Festival des blogs – Mexique (3): La société mexicaine est-elle violente par nature?

[Liens en espagnol sauf mention contraire] Dans ce troisième volet du résumé du Festival des blogs: Mexique – Citoyenneté, violence et blogs, nous présentons les billets participants qui réfléchissent à cette question: “la société mexicaine est-elle violente par nature?” Pour ce faire, il faut parler de la violence en tant que phénomène aux multiples manifestations (depuis l'affrontement direct jusqu'aux manifestations verbales), et poser par ailleurs le fait que lesdites manifestations sont influencées par toute une structure culturelle. Ainsi, qui déclare quelles sont les variables objectives pour mesurer le degré d'assimilation de la violence d'une société ? Peut-être faut-il examiner la perte de capacité à dénoncer, lorsque pour surprendre ou stupéfier, l'information doit concerner des centaines d'assassinés et non un seul.

D'un autre côté, il semblerait exister – dans cette structure culturelle auparavant mentionnée – une  “fascination” pour les auteurs de violences. Il s'agit presque d'un jeu dans lequel on finit par les excuser, dans un contexte où les organes gouvernementaux ne jouissent plus d'autant de crédibilité. Nous incluons aussi dans ce volet les participations qui enquêtent sur l'influence  (ou l'absence) de la violence ou la montrent dans les diverses expressions de l'art populaire contemporain mexicain.

Construyamos la paz con justicia. Del usuario de Flickr Indira.cornelio http://www.flickr.com/photos/47667051@N02/5705165226/in/set-72157627297986574/ Usada con permiso del autor.

Construisons la paix avec la justice. Sur Flickr par Indira.cornelio http://www.flickr.com/photos/47667051@N02/5705165226/in/set-72157627297986574/ Avec la permission de l'auteur.

La société mexicaine est-elle violente par nature?

On parle beaucoup du fait que la société mexicaine est  en elle-même violente. Juan Ramón Anaya Moreno du blog deutschlango, semble être d'une certaine manière d'accord dans la mesure où il a intitulé son billet Mexique, un mouvement armé tous les 100 ans :

Chaque fois que je lis des informations se rapportant aux assassinats, lesquels résultent de la croisade contre le narcotrafic entreprise par notre Felipe “coeur de ” Calderón, je ne peux m'ôter de la tête cette thèse à savoir que tout n'a été qu'erreur et que l'on s'est simplement sali les mains, et qu'en outre maintenant, nous, tous les Mexicains et même ses proches (rappelons-nous  l’ “accident” de  Muriño, secrétaire du Gouvernement) sommes en train de payer. Peut-être est-ce une fatalité de notre Histoire car à chaque siècle éclate un mouvement armé : l'indépendance de 1810, la révolution de 1910 et maintenant la bataille de Calderón depuis 2010.

Ariel Martínez Flores du blog Amblalluna attire notre attention  sur un autre fléau de la société mexicaine qui se trouve être vraiment aussi à la racine de la violence : la corruption.

Il y a eu un candidat à la Présidence de la République qui a inventé cette phrase  “Nous sommes tous la solution” , mais le Mexicain ordinaire, l'homme de la rue disait en plaisantant et de manière spirituelle: “nous sommes tous la corruption”. Cette généralisation du phénomène est devenu un terrain fertile pour l'accroissement des grands cartels de production et de distribution de stupéfiants, cartels qui,  à l'ombre de la corruption et de sa conséquente impunité, se sont toujours davantage développés, protégés par des fonctionnaires de tous niveaux et de toutes les régions de l'Etat, jusqu'au moment où ce même Etat s'est trouvé en grand danger : celui de perdre le contrôle du pays et il n'a pas eu d'autre alternative que d'essayer de freiner ses associés qui menaçaient de garder tout le commerce.

De fait, Rosalía Guerrero du blog enluranada fait allusion à cet aspect, à partir de détails de la vie quotidienne comme la piraterie et la délinquance:

Je ne sais pas pas ce qu'il en est pour vous, mais moi je ne veux pas financer la délinquance, car la piraterie de nos jours est une grande industrie où ceux qui sont derrière ne sont pas les vendeurs qui reçoivent 10 pesos par disque mais la délinquance organisée, laquelle emploie cet argent non seulement pour fabriquer plus de disques mais pour obtenir plus d'armes, de balles et pour produire de la drogue. Voici le point de réflexion de cette rubrique : voulez-vous financer les délinquants ? Par conséquent: jusqu'à quand continuerons-nous à justifier nos mauvaises actions?

Il est est un qui n'est pas d'accord avec la thèse d'un Mexique intrinsèquement violent, il s'agit de Ian Keller du blog Tlacotzontli. Celui-ci dit qu'on ne peut juger des faits passés à l'aune de la norme actuelle, et que la violence n'est pas une question de nationalité.

Ceci est un problème qui concerne l'humanité, sans considération des différences de foi, de nationalité, de sexe ou de préférences et un seul exemple suffit à l'illustrer. Vous rappelez-vous l'attaque en Norvège, un pays développé qu'habitent les gens les plus civilisés ? Un gars avec de graves problèmes mentaux a fait son apparition dans ce pays en dépit de ses plus hautes valeurs sociales. Je crois que l'unique manière d'éradiquer cette violence c'est d'enseigner les valeurs à nos enfants, […] je parle de ces valeurs qui nous font craindre Dieu, de cette crainte qui inculque le respect et vous oblige à faire le bien par conviction propre ; de faire le bien et d'éviter le mal; d'aimer les autres et de les traiter comme nous aimerions être traités. Le monde serait différent si en vérité nous travaillions à nous débarrasser de tout ce mal que nous voyons aux actualités, dans les films et dans les romans mexicains.

Mayo 8 marcho por la paz. Del facebook de Indira Cornelio, con su permiso.

Marche du 9 mai pour la paix. De la page facebook d'Indira Cornelio, avec sa permission.

Art, littérature et musique

Enrique Figueroa Anaya de Asfalto Tecnicolor et que nous avons déjà eu l'occasion de citer, a posté un récit pour le Festival intitulé La Pasarela, sur le thème des femmes touchées par la violence, parfois de manière indirecte. Et puisque nous parlons de création littéraire, Ernesto Priego a publié dans #SinLugar un texte sur la poésie et la violence, dans lequel, outre qu'il nous offre des commentaires sur l'impact qu'a eu la violence sur son processus d'écriture, mène cette réflexion:

Le Mexique souffre de différents sortes de violence, lesquelles vont des plus “subtiles” ou transparentes et c'est d'ailleurs pourquoi elles ne sont pas toujours remarquées  parce qu'idéologiques, exprimées dans des pratiques et des habitudes culturelles, des usages linguistiques, etc.) aux plus directes (féminicide permanent, guerre contre les stupéfiants, crimes et insécurité urbaine,  etc.).

Les expressions artistiques et  la littérature permettent de raconter les faits violents vécus, de les dénoncer, voire sont même des formes de résistance. Jorge Téllez dans #SinLugar nous parle de Las palabras de la violencia/les mots de la violence , et des initiatives qui essaient de montrer, via la poésie et la photographie, les choses telles qu'elles sont:

Au Mexique on dit qu’ “il y en a ras le bol” de presque tout ce qui nous importune. Nous en avons ras le bol de la pollution, des mauvaises passes, de la circulation, de la sélection, de la politique, de la corruption, […] La campagne Alguien tenía que decirlo/”Quelqu'un devait le dire” en est un clair exemple . Son but est d'informer  par la photographie des irrégularités que vivent quotidiennement les habitants de la ville de Mexico, via la dénomination de chaque problème précédé du mot “putain” : Putain de moment, putain de circulation, […] putain de violence. […] Oui, d'accord: putain de drogues, putain de narcotrafic, […] mais aucun de ces mots ne dépasse l'expression de notre indignation. C'est la raison pour laquelle des initiatives comme celle de 100 mil poetas por el cambio/”Cent mille poètes pour amener le changement” émergent en cette année 2011: pour donner au mot une nouvelle valeur et lui rendre sa connotation perdue.

Revenons à Enrique Figueroa qui collabore à l'aspect des photos dans deux billets. Dans le premier intitulé Interferencia/”Interférence” il prend une photo d’Alejandro Briseño, laquelle donne à voir des croix érigées en mémoire des victimes de féminicide dans la ville et qui contrastent avec la propagande politique. Dans le second intitulé Silencio incómodo/”Silence inconfortable”, la photo est celle de Jorge Alberto Mendoza et  Enrique nous explique la raison de son titre:

(cette) image  m'a paru représentative de ce qu'on vit en beaucoup d'endroits du Mexique. Je l'ai appelée  ‘Silencio incómodo’ parce qu'il ne me vient à l'esprit aucune autre manière d'exprimer ce que nous ressentons lorsque nous voyons, écoutons ou lisons un quelconque fait violent ébranlant notre pays.

Pour changer de genre artistique, Ernesto Priego nous parle aussi, et longuement, de la présence dans la bande dessinée du thème de la violence au Mexique, et, paradoxalement, du El silencio del cómic/”Silence de la BD” [mexicano].

En tant que lecteur de BD, je défendrai toujours le pouvoir qu'a ce média de raconter tout type d'histoires, mais en tant que Mexicain, cela m'inquiète que jusqu'à présent seule la vision étrangère et celle du monde développé soient celles qui déterminent les discours sur la violence mexicaine. […] Les Français obtiennent des bourses pour publier un beau livre sur Juárez, mais les Mexicains de Juárez veulent publier aux Etats-Unis, faire des films et vendre des personnages d'actions. […] La seule exception que je connaisse à ce grand vide narratif en matière de bande dessinée sur la violence au Mexique c'est le travail d'Édgar Clément.

En ce qui concerne la musique, Enrique Figueroa a réalisé une sélection de thèmes du groupe Los Tigres del Norte/Les Tigres du Nord, un groupe de musique mexicain dont les paroles des chansons ont habituellement un important contenu social. Enrique nous dit qu'il doit son choix à ce qu'est la musique:

une musique qui accompagne les Mexicains expulsés, ceux  d'entre nous, comme le disent si bien les Tigres del Norte, “qui, tandis que les riches partent à l'étranger pour cacher leur argent et se promener en Europe,  sont des immigrés clandestins et envoient ce qu'ils gagnent presque totalement à ceux qui restent là”.

Enrique contine aussi avec le cinéma.  Dans son billet Los Invisibles/”Les Invisibles”, il nous parle d’ un documentaire récemment primé du même nom qu'il met en lien et qui traite du thème des migrants mexicains.

Note de l'éditeur: Pour des raisons de longueur ainsi que pour faciliter la lecture, nous avons décidé de publier l'habituel billet de résumé du Festival en plusieurs parties. Voici la première et la seconde, celle-ci est la troisième et nous publierons demain la quatrième.

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