Wikileaks a publié une nouvelle série de câbles diplomatiques sur le Laos qui confirment le sous-développement du pays, la corruption endémique de la bureaucratie, et la fragilité de son environnement [liens en anglais].
Andrew Walker pense que les câbles en apprennent peu sur la tête de l'Etat au Laos – mais qu'on y trouve d'autres révélations intéressantes :
Ces derniers mois, plusieurs câbles diplomatiques de l'ambassade des États Unis à Vientiane ont été publiés par Wikileaks. Ils offrent peu d'informations sur ce qui se passe au plus haut niveau du parti d'état du Laos, alors qu'on l'espérait (sans vraiment s'y attendre). Mais il y a d'autres choses intéressantes.
L'un des câbles, une évaluation de la stratégie et du programme de la Banque de développement pour l'Asie pour ce pays (2006), fait une critique cinglante des donateurs bilatéraux et multilatéraux du Laos, particulièrement de leur échec à obtenir des réformes en matière de gouvernance. Les critiques (que ce soit de la gouvernance au Laos ou de l'aide étrangère) sont familières, mais leur franchise est inhabituelle.
La franchise des opinions exprimées dans les câbles a aussi surpris Eisel Mazard :
Il faut reconnaitre au corps diplomatique qu'il a élevé le niveau de rhétorique un cran au-dessus de l'habituel dossier de l’Economist ; je ne peux pas m'empêcher de penser que ces types sont des écrivains frustrés, qui aimeraient avoir un lectorat capable d'apprécier ce genre de vitriol.
Je ne m'attendais vraiment pas à ce que ces câbles soient si virulents ; c'est presque comme si le contexte bureaucratique les encourageait à forcer le trait pour ne pas être enterrés sous des piles de rapports semblables qui arrivent et passent à chaque saison.
Voici un extrait d'un câble commentant les inégalités économiques dans ce pays.
Même si les ministres et fonctionnaires du GoL (Gouvernement du Laos) reçoivent officiellement des salaires de 75 dollars US par mois, ils ont des villas et des voitures dignes de Monte Carlo, le PIB par tête est toujours inférieur, officiellement, à 400 dollars US…Le chômage est chronique, le chômage augmente et le climat pour les investisseurs est l'un des moins accueillant au monde.
Ce n'est pas un hasard si ces maux économiques ne sont pas soignés. Il n'existe pratiquement aucun état de droit ou de libertés civiques de base au Laos, et l'éducation est aux mains d'un ministère corrompu et idéologiquement sclérosé qui utilise l'argent de la Banque du développement pour construire un grandiose mais inutile nouveau siège du ministère alors que les enfants des écoles dans les campagnes s'assoient sur des rondins de bois et essayent de se souvenir à quoi ressemble un enseignant.
De son côté, Bill, qui vit à Vientiane, critique la “relative myopie relative des câbles” :
En tant que résident de Vientiane de longue date, je suis particulièrement frappé par la myopie relative des câbles. Ils couvrent une période de bouleversements intenses dans le pays, et ils disent globalement que rien n'a changé, outre des informations sur leur propre relation avec le gouvernement du Laos, qui s'améliore. En gros, ils parlent beaucoup plus de ce que Washington veut entendre (Hmong ; le recyclage d'argent ; pour qui le gouvernement du Laos vote lors de différentes réunions de l'ONU ; les médiocres progrès du point de vue de la démocratisation à l'occidentale) que de ce que les gens de ce pays considèrent comme important.
Le journaliste Lao Bumpkin a identifié les fichiers relatifs au Laos sur le site de Wikileaks :
Wikileaks a publié le cache des fichiers sur le Laos. Je le les ai pas encore lus, quand je l'aurai fait, je le rajouterai à la fin du billet. Jusqu'ici, pas de nouvelles de ministres ayant des maitresses ou autres nouvelles choc.
Voici un échantillon d'informations intéressantes sur le Laos. Voici comment les élections se déroulent au Laos :
La plupart de citoyens laotiens ont pris au sérieux les élection et en font une affaire de fierté nationale. Les annonces diffusées depuis les bureaux de vote jouaient sur le thème du patriotisme. Nous avons entendu un message électoral qui disait aux électeurs qu'ils prouvaient à un monde sceptique que le peuple laotien chérissait le droit de vote et était fidèle à son gouvernement et au parti. Les électeurs devaient témoigner de leur respect pour le processus électoral. Les femmes qui arrivaient au bureau de vote en pantalon ou dans une robe “incorrecte” étaient renvoyées chez elles. Le secret du vote a beau être la règle, les membres des commissions électorales étaient à proximité pour examiner chaque bulletin de vote, pour s'assurer que les électeurs assumaient leur responsabilité et votaient “bien”.
Les projets de développement nuisent aux pauvres :
Alors que tout est fait pour attirer les investisseurs étrangers, le gouvernement a peu de scrupules à piétiner ses propres citoyens, ils se fichent de leurs territoires traditionnels, de leurs sources de revenus traditionnelles et de leur totale dépendance à l'environnement pour leur survie. En l'absence presque totale d'un état de droit véritable, ceux qui sont concernés sont à la merci de bureaucrates parfois vénaux, et généralement indifférents, qui administrent l'exploitation des terres. Tandis que grandit la réputation du Laos d'être un pays “facile” pour les investisseurs, dans les secteurs comme l'énergie hydraulique, les plantations forestières, les activités minières, un nombre toujours plus important de Laotiens parmi les plus pauvres risquent d'être dépossédés de leurs territoires traditionnels.
Au Laos, “les fonctionnaires du gouvernement sont présumés corrompus jusqu'à preuve du contraire.”
En général, les officiels du parti ne voient rien de vraiment répréhensible à la corruption, même si quelques purs défendent toujours les idéaux communistes de leur jeunesse.
Une conséquence directe de décennies d'abus de pouvoir est l'absence de confiance des citoyens ; les fonctionnaires du gouvernement sont présumés corrompus, jusqu'à preuve du contraire.
La culture du pavot pour l'opium est en déclin, mais les villages qui vivaient de la culture du pavot connaissent la famine :
De la fin des années 80 à 2005, le Laos était le troisième plus gros producteur de pavots au monde. La culture du pavot était importante dans dix des dix-sept provinces, et les autorités n'ont pris aucune sanction notable contre cela, même s'ils ont imposé une taxe sur l'opium jusque dans les années 90.
Le GOL estime que la moitié ou plus des anciens cultivateurs de pavot attendent toujours une aide, de n'importe quelle nature, pour lancer de nouvelles activités. Le programme alimentaire mondial signale que dans ‘un certain nombre de villages qui dépendaient de la culture du pavot, une insécurité alimentaire grave et étendue est apparue cette année…Il y a de sérieuses inquiétudes quant à la possibilité que les cultivateurs soient obligés de recommencer à cultiver le pavot, pour ne pas mourir de faim.
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