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Guatemala : Trois généraux arrêtés et inculpés de génocide

Catégories: Amérique latine, Guatémala, Droit, Droits humains, Guerre/Conflit, Médias citoyens, Peuples indigènes

Mise à jour (27 octobre 2011) :une précédente version de ce billet en anglais et en espagnol affirmait que deux généraux et non trois avaient été arrêtés. Ce billet a été conséquemment modifié.

Les tribunaux du Guatemala s'apprêtent à relever un défi sans précédent dans le pays : poursuivre les auteurs d'un génocide. Après trois décennies de vains efforts pour poursuivre l'armée du Guatemala, trois généraux ont finalement été arrêtés et accusés d'avoir perpétré un génocide ainsi que d'autres crimes de guerre contre les Mayas de la communauté Ixil [1] dans les années 82-83, massacrant et brûlant des villages entiers. D'autres mandats d'arrêt vont suivre.

L'ancien général  Hector Lopez Fuentes a été  le premier arrêté [2] pour le génocide perpétré au Guatemala.  Son arrestation a été suivie par celle de José Mauricio Rodríguez Sánchez, à présent en prison.  Oscar Mejía Victores [3] est, quant à lui, en état d'arrestation à l'hôpital [4], son état de santé étant évalué afin d'estimer si celui-ci lui permettra de se présenter à son procès, comme l'a rapporté  Mike dans le blog Central American Politics/ Politique d'Amérique centrale.

Location where the massacres took place in the Triangulo Ixil, Quiche, Guatemala. Image by Renata Avila, dedicated to the public domain. [5]

Lieu où les massacres ont eu lieu à Triangulo Ixil, dans le département de Quiche au Guatemala. Photo à usage public de Renata Avila

Voici ce que disait le rapport 1999 de la Commission pour la clarification historique [6] [espagnol] :

Les communautés mayas percevant l'armée comme de naturels alliés des guérilleros, qui ont contribué à accroître et aggraver les violations des Droits de l'Homme  perpétrés contre elles.  Ces violations qui ont fait montre d'une cruauté extrême et étaient emprunte d'un racisme agressif  ont conduit à une extermination massive des communautés mayas sans défense – enfants,  femmes et personnes âgées y compris –  et ce, à l'aide de méthodes dont la cruauté a indigné la conscience morale du monde civilisé.

Le blog NISGUA  donne des détails [7] :

Les militaires faisant l'objet de mandats d'arrêt ont fait partie en fait du Département de la défense du gouvernement du  Général Efraín Ríos Montt et ont activement participé à la planification intellectuelle du génocide contre les Mayas de la communauté Ixil au travers du plan “Victoria 82″. Leur rôle a été fondamental dans la perpétration des crimes contre l'humanité et du génocide durant cette période.

Efraín Rios Montt [8], l'ancien dictateur, à présent membre du Congrès guatemaltèque, n'a pas été réélu et perdra son immunité le 14 janvier 2012, à l'achèvement de son mandat.

Maria Toj, a genocide survivor and advocate for justice.  Image by Renata Avila, dedicated to the public domain.

Maria Toj, une survivante du génocide qui plaide pour la justice. Photo à usage public de Renata Avila,

Comme l'explique le blog Unredacted [9], il est probable que les archives officielles rendues publiques des gouvernements tout à la fois guatemaltèque et américain seront utilisées comme preuves :

En 2009, les archives de la Sécurité nationale ont présenté le plan Sofía [10]

L'une des pièces clés, en lien avec le Plan Sofía, est un télégramme du Chef d'état-major des armées López Fuentes au Commandant de sa brigade des Forces spéciales aéroportées, ordonnant le lancement de l'opération Sofía dans la région où se trouve la communauté  Ixil, dans le département de Quiché.

L'offensive de contre-insurrection qui en a résulté a entraîné le déplacement de centaines d'habitants mayas et a fait un nombre indéterminé de morts alors que les soldats détruisaient leurs villages, brûlaient leurs maisons et abattaient leur bétail. (Veuillez vous rendre ici [11]pour obtenir  les résumés des témoignages oculaires ainsi que davantage d'informations en espagnol sur les poursuites engagées.)

International Law Girls analyse [12] l'importance de ce processus pour le système judiciaire guatemaltèque  :

Les lois guatemaltèques autorisent des délais répétés pour les affaires criminelles comme les contestations interlocutoires, qui passent par un long processus en appel. De nombreuses personnes impliquées dans les campagnes de génocide des années 1980 occupent encore des postes de pouvoir – parmi lesquelles le candidat national favori  à l'élection présidentielle, Otto Perez Molina. De fait, si ces poursuites sont couronnées de succès, celles-ci représenteront  une avancée  décisive  dans le combat contre l'impunité, à hauteur de la condamnation de l'ancien président du Pérou Fujimori.

Pendant que les familles des victimes, qui suivent [13] de près  les audiences, ont applaudi [14] à la nouvelle de ces arrestations, certains citoyens s'opposent fermement  au Guatemala à ce que l'armée soit poursuivie, arguant que le pays doit consacrer ses efforts à résoudre l'actuelle criminalité violente et devrait avoir pour but le pardon et la réconciliation.

D'autres mentionnent que les membres de l'ancienne guerrilla devraient aussi être poursuivis, qu'une amnistie ne devrait pas les protéger de leur responsabilité et de leur implication dans les crimes perpétrés contre les civils [15], bien qu'une Commission de la vérité et de la réconciliation ait constaté que les guérilleros n'avaient participé qu'à hauteur de 3% dans ces crimes, comme ceci a été souligné par le blog Central American Politics/Politique d'Amérique centrale  dans le billet  “Why not prosecute guerrillas?” [16]/”Pourquoi ne pas poursuivre les guérilleros ?”.

L'amnistie est inapplicable pour les crimes internationaux ainsi que pour le génocide, les tortures et la disparition forcée. Le combat pour la justice au Guatemala relève d'un effort héroïque : moins de  5% des affaires font l'objet de poursuites chaque année.  Il semblerait qu'enfin des décennies d'efforts de la part des associations de victimes vont rendre justice aux familles qui ont survécu à la guerre.