A voir l'actualité mexicaine, on ne peut nier les conséquences historiques que la violence a suscitées, l'interrogation clé étant : Comment l'éviter? Les discours les plus forts sur la non-violence ont été ceux de personnalités connues comme Gandhi et Martin Luther King ; pour eux, nous sommes invités à ne pas utiliser de moyens violents pour protester ou pour répondre à cette violence. Cet exemple implique un choix de vie et des années de travail. C'est pourquoi dans ce cinquième volet du Festival des blogs mexicains : Mexique – Citoyenneté, violence et blogs, nous allons plutôt nous intéresser, à partir des réflexions des blogueurs qui ont participé, non à ces grandes philosophies sur la non-violence, mais à des actions plus immédiates, comme les débats locaux (dans ce cas présent, ceux du Mexique) ou des décisions gouvernementales.
Y-a-t-il une solution à cette violence ?
Ou pour le formuler autrement, que fait-on pour arrêter la violence ? Juan Tadeo par exemple, commente l'intégralité de la proposition présentée récemment par l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM) sur la sécurité, un document qui reconnaît la gravité de la situation que nous vivons au Mexique et qui identifie point par point les problèmes que représentent les politiques publiques actuelles en matière de sécurité. Juan conclut :
J'accepte le fait que le document en question ne représente pas un “remède miracle” ni la solution à tous les problèmes du pays en matière d'insécurité, cependant, il ne fait aucun doute pour moi que c'est par le biais de propositions similaires, en provenance de tous les secteurs de la société civile, que l'on pourra combattre les problèmes qui frappent le Mexique. Il nous reste un challenge : celui d'analyser en détail et de manière exhaustive la proposition en question, de la diffuser, de la remettre en question et de l'enrichir pour exiger ensuite de nos représentants (les législateurs) qu'ils se mettent au travail et nous démontrent si leur loyauté et leur engagement vont au Mexique ou à leurs intérêts personnels et à leur parti.
Omar Rábago Vital et Lucía Vergara publient dans le blog Altoparlante d’ Animal Político, l'article 19, un billet où ils analysent le discours contre la violence de l'actuel président mexicain Felipe Calderón. Ils résument leurs impressions sur le sujet :
La violence est une réalité au Mexique. Les chiffres officiels et les témoignages des victimes ne mentent pas. On ne peut permettre que, sous un discours de sécurité nationale, l'on continue à violer les droits fondamentaux. Il n'y a pas de sécurité nationale sans respect des droits de l'Homme. La stratégie du Gouvernement fédéral pour légitimer sa guerre contre le crime organisé et le discours qu'a utilisé le Président Felipe Calderón en diverses occasions sont en contradiction. C'est une obligation pour les gouvernements d'informer les citoyens des actions et des stratégies mises en œuvre. Un discours qui essaie de dissimuler les violations des droits de l'Homme et de refléter une fausse réalité n'aide pas à la construction démocratique d'un pays.
Epriani dans #SinLugar aborde brièvement dans son billet El acuerdo del que nadie se acuerda (L'accord sur lequel personne ne s'accorde) ce même thème des politiques de sécurité du gouvernement :
Presque six mois ont passé depuis la signature de l’Accord sur l'information sur la violence promu dans le cadre du projet Initiative Mexique. Jusqu'à maintenant, l'accord ne reste qu'un coup médiatique, une pure idée politique sans conséquences. L’observatoire des médias, créé dans le cadre de cet accord, n'a publié aucun résultat (il aurait dû le faire au bout de trois mois). Le site internet ne rapporte aucune activité depuis la diffusion de l'accord . Les médias continuent à agir exactement de la même manière qu'avant l'accord.
Sofía López Olalde du blog En busca de ciudades sustentables (En quête de villes durables), commente les récentes statistiques publiées, qui démentent le discours officiel triomphaliste et indiquent que le Mexique est plus pauvre et plus violent.
Le gouvernement ferait mieux de recommencer en vérité à voir, à lire et à écouter les citoyens, qui non seulement se plaignent mais qui à présent proposent des changements de fond, des réformes politiques et structurelles, des stratégies pour protéger la population toute entière et qui émeuvent aujourd'hui les consciences par des mots chargés de vérité. Ou du moins que le Gouvernement fédéral cesse d'enrichir les télévisions en payant des sommes d'argent astronomiques pour que soient diffusées des publicités faisant la promotion de son bon travail ; publicités qui assurent qu'au Mexique l'on peut aujourd'hui “vivre mieux”, que “dans le Michoacán, tout va très bien” et que “le Gouvernement fédéral travaille à votre sécurité”. Ça suffit maintenant de continuer à défendre l'indéfendable !
Alejandro Galicia parle sur son blog Uno en la Red de ces “citoyens violentés” en analysant la forme de la démocratie et de la société du Mexique et l'utilisation (ou la mauvaise utilisation) de la violence par l'État :
La société mexicaine n'est pas violente en elle-même, elle a été violentée tant par des carences que par le type de réponse de l'État à la violence. Cette violence est née de facteurs structurels ou de besoins comblés ou non satisfaits. D'abord, le Mexique traîne des problèmes de pauvreté structurelle qui paralysent la croissance économique, mais surtout, des problèmes de distribution de la richesse, […] ce qui a conduit à une concentration de la richesse entre peu de mains […] En second lieu, il a créé un système politique parasitaire qui gèle toute initiative de changement structurel au sein du système politique lui-même, et ce sont bien ces mêmes dirigeants qui soutiennent l'actuel système de corruption […] d'où l'urgence d'une vraie réforme politique, à laquelle tous les partis ont adhéré mais sans indiquer quelle réforme et quand. Cette apathie et ces retards sont manifestes alors que nous sommes à un an de nouvelles élections(en 2012). De là, le manque d'un réel intérêt pour mener la dite réforme.
Enrique nous offre deux brefs billets avec des exemples d'initiatives citoyennes. Le premier , celle du Père Alejandro Solalinde, et le second, le site du Mouvement pour la Paix . Il nous explique par ailleurs l'importance de l'expression citoyenne qu'a été la mobilisation pour la Marcha por la Paz/Marche pour la paix (ou Marcha Nacional/Marche nationale ) impulsée par le poète Javier Sicilia dans ce billet :
Dans la discussion sur le mouvement mené par Sicilia, on peut trouver de nombreuses opinions exprimées. Bien qu'il y en ait eu d'autres avant, il est certain qu'en cette occasion c'est l'importante aura de Sicilia qui a donné voix et visage aux morts et aux blessés. […] J'ai lu quelque part que quelqu'un avait demandé ironiquement : “Où Sicilia se trouvait-il durant quatre ans et demi pour que l'insécurité n'ait pas atteint son pouvoir personnel ?”J'ai répondu : dans le même endroit où ont été tous ceux d'entre nous qui avons eu la chance de ne pas être touchés… […] Il est évident que la distance et l'indifférence qui existent entre nous empêchent que ce slogan (‘Nous sommes tous Juárez’) soit vrai. C'est là, maintenant, que la mobilisation lancée par Sicilia révèle l'importance qu'elle a eu. Il nous a reliés, de manière très douloureuse, à la souffrance des autres ; parce que nous n'en sommes pas exempts, comme probablement le poète devait le penser avant la mort douloureuse de son fils.
Je conclue ce résumé des billets de blogs qui ont participé à ce festival des blogs mexicains par un autre billet du prolifique blogueur Enrique Figueroa, cette fois sur l'espérance , la passivité ou l'action que nous pouvons choisir pour assumer les choses. Un bon thème pour conclure.
L'espérance doit nous servir de moteur pour ce que nous voulons obtenir, pas de simples désirs ardents, mais nous fuyons lorsque c'est à nous d'agir et de prendre le taureau par les cornes. […] Ceci arrive par exemple lorsque nous abordons le thème toujours difficile de la violence au Mexique. Tout ne prendra pas fin avec un changement de président car bien que sa stratégie soit équivoque (la meilleure preuve en est le nombre de morts accumulés) […] il y a aussi beaucoup de maux que nous traînons depuis de nombreuses années. […] Nous pouvons espérer, espérer que nos actions aient de l'effet, ou simplement espérer, encore espérer sans que rien ne change…
Nous sommes très reconnaissants à tous ceux qui ont décidé de participer à ce Festival des blogs, en consacrant peut-être moins de temps à d'autres activités (pour quelque chose qui est né si loin du Mexique, ça n'a pas été si mal) ; à ceux aussi qui nous ont aidés dans sa diffusion. Parmi ceux-ci, je veux mentionner en particulier Pepe Flores de Vivir México pour les interviews dans le blog, qui nous ont permis d'atteindre plus de personnes, Ernesto Priego de #SinLugar pour la diffusion de ceux-ci (et sa participation aussi ) et Mujeres Construyendo qui ont aussi décidé de relayer le festival de blogs ; les twitteurs également qui ont retwitté notre appel ainsi que les billets des blogueurs participants, à mesure qu'ils étaient publiés, particulièrement @rabanovengador et @ernestopriego. Ce dernier a rendu possible le fait que le mot-clic (ou hashtag) #vocesmx demeure actif.
Merci à vous tous !
Par ailleurs, toute notre reconnaissance à Adriana Gutiérrez, Cati Restrepo, Indira Cornelio et Soraya Sacaan, de l'équipe Global Voices Espagnol, qui ont mis du leur pour que tout aille bien durant cette édition du Festival des blogs. Mais je remercie surtout d'avance tous ceux qui prendront de leur temps pour lire ce billet et chacun des blogs mis en lien, pour qu'ils puissent prendre connaissance de blogs très divers, qui offrent tous des opinions sincères et remarquables sur la violence. Je vous recommande vraiment de tous les visiter car ils sont une manifestation de la blogosphère mexicaine actuelle. Au prochain festival !