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Norvège : Sur les traces numériques du responsable d'un massacre

Catégories: Europe de l'ouest, Norvège, Dernière Heure, Ethnicité et racisme, Idées, Média et journalisme, Médias citoyens
An Oslo street after the explosion [1]

Une rue d’Oslo au lendemain de l'explosion. Photo de Francesco Rivetti, 23 juillet 2011, partagée sur Flickr (CC-BY-NC-SA)

[Liens en anglais, sauf indication contraire]

Vendredi 22 juillet 2011, 15 h 26, une explosion retentit au centre d’Oslo, tuant sept personnes et causant d’importants dégâts à plusieurs bâtiments gouvernementaux. L’horreur se poursuit quelques heures plus tard, lorsqu'un individu, se faisant passer pour un policier, ouvre le feu sur des jeunes du Parti travailliste [2], rassemblés sur l’île d’Utøya [3] où le forcené abat au moins 85 personnes avant d'être apréhendé par la police. Celle-ci identifie rapidement le Norvégien de 32 ans : il s'agit d’Anders Behring Breivik [4].

La page Facebook [5] du suspect (désormais désactivée) ainsi que l’unique message [6] publié sur son compte Twitter le 17 juillet sont très vite découverts. En Norvège comme à l'étranger, blogueurs et journalistes cherchent toute trace laissée en ligne par le meurtrier qui permettrait d’apporter des éléments de réponse suite à cette terrible tragédie.

À la recherche d'indices sur les motifs

Samedi, un blogueur du nom de Kevin Slaughter (@kevinslaughter [7]) résidant aux États-Unis, a découvert un manifeste de 1 514 pages [8] et une vidéo [9] de 12 minutes dont Anders Behring Breivik semble être l'auteur, publiés en anglais sous le nom d'Andrew Berwick.

Le document est constitué de diatribes anti-marxistes et contre  l’islamisation de l’Europe. Il offre aussi des conseils à de futurs terroristes. Les médias norvégiens ont confirmé [10] que le texte et la vidéo avaient été mis en ligne par Anders Breivik le jour même des attaques.

Si la lecture de ce document n’est pas particulièrement recommandable ni édifiante, les discussions en ligne sur  l’identité du tueur, qui suscite une grande curiosité, se sont multipliées.

Sur Twitter, les références au manifeste sont identifiables à l’aide du mot-clé #N2083 [11] en référence à son titre « 2083 : Une déclaration d’indépendance européenne »

Blake Hounshell (@blakehounshell [12]), rédacteur en chef du magazine Foreign Policy [13] a publié des tweets présentant le contenu du manifeste qu'il a lu samedi.

@blakehounshell [14] : L’auteur reconnaît qu’« être un chevalier justicier n’est pas donné à tout le monde ».

@blakehounshell [15] : « Offrez une apparence politiquement correcte ou du moins modérée. Habillez-vous de manière normale. Tentez de limiter vos activités réthoriques. Évitez de publier de manière excessive sur les forums. »

@blakehoundshell [16] : L’auteur recommande de raconter à vos amis/collègues/famille que vous avez commencé à jouer à, disons, World of Warcraft et que vous voulez vous centrez là-dessus.

Ignorant ses propres conseils, Anders Breivik donne son opinion sur divers forums en ligne, y compris sur le site Documents.no de la droite norvégienne dénonçant l’immigration musulmane. Ces commentaires publiés entre 2009 et 2010 [17], en norvégien, sont traduits en anglais [18] sur le blog de Doug Saunders (@DougSaunders [19]), responsable du bureau européen du journal canadien The Globe and Mail.

Dimanche, le fondateur du site Document.no, Hans Rustad, [20] a révélé que le manifeste rédigé par le suspect contenait des paragraphes entier plagiés [21] [en norvégien] d'un autre manifeste dont l’auteur est Ted Kaczynski [22], connu comme le Unabomber. Entre 1978 et 1995, Ted Kaczynski avait envoyé une douzaine de colis piégés à des universités et des compagnies aériennes, faisant trois morts. Anders Breivik s’est contenté de changer « gauchiste » par « marxiste culturel » en copiant les textes de Ted Kaczynski. Hans Rustad explique que cette découverte provient d'une source anonyme ayant « étudié le manifeste toute une nuit » et « remarqué par hasard les similitudes ». En réponse à l’intérêt suscité chez les médias, les responsables du site Document.no se sont distancés [23] [en norvégien] d’Anders Breivik, soulignant des critiques personnelles à l'encontre de Hans Rustad contenues dans le manifeste et le fait que son auteur partageait aussi ses opinions sur d'autres forums en ligne, tels que Minerva [24] [en norvégien] ou encore le site néo-nazi suédois Nordisk.nu [25] [en suédois].

Des messages d’Anders Breivik apparaissent également sur le forum Eu.Battle.Net, destinés aux adeptes de jeux vidéo en ligne, où les joueurs de World of Warcraft [26] et d’autres jeux multi-joueurs discutent de questions liées à leur passion. Dans un fil de discussion intitulé « Le tueur était un joueur de World of Warcraft ? [27]» les membres du forum parlent de leurs possibles interactions avec le suspect et du fait qu’il est probable que son passé de joueur donne lieu à des opinions négatives concernant les jeux vidéos dans les médias.

Sur The Lede, blog du New York Time, Robert Mackey a publiés divers liens vers des pistes numériques [28] relatives aux motifs de l’auteur présumé des attaques et des vidéos citoyennes présentant les dégâts dans les rues d’Oslo [29].

[NDT: Nous vous invitons à lire le témoignage [30] de Prableen Kaur,  l’une des jeunes rescapés d’Utøya, du même auteur]