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Protéger les forêts africaines : l'héritage de Wangari Maathai

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Gambie, Kenya, Madagascar, Rwanda, Sénégal, Développement, Environnement, Gouvernance, Médias citoyens, Relations internationales

Ce billet fait partie de notre dossier central en anglais sur les  forêts dans le monde [1]

Wangari Maathai [2], célèbre activiste politique et écologiste kenyane, Prix Nobel  2004 s'est éteinte [3] le 25 Septembre 2011. Elle a été la première femme africaine à recevoir le Prix Nobel et est reconnue internationalement comme la figure de proue de la protection de l'environnement sur le continent africain. Elle avait siégé au jury du Prix World Future Council Award [4] quelques jours avant sa mort.

Wangari Maathai. Image under CC License from Wikipedia. [5]

Wangari Maathai.Photo sous licence CC de Wikipedia.

Le Conseil a décerné un prix au Rwanda et à la Gambie pour leurs politiques en matière de protection des forêts en  2011. Les récompenses  ont aussi souligné l'importance de l'amendement de 2008 à la Loi américaine Lacey, qui interdit le commerce de bois et plantes coupé ou récoltées illégalement. La Loi Lacey a déjà eu un impact et permis de diminuer l'abattage illégal de bois de rose dans les forêts de Madagascar.

D'autres nations africaines confrontées aux menaces grandissantes du réchauffement climatique ont aussi progressé de façon remarquable dans la protection de l'environnement. .

Rwanda

Le Rwanda a reçu un prix pour ses efforts continus pour renverser  la tendance en terme de couverture forestière. La philosophie derrière la priorité donnée à la reforestation est expliquée ainsi [6] sur afrik.com :

Les experts disent que le transfert de propriété des terres et des ressources aux communautés locales est un moyen de sortir de la tragédie des biens communs, [..]  Le gouvernement est actuellement en train de mettre en œuvre une stratégie de développement économique et de réduction de la pauvreté qui considère l’inversion de la déforestation comme un facteur crucial dans la réduction de la pauvreté, et a fixé l’objectif d’augmenter la couverture forestière du pays de 30 pour cent d’ici à 2020. La couverture forestière a déjà augmenté de 37 pour cent depuis 1990.

Gambie

Tree in Gambia by Guillaume Colin on Flickr (CC BY-NC-ND 2.0). [7]

Tree in Gambia by Guillaume Colin on Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

La politique de la Gambie en matière de forêt lui a valu la première médaille d'argent.  Eduardo Rojas Briales, Directeur général adjoint pour la FAO au sein des Nations Unies, explique [8] :

Le succès de la politique de la forêt en Gambie prouve que même dans les pays les plus pauvres du monde, avec les bonnes politiques et une législation adéquate, les populations rurales peuvent en tirer bénéfice économiquement et améliorer de façon notable leur indépendance alimentaire. En Gambie, une politique innovante comprend le transfert de l'autorité sur les forêts aux communes rurales, ce qui a permis de réduire l'abattage illégal, et d'encourager à l'exploitation des produits forestiers [..] La Gambie a réussi à inverser une tendance forte à la déforestation en Afrique, avec ses 350 villages qui gère 12 pour cent du patrimoine forestier, et une couverture forestière en augmentation nette de 8.5 pour cent sur les deux dernières décennies.

Madagascar

Les mesures institutionnelles qui ont eu le plus d'impact sur la protection des forêts en danger de Madagascar sont à mettre au crédit de l'amendement de 2008 à la Loi Lacey, qui interdit tout négoce de bois et plantes protégés et illégalement obtenus.

L'abattage illégal du bois de rose à Madagascar a compromis les efforts de protection des forêts depuis plusieurs années. Ce trafic s'est accéléré, dans des proportions alarmantes, durant la crise politique de  2009, comme on le voit dans ces interviews [9] et dans ce rapport [10].

Pourquoi la Loi Lacey est-elle efficace et pourquoi a-t-elle un impact au-delà des frontières américaines  ? Tewolde Berhan Egziabher, le directeur général de l'autorité de protection de l'environnement en Éthiopie explique [8]:

La force de cette loi, c'est qu'elle cible et responsabilise tous les niveaux du commerce de bois. Cela a obligé les importateurs à prendre leurs responsabilités pour leur négoce de bois et nous voyons déjà des résultats positifs, dans les enquêtes préalables et dans les demandes de certificats pour du bois certifié.

Cette loi est aussi capitale pour protéger les espèces menacées  comme les lémuriens de Madagascar [11] qui vivent dans ces forêts, et tout particulièrement le  silky Sifaka :

Trouble in Lemur Land [12] de Erik R Patel [13] sur Vimeo [14].

La loi Lacey a créé aussi indirectement un petit incident diplomatique entre la France et les États Unis, quand la première dame Michelle Obama a offert une guitare à la première dame française, la chanteuse et mannequin Carla Bruni [15]. Le blogueur malgache Avylavitra revient sur l'incident [16] [en malgache] :

Fa ny tena anton-dresaka eto dia ny fanomezana nomen’ny vadin’ny filoha Amerikana, Michelle Obama ho an’i Carla Bruni, vadin’ny filoha frantsay Sarkozy, nandritra ny vovonan’ny OTAN tany Strasbourg tamin’ny taona 2009. Gitara Gibson no natolony tamin’izay fotoana izay, vita avy amin’ny hazo Andramena, hazo sarobidy voarara ny famoahana azy avy aty Madagasikara,

Ce qui a vraiment fait parler les gens, c'est le cadeau qu'a fait la Première dame américaine Michelle Obama à la femme de  Sarkozy, Carla Bruni, durant le sommet de l'OTAN à  Strasbourg, en France en 2009. La guitare Gibson était en bois de rose, un bois précieux qui est interdit de  coupe commerciale à Madagascar.

Sénégal

Route of the Great Green Wall [17]

Protéger les forêts signifie aussi lutter contre la désertification due aux changements climatiques sur le continent africain. Le Grand mur vert [18]est un projet transcontinental, géré par la Communauté des états du Sahel saharien (CEN-SAD) et l'Union Africaine, qui s'efforcent de planter une ceinture végétale faite d'arbres de plusieurs essences, de 15 km de large, qui devrait relier Dakar et Djibouti, soit une distance d'environ   7000 km.

Le blog Sécheresse/Désertification détaille les implications du projet [19]:

Entre 2006 et 2007, quatre mille hectares soit environ sept kilomètres d’arbres ont déjà été plantés sur le tracé sénégalais de la Grande Muraille Verte. en 2008, l’Etat plantera des arbres sur une superficie de deux mille hectares dans la région de Louga. Ces végétaux sélectionnés et adaptés au territoire, seront boisés en bloc contrairement aux plantations déjà existantes qui sont cultivées de façon discontinue [..] La muraille traversera le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigeria, le Soudan, Érythrée et finira à Djibouti [..] Le professeur Dia a annoncé que la désertification a fait perdre au Sénégal près de deux millions d’hectares de terres arables.

L'héritage de Wangari Maathai est donc respecté dans chaque mesure prise par chaque nation africaine. Son message adressé au monde, que nous sommes tous collectivement responsables pour lutter contre la désertification et que les populations locales doivent être associées à ce défi, a été entendu.