La forte inflation est un vieux fléau de l'économie argentine. Depuis la crise économique de 1999-2002 et la dévaluation du peso, l'inflation a fait sa réapparition malgré le programme d’inclusion sociale [en espagnol] lancé par la présidente Cristina Fernández de Kirchner lorsqu'elle a succédé à son époux en 2007.
L'inflation est depuis longtemps un sujet de polémique en Argentine. Question politique d'importance, on s'attend qu'elle soit au centre des débats de la campagne présidentielle en octobre prochain.
Selon l'agence nationale de statistiques Indec [en espagnol], l'inflation s'est élevée en mars 2011 pour les biens de consommation à 10.9% par rapport à l'année précédente. Il est cependant couramment admis que l'Indec participe aux efforts du gouvernement pour dissimuler la forte hausse des chiffres de l'inflation. Les estimations indépendantes, y compris celle de l'ancienne directrice de l'Indec Graciela Bevacqua [en espagnol], la donnent entre 25 et 35%.
Sur The Argentine Post [en anglais], le blogueur et contributeur au Wall Street Journal Tao Turner dénonce avec une ironie cinglante le refus du gouvernement de prendre en main le problème de la forte inflation :
Dans tout autre pays, un taux d'inflation de 10% mettrait les clignotants au rouge et ferait paniquer le personnel politique pour trouver le moyen de limiter la hausse des prix. Qui plus est, les responsables gouvernementaux de ces pays utiliseraient le mot “inflation” pour décrire ce qui arrive aux prix. Mais l'Argentine n'a jamais été “tout autre pays” et ses particularités sont parfois si communes qu'elles cessent d'étonner.
Dans le même ton, le blog antigouvernemental BlogBis [en espagnol, comme les liens suivants] propose dix recommandations sarcastiques pour les partisans du gouvernement sur la Toile, dans un billet intitulé ‘Manuel para el Twitero K’ (Manuel pour Twittos pro-Kirchner) :
Algunos conceptos que debe incluir en el tuit que lo convierten en irrefutable:
Si hablan de inflación o pobreza, recuérdele que todo era peor en el 2001.
S'ils parlent d'inflation ou de pauvreté, leur rappeler que tout était pire en 2001.
Plusieurs blogs s'attachent à démontrer que les prix des produits alimentaires et denrées de base ont grimpé depuis l'accès de Mme Kirchner à la présidence. Fernando Satillan du blog 7:50 a Retiro indique comment le prix de la spécialité argentine le sandwich ‘milanesa‘ (à la viande panée) a augmenté en six mois :
A un par de cuadras de la oficina de la Fundación, un buen señor vende sandwiches de milanesa a $10. Hace unos seis meses estaban a $7. A pesar del “milanga management” del gobierno, el sanguche de milanga se me dispersó 43% en 6 meses. Es la inflación, Amado.
Et de citer un commentaire sous un de ses billets, suggérant la création d'un site internet citoyen dédié à l'inflation :
Mi amigo Steven hizo un excelente comentario al post “Dispersión” que publiqué esta mañana: “En la era del celular con cámara, ¿para cuando el sitio www.eslainflacionamado.com.ar con detalles como éste?”
La polémique sur les chiffres de l'inflation enfle, surtoout depuis que les autorités ont infligé des amendes à plusieurs économistes indépendants [en anglais] –tels que Estudio Bein & Asociados, Finsoport, MyS Consultores or GRA Consultoras– pour avoir mis en doute l'inflation officielle. Le gouvernement s'est appuyé sur l'article 9 d'une loi sur les pratiques commerciales déloyales, qui interdit “la présentation, publicité, de propagande, par approximations ou dissimulation, susceptible d'induire en erreur, tromper ou troubler sur … le prix et les conditions de commercialisation de biens, immeubles ou services” à fins de faire taire les économistes dissidents.
Une telle initiative a déclenché de nombreuses réactions indignées sur Twitter et les blogs.
Miguel A. Kiguel (@kiguel) écrit que la loi menace la liberté de parole :
Llegó la multa por decir en los medios q la infación es 25%. Chau libertad de expresión. Sólo se acepta la inflación trucha del INDEC.
Répondant à un tweet posté par le compte Twitter officiel du ministre de l'Economie Armado Boudou, Taos Turner (@taos) écrit :
Ministro, abogados dicen que las multas a economistas violan la constitucion. Que dice usted?
Le blog Perspectivas Critica explique comment le gouvernement réduit le débat sur l'inflation en accusant les journaux de diffuser des chiffres manipulés :
En los sectores K dicen que este es un tema de los medios de comunicación y que a la gente esto no le llega , pero la realidad es que el kilo de pan , por ejemplo, hace 2 años esta $ 5 y ahora está $10.
Les blogueurs pro-Kirchner ont quant à eux un avis complètement différent. Ainsi, le blog Que Venga el día reproduit un article de Raul Dellatorre dans Página12 expliquant à ses lecteurs le mécanisme de formation des prix. Pour Dellatorre, les critiques sur les chiffres de l'inflation empêchent le débat sur l'économie :
Durante años, la oposición ha convertido a la inflación en una muletilla para atacar la política económica del Gobierno… La reacción opositora, lejos de recoger el guante y abrir la discusión, optó por la salida más simplista: insistir en que el Gobierno sigue “negando la inflación”.
Sur leur blog INDEC que trabaja, les agents de l'INDEC défendent leurs méthodes de calcul, avec à l'appui les prévisions du Fonds Monétaire International pour 2011 :
La verdad … es que la inflación es un invento mediático que intentan constantemente trasladarlo a la vida real. ¿Se acuerdan del “tomate a $18″ o de “la papa más cara que en París” que titulaba TeleNoche? Bueno, la inflación de la economía está mucho más cerca de las estadísticas del INDEC (similares a las del FMI) que a las mentiras sin un mínimo de rigor científico que muestra Clarin.