Cameroun : Et si on n’allait pas voter ce 9 octobre?

Au Cameroun, la présidentielle du 9 octobre prochain, ne semble pas susciter un grand intérêt au sein de l’opinion publique. Pour nombre de Camerounais, cette élection n’a aucun enjeu réel et se rendre aux urnes n’en vaut pas la peine, car les jeux sont déjà faits, en faveur du président sortant, Paul Biya.

Un désintérêt que le blog politique Cameroun Libre et Solidaire tente de justifier :

Un problème majeur au Cameroun est la désaffection de la population pour la politique. Trop de promesses en l’air, faites par des malhonnêtes qui souhaitaient avant tout se positionner dans la mangeoire. Le résultat est que pas grand monde ne s’inscrira sur les listes électorales, et n’ira voter. L’enjeu réside donc dans cette grande frange de la population qui n’attend que d’être convaincue que l’espoir est permis. Et pourtant…. Le parti avec la meilleure assise de l’opposition, le SDF, appelle… au boycott. On se demande à quel objectif ils pensent arriver. L’élection sera-t-elle annulée pour cause d’un fort taux d'abstention ? Jamais.

Paul Biya, ici à la tribune de l'ONU, est Président du Cameroun depuis 1982. Photo United Nation, sous licence CC BY NC ND 2.0


Le seul candidat capable de succéder au président Paul Biya que certains qualifient de dictateur, au pouvoir depuis le 06 novembre 1982, serait Paul Biya lui-même. Bien que  sa candidature à sa propre réélection n'a pas beaucoup  surpris, elle a tout de même suscité bien des remous [en anglais]au sein de l'opinion publique.

Cependant, à y regarder de plus près, on serait forcé de croire que dans ce pays, il semble n’exister aucune opposition réelle, forte et capable de l’inquiéter. Une opinion qui se justifie d’autant plus par le fait que, parmi les 21 candidats  retenus par le Conseil électoral, aucun ne se démarque vraiment, comme l'affirme cet autre blogueur:

S'il est vrai que dans cette multitude de candidatures, on trouve celles des éternels pseudo opposants au régime, John Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya, Jean Jacques Ekindi… il est aussi vrai qu'on y trouve celles de quelques farfelus qui viennent soit faire les figurants, au nom de Paul Biya, soit, sans aucun doute, poussés par un excès de zèle. Toujours est-il que dans ces candidatures à la con, il faut voir la main invisible du parti état, Rdpc. Si non comment toutes ces gens quasiment inconnus même dans leur quartier d'habitation, qui ne sont même pas des élus et qui n'ont pas de mouvement politique avec des élus ont-il pu réunir les signatures de parrainage nécessaires à leur candidature?

Campagne pour l'inscription sur les listes électorales, Douala, Cameroun, juillet 2011 – Photo verni22im sur Flickr, sous licence CC BY

 
Mais, où est donc passée l’opposition camerounaise ?Il n'y en a pas, selon Allain Jules sur son blog :

Inexistante. C’est le mot. Apathie manifeste. Rien à se mettre sous la dent. Quelque soit le cas de figure, malgré l’usure du pouvoir, surtout que le parti d’opposition le plus viable du Cameroun, le Social Democratic Front (SDF) du chairman John Fru Ndi fait ami-ami avec le RDPC de Paul Biya, une idylle tissée depuis que la défunte femme de son chef avait été évacuée en France par le Palais d’Etoudi (palais présidentiel camerounais), rien n’est plus comme avant. Ne nous voilons pas la face, aujourd’hui, le RDPC est imbattable, même sans fraude, .

Abordant dans le même sens, le site d’informations Slateafrique.com, propose une analyse du célèbre politologue camerounais Mathias Eric Owona Nguini, pour qui :

L'opposition est largement fragilisée. Ses leaders sont usés et son gros handicap est qu'elle manque de propositions au niveau programmatique et idéologique. De plus, elle est émiettée et manque d'initiative. Ce qui évidemment profite au parti au pouvoir qui est là depuis plus longtemps et qui est plus expérimenté.

Cependant, dans un article paru en 2010, l'économiste Thierry Amougou, conscient de cet enjeu, invitait d’ores et déjà les camerounais à ne pas être amnésiques et se laisser berner une fois de plus par le régime en place en rappelant quelques faits marquant du « cycle » de Paul Biya à la tête de l’Etat camerounais.

Même si les sondages à travers le monde montrent que les choix des électeurs sont, en moyenne, guidés par des faits vieux au plus de six mois par rapport à la date du vote, les Camerounais se doivent d’avoir la mémoire longue cette fois-ci. Ce n’est pas depuis cinq ans ou dix ans qu’ils subissent le fourvoiement du Renouveau National, mais depuis près de trente ans.

Être amnésique en 2011, revient à perdre de vue que “la politique gadget” actuellement menée consiste à oublier :

-  les multiples modifications constitutionnelles au service d’un homme

- la création d’Elecam en lieu et place d’une commission électorale véritablement indépendante ;

-  les tueries des jeunes Camerounais en février 2008 ;

- Et l’opération Epervier, résultat de 30 ans de mal gouvernance du Renouveau National. ».

Face à une telle situation, l’on est bien tenté de s’interroger, à tort ou à raison, sur l’avenir de ce pays au passé assez agité et dont le président actuel n’a jamais su faire l’unanimité.

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