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Brésil : Un rapport dénonce les pratiques de l'industrie des agrocarburants

Catégories: Amérique latine, Brésil, Economie et entreprises, Environnement, Médias citoyens, Travail

Ce billet fait partie du dossier spécial consacré aux Peuples Indigènes [1].

Les agrocarburants ont été reconnus comme le meilleur moyen de sortir de la lutte mondiale pour les ressources énergétiques. Ils ont aussi été considérés comme une alternative “verte”, capable de contribuer à la réduction des émissions de carbone. Réalisée en mai dernier par l'ONG Reporter Brasil, une étude [2] [en portugais] de la filière de production de l’éthanol au Brésil révèle toutefois que les agrocarburants peuvent avoir des coûts sociaux et environnementaux très importants :

O estudo relata as irregularidades socioambientais, bem como os destinos das exportações, de grupos como Cosan (Join-venture with Shell), Greenergy International, São Martinho, Louis Dreyfus Commodities, Carlos Lyra, Copertrading, Moema/ Bunge e Noble. Há casos de trabalho escravo, excesso de jornada de trabalho, falta de registro em carteira, despejo irregular de resíduos, queimadas não permitidas e uso de terra indígena para produção de cana.

L'étude rapporte des pratiques sociales et environnementales irrégulières de la part de groupes tels que Cosan (associé à Shell en entreprise mixte), Greenergy International, São Martinho, Louis Dreyfus Commodities, Carlos Lyra, Copertrading, Moema/ Bunge e Noble. On enregistre des cas d'horaires excessifs, de travail non déclaré, de travail esclave, de rejets de déchets illégaux, de brûlis sauvage et d'exploitation de terres indigènes pour la production de canne à sucre.
[3]

Le coût social de lexpansion des bio-carburants brésiliens : la communauté indienne des Guarani Kaoiwa de Laranjeira Nhanderu a été chassée de ses terres il y a 14 mois pour faire place à de nouvelles plantations de canne à sucre. Photo Annabel Symington, copyright Demotix (21/10/10).

Travail dégradant, environnement dégradé

Selon Reporter Brasil, des données fournies par l'organisation Comissão Pastoral da Terra [4] (Commission Pastorale de la Terre) [en portugais] révèlent que parmi les travailleurs esclaves libérés entre 2003 et 2010 au Brésil, 10.010 travaillaient dans des plantations de canne à sucre. Disponible en anglais [5] et en portugais, l'étude n'ignore pas les efforts du gouvernement fédéral et de l'Union des Industries de la Canne à Sucre (UNICA) sur les questions socio-environnementales, mais elle constate qu'aucune mesure n'a su empêcher des compagnies pourtant connues pour leurs pratiques illégales d'exporter de l'éthanol.

[5]

Les exploitations bovines et les plantations de canne à sucre représentent ensemble 59% des cas d'esclavage au Brésil entre 2003 et 2010. Rapport Reporter Brasil en anglais/pp.5

Le blog officiel de la Fondation de l'Université Ibéro-Américaine (FUNIBER) signale [6] [en portugais] que :

Se a intenção era obter combustíveis mais limpos, então estamos cometendo erros em algum ponto da cadeia de produção, porque no processo estão recorrendo à derrubada e queimada de florestas para ganhar terreno para o monocultivo de variedades que possam ser exploradas na indústria de biocombustíveis. O corte e a queima aumenta as emissões de CO2, inclusive em maior quantidade que o produzido pelos automóveis.

Si l'intention est d'obtenir des carburants plus propres, alors il faut bien dire que nous nous égarons au cours de la chaîne de production en recourant à la destruction et au brûlement des forêts pour dégager de nouveaux terrains destinés à accueillir les monocultures de variétés exploitables par l'industrie des agrocarburants. Le défrichage et le brûlis augmentent les émissions de CO2, à un niveau même plus important que les émissions automobiles.

La filière des agrocarburants soulève encore d'autres inquiétudes, telles que son impact sur la qualité de l'eau [7] et l'obstacle qu'elle constitue pour une réforme agraire qu'il reste encore à accomplir. L'article “Monopólio da Terra e os Direitos Humanos no Brasil [8]” (Monopole de la terre et droits humains au Brésil) [en portugais] écrit par la directrice du Network for Social Justice and Human Rights, Maria Luisa Mendonça, rappelle que :

[9]

La plupart des plantations de canne à sucre du Brésil sont situées dans l'Etat de São Paulo où 60% de la récolte est mécanisée. Ce qui n'a pour autant pas fait cesser le brûlis avant récolte. Flickr: Royal Olive (CC BY-NC-ND 2.0).

(…) Segundo um estudo da National Academies Press a qualidade da água subterrânea, dos rios, do litoral e das nascentes pode ser impactada pelo crescente uso de fertilizantes e pesticidas usados nos agrocombustíveis. (…)

O governo elegeu o Cerrado como prioritário para a expansão das lavouras de cana para a produção de etanol. O cerrado é conhecido como “pai das águas”, pois abastece as principais bacias hidrográficas do país. Essa região apresenta uma topografia favorável, com terras planas, de boa qualidade, e farto potencial hídrico, além de abrigar cerca de 160 mil espécies de plantas e animais, muitas ameaçadas de extinção. O avanço do monocultivo de cana e soja ameaça este bioma, que pode desaparecer completamente em alguns anos, caso se mantenha o atual ritmo de destruição, causando a morte de alguns dos principais rios do país.

(…) Selon une étude de la National Academies Press, la qualité des eaux souterraines, des rivières et du littoral pourrait être affectée par l'utilisation croissante d'engrais et de pesticides dans la filière des agrocarburants. (…) Le gouvernement a choisi le Cerrado [10] comme région d'expansion des cultures de canne à sucre destinées à la production d'éthanol. Le Cerrado est connu comme le “père des eaux” car il alimente les principaux bassins hydrologiques du pays. Cette région possède une topographie avantageuse, avec des terres planes de bonne qualité et un fort potentiel hydrologique. Elle abrite aussi plus de 160.000 espèces de plantes et d'animaux, dont beaucoup sont menacées d'extinction. La progression des monocultures de canne à sucre et de soja représente un danger pour ce biome qui pourrait disparaître en quelques années si le rythme actuel de destruction devait se maintenir, entraînant la disparition de quelques uns des principaux fleuves du pays.

Quel futur pour la terre ?

Felipe Amin Filomeno, déclare sur le blog Outras Palavras (Autres Mots) que “le Brésil et le Mercosul ont commencé à se battre pour leurs terres” [11] [en portugais] et soutient que la ruée vers la terre due à la “fièvre” des agrocarburants au Brésil et dans d'autres pays dits en développement, a tiré les prix des terrains vers le haut, créant ainsi un autre problème : la disparition de petites fermes familiales :

(…) enquanto estrangeiros compram terra que, na maior parte das vezes, será usada para monoculturas de exportação, muitos cidadãos nacionais (incluindo comunidades indígenas) ainda demandam acesso à terra como meio de subsistência familiar. (…)

Entretanto, não são apenas os pequenos produtores rurais de países latino-americanos e africanos a enfrentar problemas decorrentes da onda mundial de aquisição de terras. Na medida em que a indústria de biocombustíveis se expande, a terra para produção de soja e cana-de-açúcar fica mais disputada. Grandes produtores de soja no Brasil, por exemplo, ao mesmo tempo em que veem o valor de suas propriedades aumentar, também veem seus custos crescerem, especialmente aqueles que arrendam terras para produzir. Terão que disputar com estrangeiros um recurso nacional.

Tandis que des étrangers achètent de la terre qui, dans la plupart des cas, sera utilisée pour des monocultures d'exportation, de nombreux citoyens locaux (y compris des communautés indigènes) ont toujours besoin d'un accès à la terre pour pourvoir à leur subsistance. (…)Les petits fermiers ne sont toutefois pas les seuls en Amérique Latine et en Afrique à devoir faire face aux problèmes soulevés par cette vague d'achat de terrains. Avec la croissance de l'industrie des agrocarburants, les conflits autour de la terre pour la production de soja et de canne à sucre se multiplient. Les gros producteurs brésiliens de soja, par exemple, tout en voyant la valeur de leurs propriétés augmenter, voient aussi grossir leurs dépenses, surtout ceux qui louent les terrains qu'ils exploitent. Ils doivent maintenant disputer aux étrangers une ressource nationale.