A quelques semaines du second tour des élections au Pérou, le choix entre le candidat du parti Gana Perù, Ollanta Humala Tasso et la fille de l’ancien président Alberto Fujimori, Keiko Sofia Fujimori (pour le parti Fuerza 2011), la polarisation grandissante au sein de la société péruvienne, et le rôle des électeurs, sont les principales problématiques présentes autant dans la presse [en espagnol] que sur les réseaux sociaux.
L’information la plus frappante de ces derniers jours est le récent licenciement de deux journalistes de la chaîne d’information péruvienne Canal N, propriété du groupe « El Comercio », car ils ne se seraient pas pliés aux directives visant à réaliser une couverture médiatique favorable à Keiko Fujimori [en anglais].
Cela a généré des réactions d'hostilité à l’égard du monde journalistique ainsi qu’à l’égard des collègues des journalistes licenciés. Raùl Tola, un journaliste et collègue de Patricia Montero et José Jara, s’interroge dans la rubrique quotidienne du journal La Repùblica [en espagnol] :
¿Cómo debemos interpretar este despido quienes todavía trabajamos en Canal N o América Televisión? ¿A partir de ahora, cada vez que propalemos una noticia deberemos hacerlo tomando en cuenta lo que los propietarios consideran «el bien del país», es decir la candidatura de Fuerza 2011? ¿Acaso no es nuestra obligación informar sin consideraciones de esta naturaleza, respondiendo solo a nuestras conciencias, a los principios rectores de la profesión, a los lectores y televidentes, y no a intereses subordinados?… ¿Qué pensará la ciudadanía de un medio que juega y esconde la carta de la libertad de expresión de acuerdo a los devaneos de la coyuntura…?
Comment devrions-nous, nous qui travaillons toujours à Canal N ou América Television, interpréter ce licenciement ? Dorénavant, pour chaque article écrit, devrions-nous tenir compte que le propriétaire pense « au bie du pays » – en d’autres termes, à la campagne de Fuerza 2011 ? Ce n’est peut-être pas notre devoir d’informer sans les considérations de cette nature, en étant redevable seulement à nos consciences, à nos principes fondamentaux propres à la profession, aux lecteurs et téléspectateurs ; mais en étant astreint à des intérêts privés ?.. Que penserait le peuple des médias qui cachent et se jouent de la Loi sur la liberté d’expression selon leurs accointances du moment… ?
Blogueurs et utilisateurs des réseaux sociaux s’interrogent de la même façon. Par exemple, l’article publié par Gustavo Faverón sur son blog Puente Aéreo (Vue Aérienne) [en espagnol] :
quienes se aprestan a votar por Keiko Fujimori colocan como uno de sus argumentos (el más disparatado) su temor de que con Humala llegue una dictadura represiva, que barra con las libertades de información y de prensa…. (…) Y para ponerse al día sobre las cosas que Humala hará con sus libertades de expresión, leen los diarios y las estaciones de televisión del grupo El Comercio, medios en los cuales, hace varios días, han empezado los despidos y los extraños nombramientos: despidos de periodistas que se niegan a escribir en favor de Keiko Fujimori y contra Humala, nombramientos de otros periodistas que ya estuvieron conectados con la mano negra fujimorista en la dictadura anterior…
Ceux qui s’apprêtent à voter pour Keiko Fujimori montre (la plupart de façon délirante) leur crainte d’une dictature répressive avec Humala à sa tête, qui prend à la gorge la liberté de la presse… (…) Et pour se préparer au jour où Humala s’en prendrait à la liberté d’expression, ils lisent les journaux et regardent les chaînes de télévision d’El Comercio, qui depuis quelques jours se livre à des licenciements et nominations troublants : licenciements de journalistes qui refusent d’écrire en faveur de Keiko Fujimori et contre Humala ; et la nomination d’autres journalistes qui étaient proches de la Main Noire du précédent régime Fujimori…
César Lievand (@argosmozart) commente sur Twitter :
@Frospigliosi @tuesta lo que ha hecho el GRUPO EL COMERCIO ha sido un atentado contra la libertad de prensa y expresion.
@Frospigliosi @tuesta ce qu’a commis le GRUPO EL COMERCIO est une attaque contre la liberté de la presse et contre la liberté d’expression.
Silvio Rendón partage son opinion sur la page Facebook de son blog Gran Combo Club [en espagnol] :
Cipriani [el Cardenal] es el alfil, El Comercio es el caballo, la CONFIEP [gremio de empresarios] es la torre, Fujimori [Alberto] es el rey, y Keiko la reina. Y hay hartos [muchos] peones.
Cipriani [le Cardinal] est un évêque, El Comercio un chevalier, le CONFIEP [organisation patronale] est une tour, Fujimori [Alberto] est un roi, et Keiko la reine. Et on compte un nombre incalculable de pions.
Jack Sánchez (@wifaperu) affirme:
A votar con mayor razón por Ollanta Humala.
Nous avons désormais une bonne raison de voter Ollanta Humala.
Le début de cet article mentionne la polarisation de la société, qui est visible sur les réseaux sociaux : le tweet sarcastique de Paul Nassi (@ManzanaPecadora) met en doute la crédibilité des uns et des autres qui protestent en faveur de la liberté de la presse, comme le démontre la question de la convenance morale :
Si El Comercio apoya a Fujimori, se ha vendido. Pero si la Republica apoya a Humala es libertad de expresion. No jodan
Si El Comercio soutient Fujimori, c’est qu’il s’est vendu à elle. Mais si la Republica soutient Humala, c’est pour la liberté d’expression. Ne me faites pas rire…
Sokro, sur le blog Cero Contenido [en espagnol] (Contenu Zéro), évoque les journalistes péruviens qui se considèrent eux-mêmes comme anti-Humala :
“…estaban convencidos que cholos comiendo sushi es lo mismo q crecimiento económico, q blancos viendo “Al fondo hay sitio” [popular shows de TV local] y comiendo en pollos Hikary [populares restaurantes de pollo a la brasa] es lo mismo que la superación del racismo, y que los pobres son pobres porque son brutos o flojos…
« …ils sont convaincus que parler des « cholos » (les métisses) qui mangent des sushi est la même chose que d’aborder la croissance économique, que les blancs qui regardent « Il y a un coin au fond » [« Al fondo hay sitio », un feuilleton télévisé péruvien] et qui mangent du poulet Hikary [restaurant populaire spécialisé dans le poulet grillé] est synonyme de racisme triomphant, et que les pauvres sont pauvres car ils sont stupides et paresseux…
Luchín (@Lu_chi_to) anticipe:
#Elecciones2011 bayly [Jaime Bayly, presentador de TV, quien ha declarado su apoyo a Fujimori] regresará a la TV como parte del plan demoledor a “OH” [Ollanta Humala] mucho cuidado y atentos con lo que viene aparte de todo esto
#Elecciones2011 bayly [Jaime Bayly, présentateur à la télévision, qui a déclaré son soutien pour Fujimori] va revenir à la télévision dans le cadre d’un plan de démolition contre “OH” [Ollanta Humala] Soyez très prudent et soucieux de ce qu’il va arriver par la suite.
Alexis Palomino (@alexispalomino) rapporte:
Gran parte de la riqueza de la fam [familia] #Bayly se basa en las utilidades mineras. Esas q Ollanta promete revisar…#elecciones2011
Une grande partie de la richesse de la famille #Bayly provient des bénéfices de la rente minière. Ollanta a promis de mener une enquête…#elecciones2011
Les blogueurs péruviens ne sont pas objectifs dans les controverses et devant les questions posées ; Mario Ceroni le souligne sur son blog [en espagnol] :
Estoy harto de recibir correos y mensajes en contra de un candidato o candidata. Lo peor que ni siquiera están bien sustentados y tan solo se basan en conjeturas que fácilmente pueden ser rebatidas razonablemente. En vez de ello deberían enviar mensajes a favor de su candidato, exponer y sustentar algunas de esas propuestas.
J’en ai marre de recevoir des courriels et des messages contre tel ou tel candidat. Le pire est qu’aucun des arguments donnés ne sont sérieux, ils ne sont basés que sur de la propagande qui peut être aisément et légitimement réfutée. Ils devraient plutôt envoyer des messages en faveur de leur candidat, proposer et s’en tenir à leur discours.
Selon les sondages sur le scrutin publiés le dimanche 24 avril [en espagnol], un léger écart sépare Humala de Fujimori, qui sont respectivement à 42% et 36%.
Les utilisateurs de Twitter Bryan Gutiérrez (@brgch) et Maria Gracia Pérez (@mariagraciap) interprète le désenchantement qui s’empare de la plupart des Péruviens en commentant :
Ollanta o Keiko, en vez de elegir al mejor elegiremos al menos malo
Ollanta ou Keiko, plutôt que d’élire le meilleur, nous devons choisir le moins mauvais des deux.
Creo que no importa cuánto lea sobre los candidatos, mi voto seguirá siendo un asco el 5 de junio. #elecciones2011
Je ne pense pas que tout ce que l’on peut lire sur les deux candidates soit important ; mon vote sera une nouvelle fois un vote de défiance le 5 juin. #elecciones2011