Brésil : Le discours historique de Dilma Rousseff à l'ONU

Dilma Vana Rousseff, première femme à être élue présidente du Brésil, est aussi devenue, le 21 septembre 2011, la première femme à ouvrir une session annuelle de l'Assemblée générale des Nations unies. C'est, historiquement, le Brésil qui ouvre ces sessions depuis la première, en 1947.

Au-delà du moment historique, le discours, qui est  disponible en ligne dans son intégralité [en portugais, comme tous les liens], se distingue par le courage, et par les piques lancées aux pays occidentaux en crise, par la défense des Droits de l'Homme et la reconnaissance de la Palestine en tant qu'Etat et membre de l'ONU, mais aussi par la justification de la présence brésilienne en Haïti (sous mandat des Nations Unies) et le renoncement à l'utilisation des armes nucléaires, malgré le fait que plusieurs centrales nucléaires soient encore en chantier au Brésil.

Hugo Albuquerque, du blog Descurvo, résume:

Dessin sous licence CC de Carlos Latuff

Nunca na história deste planeta uma mulher fez o discurso de abertura da Assembleia Geral da ONU. (…) Dilma foi precisa ao enfocar a gravidade da crise mundial, saudar a ascensão da Primavera Árabe, tocar no problema de gênero e, sobretudo, exortar o reconhecimento do Estado Palestino.

Jamais, dans l'histoire de cette planète, une femme n'a fait de discours d'ouverture à l'Assemblée générale de l'ONU. (…) Dilma a été parfaite, en mettant l'accent sur la gravité de la crise mondiale, en célébrant l’avènement du printemps arabe, en abordant le problème du genre et, surtout, en exhortant à la reconnaissance de l'état palestinien.

Cristina Rodrigues, du blog Somos Andando, complète:

(…) falou pela paz, criticou a violência, em um recado direto aos Estados Unidos. Pediu o espaço pro Brasil. Afirmou o papel das mulheres. Defendeu, sem meias palavras, deixando implícita uma crítica, a criação do Estado Palestino (no que foi muito aplaudida, o que demonstra que uma minoria poderosa impede os anseios da maioria). E deu uma aula de humanidade e solidariedade, refletindo a atitude do governo do qual foi parte por oito anos: “Queremos para os outros países o que queremos para nós mesmos”.

Elle s'est exprimée en faveur de la paix, a critiqué la violence en envoyant un message clair aux États-Unis. Elle a réclamé une place pour le Brésil. A affirmé le rôle des femmes. Défendu, sans détour, dans une critique implicite, la création de l'état palestinien (passage où elle a été très applaudie, ce qui démontre bien qu'une puissante minorité gâche les désirs de la majorité). Et elle a donné un cours d'humanité et de solidarité, reflétant ainsi l'attitude du gouvernement dont elle a fait partie pendant huit ans: “Nous désirons pour les autres pays, ce que nous désirons pour le nôtre”.

Mais  Cristina Rodrigues tire aussi la sonnette d'alarme :

Meu único ponto a contrapor é que temos, sim, que discutir quem causou a crise de 2008, que persiste até hoje. Precisamos saber por uma questão de justiça e pra saber melhor como enfrentá-la. Mas concordo com Dilma que os causadores já estão suficientemente claros. Pena que muitos ainda fingem não ver.

L'unique point sur lequel je m'opposerais, c'est qu'il nous faut, bien sûr, discuter des responsables de la crise de 2008, qui dure jusqu'à aujourd'hui. Nous avons besoin de le savoir pour une simple question de justice et pour mieux savoir comment l'affronter. Mais je suis d'accord avec Dilma : les responsables sont suffisamment connus. Dommage que beaucoup feignent encore de ne pas les voir.

Le journaliste et blogueur Rodrigo Vianna a sélectionné quelques mots-clés dans le discours de la présidente Dilma et les a publiés sur son blog, o Escrevinhador.  Il démontre, en outre, l'importance du discours:

Foi importante porque Dilma se diferenciou da baboseira (neo) liberal que ainda sobrevive no chamado mundo desenvolvido (e sobrevive também entre “colunistas” e “analistas” que pensam o Brasil feito girafas: têm os pés na América do Sul e a cabeça em Londres ou Washington). Dilma falou na necessida de controlar capitais. Os colunistas de economia brazucas devem ter sofrido uma síncope nervosa. Controle? Capitais devem ser livres. Controle, só para as pessoas.

Ce fut important car Dilma s'est distinguée de la marmelade (néo) libérale qui sévit encore dans le soi-disant monde développé (et survit aussi parmi les “éditorialistes” et les “chroniqueurs” qui pensent le Brésil comme une girafe : elle a les pieds en Amérique du sud et la tête à Londres ou Washington). Dilma a évoqué la nécessité de contrôler les capitaux. Les chroniqueurs de l'économie brésilienne doivent en avoir fait une syncope. Contrôle ? Les capitaux doivent être libres. Le contrôle, c'est bon pour les gens.

Le discours de Dilma fut historique, mais il est la cible d'innombrables critiques, que ce soit à cause de la tonalité qui, pour certains, vise un objectif inatteignable, ou que ce soit à cause de l'écart avec les pratiques effectives du gouvernement brésilien, comme analyse le professeur et journaliste Mauricio Santoro :

Em suma, a presidente está em bom momento internacional, mas convém não esquecer que os problemas e contradições de seus aliados no governo representam obstáculos para que o país alcance os objetivos ambiciosos de sua política externa.

En somme, la présidente vit un bon moment international, mais il convient de ne pas oublier que les problèmes et les contradictions de ses alliés au gouvernement représentent des obstacles pour que le pays atteignent les objectifs ambitieux de sa politique étrangère.

Le blogueur et activiste Leonardo Sakamoto pointe des problèmes graves dans l'écart entre le discours et les pratiques, spécialement sur la question de Belo Monte, l'usine hydroélectrique sujet d'énormes controverses et batailles juridiques qui, selon Sakamoto, portent atteinte aux droits les plus basiques des communautés indigènes brésiliennes :

(…) Mas soa irônico o governo brasileiro pagar de progressista lá fora e ser reacionário aqui dentro.

O Brasil tem tentado parecer o “bom moço” da comunidade internacional, mas nem sempre aplica a mesma cartilha internamente. Por exemplo, a defesa dos direitos humanos. (…)

Como um país que declara em seu discurso à Assembléia Geral das Nações Unidas que deseja um assento no Conselho de Segurança ignora uma solicitação de outro organismo internacional, a Comissão Interamericana de Direitos Humanos (CIDH), ligada à Organização dos Estados Americanos, para que interrompa a construção da usina hidrelétrica de Belo Monte até que os indígenas sejam devidamente ouvidos.

Mais il est ironique de voir le gouvernement brésilien jouer les progressistes à l'étranger et être réactionnaire ici.

Le Brésil essaie de se faire passer pour le “gentil” de la communauté internationale, mais il ne fait pas toujours usage de la même carte à l'intérieur de ses frontières. Par exemple, dans la défense des droits de l'homme. (…)

Comment un pays qui réclame, dans son discours à l'assemblée générale des Nations unies, une place au conseil de sécurité, peut-il ignorer une sollicitation d'un autre organisme international, la commission inter-américaine des Droits de l'Homme (CIDH), liée à l'Organisation des États Américains, pour qu'il interrompe la construction de la centrale hydroélectrique de Belo Monte jusqu'à ce que les indigènes aient dûment été entendus.

Nations Unies

Des critiques du discours ont aussi été émises dans un billet du parti de gauche brésilien PSTU,  publié par le Diário Liberdade, spécialement dirigées contre le maintien de forces brésiliennes à Haïti, contre les coupes budgétaires dans les dépenses publiques mais aussi contre  la précarisation de la main d’œuvre des travailleurs et plus spécialement contre le modèle économique adopté par la présidente :

Entre omissões, distorções e meias verdades, o discurso de Dilma não trouxe nenhuma novidade, apesar do simbolismo de sua própria presença naquele palanque.

(…)

O discurso de Dilma foi bonito. Seria melhor, porém, que fosse embasado na realidade, para que o entusiasmo de tanta gente, em especial a de mulheres trabalhadoras, não fosse em vão.

Entre omission, distorsion et demi-vérités, le discours de Dilma n'a apporté aucune nouveauté, si ce n'est le symbolisme de sa propre présence, sur cette estrade.

(…)

Le discours de Dilma était beau. Mais, il eut été préférable qu'il soit basé sur la réalité, afin que l'enthousiasme de tous ces gens, spécialement des travailleuses, n'ait pas été vain.

Toujours sur le ton de la critique, André Kenji, du blog dissidência, commente le désir du Brésil de siéger au conseil de sécurité de l'ONU, qui se reflète dans le ton du discours :

Muitas das críticas – incluindo deste blog – da participação do Brasil no CS partem do princípio que a política externa do Brasil é pouco consistente e de que a diplomacia brasileira não tem respostas para algumas das questões mais cruciais envolvendo questões diplomáticas (Isso quando não passa a mão na cabeça de ditadores brutais tendo em vista apenas interesses comerciais).

La plupart des critiques – dont celles de ce blog – à la participation du Brésil au CS, partent du principe que la politique étrangère du Brésil est bien peu consistante et que la diplomatie brésilienne n'a pas de réponses a apporter à certaines des questions les plus cruciales sur l'échiquier mondial (quand elle ne cire pas les pompes de dictateurs brutaux, ne gardant en point de mire que ses seuls intérêts commerciaux).

Le blogueur et juge Saraiva, sur son blog Saraiva 13, résume ce qui, pour lui, fût un moment historique du Brésil, en défense de la paix et des droits de l'homme de par le monde :

Dilma defendeu as liberdades democráticas e os direitos-humanos, como era previsível. Surpreendente foi Dilma tirar apenas o foco de países africanos e do oriente, como as potências imperialistas gostam de fazer, e chamar à responsabilidade o chamado primeiro-mundo, condenando as violações de direitos humanos nestes países ricos através da xenofobia, do racismo, da pena de morte, da miséria. Em todo o discurso defendeu uma ordem mais justa para os países pobres, desenvolvimento sustentável em vez de bombas, soluções para o Oriente Médio, o Estado Palestino. Enfim, arrastou as fichas, conquistando corações e mentes do terceiro mundo, já bastante simpáticos ao Brasil.

Dilma a défendu les libertés démocratiques et les droits de l'homme, comme c'était prévisible. Plus surprenant, elle n'a pas uniquement mis l'accent sur les pays africains et de l'Orient, comme les puissances impérialistes aiment tant à le faire, appelant les pays du monde occidental à prendre leurs responsabilités, condamnant les violations des droits de l'homme dans les pays riches par la xénophobie, le racisme, la peine de mort, la misère. Tout au long de son discours, elle a défendu un ordre plus juste pour les pays pauvres, le développement durable à la place des bombes, des solutions pour le Moyen Orient, et l'Etat de la Palestine. Enfin, elle a ramassé la mise, en gagnant les cœurs et les esprits du Tiers-monde, déjà suffisamment conquis par le Brésil.

 

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