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Cameroun : Une campagne électorale controversée

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Cameroun, Droit, Élections, Médias citoyens, Politique

Cette page fait partie du dossier spécial de Global Voices sur les élections de 2011 au Cameroun [1].

Le Cameroun vit la dernière semaine d'une campagne présidentielle qui prendra fin le 9 octobre 2011. Tandis que des observateurs internationaux [2] [en anglais] sont arrivés dans le pays pour surveiller le scrutin, le déroulement de la campagne électorale n'a pas réussi à convaincre la plupart des Camerounais de l'importance des enjeux.

Paul Biya brille par son absence

[3]

Affiche électorale de Paul Biya, le candidat sortant, photo Eric Mwamba sur Facebook

Critiqué pour passer plus de temps à l'étranger [4] que dans son pays, Paul Biya, le président sortant et candidat à sa propre succession se voit maintenant reprocher son absence du débat politique.

Ce thème alimente les conversations sur le fil twitter dédié à l'élection présidentielle, #cmr11 [5].

Se référant au slogan de campagne choisi par le président sortant, “Le choix du Peuple”, Etumnamboa [6] se demande sur Twitter  :

Je ne comprends pas il est le “Choix du Peuple” mais ne s'approche jamais de son peuple et a peur de lui

Pour Félicité Ngadja du Front Démocratique Social au Canada, sur le site d'information camer.be [7], l'attitude du président n'est pas un signal positif pour la population et les partenaires internationaux du Cameroun :

(…) disparaître du paysage politqiue une semaine après le lancement de la campagne électorale est plus qu’un mépris envers le peuple camerounais mais une insulte grave envers tous les bailleurs de fonds et les partenaires du Cameroun

La visite annoncée [8] de M. Biya à Maroua, la plus grande ville du Nord du Cameroun, a laissé sceptiques les internautes camerounais. Sur Twitter, NewsduKamer [9], ironise sur la présence de Paul Biya dans le Nord :

Attention au choléra…

NewsduKamer fait allusion au fait que le nord du pays est particulièrement affecté par une épidémie de choléra [10] [en anglais] qui a déjà causé la mort de 500 Camerounais.

Sur cette vidéo [11] publiée sur Youtube par la page de la chaîne Paul Biya 2011 [12],

Biya raille les critiques qui évoquent la ligne de fracture entre Nord et Sud [13], en déclarant pendant sa visite à Maroua :

Je suis venu à Maroua pour marquer l’importance que j’attache à votre région, à la paix et aux problèmes du monde rural dans notre nouvelle dynamique pour mettre notre pays sur la voie de l’émergence

Sur l'un des statuts [14] publiés sur sa page Facebook officielle, Banla Maximus [15], un utilisateur vivant à Bamenda a commenté :

Personne ne peut gérer Cameroun mieux que vous.Vous avez mon appui tout le temps.

Selon l'utilisateur de Twitter Kasbig [16], le président fera campagne à Douala, la capitale économique du Cameroun, le 5 octobre :

Le Nnom Ngii est à Douala demain, le 17h de CRTV est entrain de donner le programme. (…)

Une information confirmée sur la page Facebook officielle [17] de l'actuel président. Cette visite pourrait bien être historique : Paul Biya n'y est pas venu depuis le 20 septembre 1991*, lors d'une répression de l'opposition.

Allusion aux coupures récurrentes d'électricité, Bubakaele [18], un autre contributeur du fil Twitter #cmr11 relève :

avec la visite du Nom Ngii à #Douala, la lumière semble revenue dans certaines rues

Depuis l'ouverture de la campagne électorale, Paul Biya n'a affronté aucun des 22 autres candidats dans un débat politique. Dans un des débats hebdomadaires organisés par la chaîne panafricaine Africa 24 [19], les candidats d'opposition Edith Kahbang Walla (Parti du Peuple du Cameroun) et Anicet Ekane (MANIDEM) faisaient face à Grégoire Owona (Secrétaire Général du parti présidentiel, le Mouvement Démocratique du Peuple du Cameroun – MDPC ) :
DEBAT du 30/09/11 – ENJEUX ET PERSPECTIVES DES… [19] par AFRICA24 [20]

L'opposition, faible ou affaiblie ?

Grioo.com [21] a passé en revue les candidats, dont il détaille les forces et les faiblesses.

Parmi ceux-ci, il y a Olivier Bilé, le candidat âgé de 44 ans de l’Union pour la Fraternité et la Prospérité [22] qui a pris ses distances avec son concept de “Foyisme politique [23]“. L'idée, explicitée dans cet article du site Grioo.com [21], consiste dans :

la création de 500 000 emplois par an tout au long de son mandat, la sortie du franc CFA avec la création d’une monnaie appelée le « camer » et la révision de nos structures mentales et spirituelles pour mieux gouverner avec Dieu comme repère fondamental.

Une référence divine qui n'est pas du goût de certains internautes comme ETAMBA [24] sur Twitter :

(…) Faut qu'il laisse Dieu tranquille

Jean Njeunga [25], aussi au nombre des 23 candidats, est devenu la risée de l'Internet camerounais après ses apparitions dans un show politique d'Equinoxe TV, une télévision privée camerounaise. Une vidéo Youtube [26]a été rendue publique par l'abonné moanang [27], et a été vue par plus de 23.000 visiteurs.

A 11:06 minutes, la journaliste Suzanne Kalla Lobè demande à Jean Njeunga s'il abrogera la polygamie au cas où il serait élu président. Sa réponse :

Je ne peux pas la supprimer parce que nos ancêtres ont commencé par être polygames (..) Nous sommes Africains, et non Européens (…) Il y a plus de femmes que d'hommes au Cameroun

Une page Facebook intitulée “Le Best of des Phrases de JEAN NJEUNGA – Etoudi 2011 [28]” réunit les meilleures citations de M. Njeunga.

Mais pour l'écrivain et journaliste camerounais de Chicago Dibussi Tande, ce genre de spectacle électoral n'est pas une surprise. Il explique sur son compte Twitter [29] :

Aucun parti politique (sauf le MDPC avec son accès aux ressources de l'Etat) ne peut mener une campagne électorale efficace en 14 jours

Et de poursuivre [30] :

Les lois électorales au Cameroun ne sont pas faites seulement pour favoriser le sortant mais pour ridiculiser l'ensemble du processus électoral

Le 6 octobre, Africa Review [31]rapporte [en anglais] que deux candidats d'opposition, Edith Kah Walla et Anicet Ekane, ont organisé une conférence de presse pour exposer quelques-uns de leurs griefs envers le système électoral camerounais :

S'adressant à une conférence de presse mardi [4 octobre 2011] à Douala, M. Ekane a accusé les affiches de Biya d'enfreindre une directive de l'ELECAM (l'administration électorale) les limitant à 60 centimètres de long et 40 centimètres de large.

“Ces dispositions n'ont pas été respectées par le candidat du parti au pouvoir parce que certaines de ses affiches font trois mètres de large et quatre mètres de long, ce qui est totalement illégal,” a déclaré M. Ekane.

Au sujet du financement de la campagne, M. Ekane et la candidate du Parti du Peuple du Cameroun Kah Wallah a souligné qu'ils n'ont encore reçu aucun versement du Trésor, contrairement aux promesses officielles.

Esther Dang [32], une autre candidate d'opposition, qui répondait à une question d'un auditeur camerounais dans une émission politique de Vox Africa [33], a aussi confirmé qu'au 3 octobre elle n'avait pas touché de fonds publics pour sa campagne. Mais elle a évoqué ce problème de financement en termes plus modérés :

C'est bien aussi cette situation qui permet aux camerounais de suivre les composantes de la démocratie camerounaise (…) ; cette situation permet aussi aux camerounais de se rendre compte que nous sommes un PPTE [NdT : un Pays pauvre très endetté] et qu'il n'est pas normal que nous déployions sur le terrain un arsenal de moyens, d'argent qui en correspond pas au pouvoir d'achat

*Erratum : la dernière visite de Paul Biya à Douala date du 9 octobre 2004 [34].

Cette page fait partie du dossier spécial de Global Voices sur les élections de 2011 au Cameroun [1].