Ce billet fait partie du dossier spécial de Global Voices sur la contestation au Maroc 2011.
Les arrestations de militants pro-démocratie et de cyber-activistes se sont soudain multipliées au Maroc ces derniers jours. Il y en a eu trois rien que la semaine dernière. La presse n'en a guère parlé et il a fallu que les blogueurs les annoncent pour que les médias traditionnels du Maroc s'en fassent l'écho.
Un cyber-activiste anti-corruption
La première arrestation est intervenue lundi quand les autorités de Fnidaq, une ville du nord du Maroc, ont appréhendé le blogueur et militant anti-corruption Mohamed Douas, fondateur d'un site internet collectif d'information du nom de Fnidaq Online.
Son arrestation, d'après ses amis et sympathisants, pourrait être en rapport avec un groupe Facebook, Wikileaks Fnidaq, qu'il a créé et où il publiait des documents censés mettre au jour la corruption de l'administration locale. Mohamed Douas a été accusé de trafic de drogue, une incrimination sans fondement pour un groupe de blogueurs et de cyber-activistes.
Hamid Salim, écrivant sur Young Immigrants dit que la procédure judiciaire est biaisée et repose sur des motivations politiques. Il explique [en arabe] :
التهمة ملفقة والملف مفبرك، مرجحا أن يكون السبب الحقيقي لاعتقال المدون محمد دواس في هذا الوقت بالذات، هو مناهضته للفساد وكشف تورط عدد من المسؤولين في المنطقة في قضايا فساد ومخدرات.
Un groupe de sympathisants s'est rassemblé devant le tribunal où Mohamed Douas a été présenté jeudi à un juge. Dans la vidéo ci-dessous (de Reporters sans limites) [en arabe], des blogueurs et militants expriment leur soutien à M. Douas. Ils décrivent la procédure comme injuste :
http://www.youtube.com/watch?v=GWAE7_oLItM&feature=player_embedded
Le rappeur
Un autre activiste, le rappeur Moad Belghouat, alias Haked (en arabe, le Vindicatif ou l'Indigné) a été arrêté vendredi sur l'inculpation d'agression contre un manifestant pro-régime. Moad est un membre actif du mouvement de jeunesse marocain pro-démocratie connu sous le nom de 20 février.
Les mots de soutien à Moad abondent sur Twitter et Facebook. Le blogueur Ghassan Wail écrit [en anglais] :
Le mouvement du 20 février est un mouvement de protestation dans l'esprit du “printemps arabe” et lutte depuis sept mois pour plus de démocratie, de liberté, de dignité et de justice sociale. Haked est l'un des artistes hautement investi dans ce mouvement. Les paroles de ses chansons sont notoirement sans détour et critiques du régime marocain. Il dénonce la corruption, le clientélisme, l'oligarchie de quelques familles au Maroc et la richesse excessive de la monarchie.
Libérez Moad Haked.
Le comité de soutien de Moad Haked compte plus d'un millier de membres sur Facebook.
Dimanche les militants ont défilé en solidarité avec Moad Haked vêtus de t-shirts arborant la phrase “Libérez Haked ou arrêtez-nous tous.”
Les sympathisants de Moad ont publié cette vidéo [en arabe] de personnes brandissant une pancarte qui appelle à relâcher le rappeur :
Le poète
Samedi, le poète et satiriste politique Younes Belmalha, connu sous le pseudonyme Inkicharia, aurait mis en garde à vue. Il s'est rendu célèbre par ses vidéos humoristiques et irrévérencieuses pour la plupart critiques du régime. Sitôt après la nouvelle de l'arrestation, des internautes ont rapporté que la chaîne YouTube de Younes a été vidée de ses vidéos. On ignore encore les motifs de l'arrestation de Younes et si ses vidéos ont été effacées par l'intervention d'une tierce personne.
On trouvera ci-après une vidéo [en arabe] de Younes récitant un de ses poèmes. Il y déplore le népotisme et la corruption dans la société marocaine. La vidéo est hébergée par M20FevBel sur YouTube :
http://www.youtube.com/watch?v=CqiCM497WuQ&feature=player_embedded
Younes aurait été relâché dimanche. Rien n'a filtré des causes de son arrestation.
Rien n'a donc changé ?
Ces arrestations suivent de deux mois seulement l'adoption par le pays d'une constitution apparemment démocratique, décrite par ses thuriféraires comme devant garantir une plus grande liberté d'expression. Le blogueur Don Aminos s'interroge :
La question que je me pose aujourd'hui, à l'heure où tous les tyrans tombent les uns après les autres, quel résultat attendent les autorités de ces arrestations arbitraires ? La peur a basculé de camp. Vouloir intimider les manifestants me parait suicidaire puisque cela ne fait que renforcer la crédibilité du mouvement et cristalliser la haine des citoyens contre le régime. Mais est-ce que le roi est informé de ces arrestations arbitraires qui vont à l'encontre de ses intérêts? Est si oui, quelle est sa réaction ou sa position sur la question ? Lui qui nous a habitué à des beaux discours soporifiques sur la place de la jeunesse dans la société et les efforts qui vont être entrepris en sa faveur.
Ce billet fait partie du dossier spécial de Global Voices sur la contestation au Maroc 2011.