] que le gouvernement avait rédigé un “décret pour punir les activités de garde civile menées sans approbation préalable de la police ou la simulation d'action de maintien de l'ordre.”
Le vendredi après-midi, la police dispersa l'entraînement paramilitaire de Véderő. Selon les informations de presse, le chef du groupe, Tamás Eszes a été mis en garde à vue. Le site d'information d'extrême-droite Kuruc.info a reproduit (en hongrois) ces articles, leur ajoutant une information d'importance : Tamás Eszes est un homme qui a été renvoyé de la Garde Hongroise. (D'autres sources ont écrit que M. Eszes serait candidat au poste de maire maintenant que Gyöngyöspata en est dépourvu.)
Gellért Rajcsányi écrit que la principale responsabilité incombe au gouvernement :
[…] Nous gardons l'état depuis des millénaires pour maintenir la sécurité intérieure et extérieure. La promesse hasardeuse (en hongrois) de mettre de l'ordre en deux semaines dans ces endroits du pays qui semblaient désespérés était vaine. Nous savons qu'il est impossible d'arriver à une sécurité publique quasi parfaite même en deux ans, mais au moins il y aurait des signes si nous allions dans cette direction ! Mais aujourd'hui, en ce Vendredi Saint, nous avons touché un nouveau fond. Les citoyens hongrois craignant pour leurs biens et circulant la peur au corps désirent la présence d'organisations paramilitaires, [pendant que] d'autres citoyens craignant pour leurs biens et circulant la peur au corps attendent la solution des dirigeants de mouvements de droits civils et de la Croix Rouge. Le diable est sorti de sa boîte à Gyöngyspata. Espérons que dans les informations internationales il y aura de bons reportages d'enfants en larmes et de miliciens en uniforme au milieu des nouvelles de Libye et de Côte d'Ivoire. […]
Opération politique ?
Le photographe Levente Hernádi a exprimé ses doutes (en hongrois) sur l'aspect désintéressé de ces événements, soulignant qu'ils ont résulté en des articles comme celui-ci sur un site d'actualité hongrois (en hongrois), illustré de photos des Roms quittant le village, de membres de Véderő, des Roma restés dans le village et d'un enfant rom. L'article est un reportage détaillé sur les Roms qui ont quitté Gyöngyöspata pour le week-end et ont demandé l'asile aux Etats-Unis et au Canada à cause des menaces qu'ils encourent :
[… ] Je pense que Gyöngyöspata était une pièce de théâtre extrêmement bien montée tirant parti des Roms toujours en train de pleurer et de parler de façon ambiguë et du front national qui agit toujours dans le sens du nationalisme. Il suffisait de l'amorcer et la suite est venue d'elle-même.
Respect maximum à celui qui [crée des scénarios] comme celui-ci […].
Dimanche, les femmes et enfants roms était de retour au village.