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Palestine : Les “Voyageurs de la liberté” défient la ségrégation dans les autobus

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Israël, Palestine, Droits humains, Manifestations, Médias citoyens, Voyages

[Liens en anglais] Le 15 novembre, un groupe d'activistes palestiniens ont été arrêtés [1] alors qu'ils voyageaient sur un autobus transportant des colons israéliens. Ces activistes se surnomment “The Freedom Riders” (les voyageurs de la liberté), en référence aux  militants américains pour les droits civiques [2] de 1961.

Leur but était de démontrer que l'occupation de la Cisjordanie par Israël a mené à la ségrégation. Parce que les autobus des colons vont à des endroits où la plupart des Palestiniens ne peuvent accéder, les Palestiniens en sont de fait exclus [3].

Néanmoins, ces activistes ont bien souligné que leur but n'était pas d'avoir des droits égaux avec les colons [4] israéliens :

En entreprenant cette action, les Palestiniens ne veulent pas la déségrégation dans les autobus des colons, puisque la présence de ces colonisateurs et les infrastructures qui les servent sont illégales et doivent être démantelées.  Dans le cadre de leur lutte pour la liberté, la justice et la dignité, les Palestiniens veulent pouvoir circuler librement sur leurs propres chemins, sur leurs propres terres, et avoir le droit d'aller à Jérusalem.

[5]

"Rosa Parks est en VIE! Des palestiniens voyagent dans des autobus réservés aux colons israéliens allant à Jérusalem." Dessin de @CarlosLatuff

 

Holly est une bénévole britannique du “International Solidarity Movement [6]” (Mouvement International pour la Solidarité), et était sur place. Voici selon elle ce qui   s'est passé [7]:

Hier j'ai été témoin que six activistes palestiniens ont demandé la liberté, la justice et la dignité face aux politiques d'apartheid d'Israёl quand ils ont réussi a monter à bord des autobus réservés aux colons et ont essayé d'entrer à Jérusalem-Est, où finalement les Forces d'Occupation Israéliennes (FOI) se sont emparés d'eux et les ont arrêtés. A la conférence de presse, sur ce qui a déclenché leur mouvement, les activistes ont expliqué qu'ils ont été inspirés par le Mouvement pour les droits civiques aux États Unis et par les actions héroïques de Rosa Parks. Inspirés par les luttes des Afros-américains qui livrèrent bataille contre la ségrégation et l'iniquité aux États Unis, et par les Sud-africains qui luttèrent contre l'apartheid, les “Voyageurs de la liberté” palestiniens voulaient montrer au monde que les difficultés auxquels font face les Palestiniens au quotidien ne sont pas différentes.

Elle poursuit :

Contrairement au sud des États-Unis dans les années 60, vous ne verrez pas de panneaux autour des colonies ou aux postes de contrôle disant “Pas de palestiniens ici” – Israël gère sa machine de relations publiques trop bien pour faire des commentaires racistes de ce genre qui seraient vus par les autres pays “démocratiques” qui financent son existence. Techniquement, les Palestiniens ont la permission de voyager dans les autobus pour “colons seulement”  et de conduire sur les routes pour “colons seulement”, cela a été souligné  par les médias israéliens et les colons qui sont descendus des autobus hier. Mais la ségrégation, l'inégalité et le refus fait aux Palestiniens de fouler leur propre terre sont implémentés par Israël de façon très discrète. Les Palestiniens peuvent voyager à bord des autobus et sur les routes, sauf que ces autobus mènent soit dans les colonies reconnues internationalement pour être illégales, ou à Jérusalem Est où les Palestiniens sont interdits d'accès. Jérusalem Est est la capitale projetée d'un futur État Palestinien, pourtant, Israël a interdit à la majorité des Palestiniens d'accéder à cette ville sans un permis, qui est presque impossible d'obtenir. Par conséquent, Israël a pu continuellement étendre les colonies dans Jérusalem Est, particulièrement dans le quartier très controversé de Cheikh Jarrah, et ceci a conduit à l'occupation de quartiers palestiniens peuplés dans la ville pour qu'ils soient encerclés de colonies israéliennes, détruisant systématiquement ainsi la possibilité d'une capitale contrôlée par la Palestine. Comme cela devient évident, je l'espère, le mouvement palestinien Voyageurs de la Liberté n'est pas simplement destiné à lutter contre la ségrégation dans les autobus, le problème ici est plus vaste. Les Palestiniens font face à un appareil militaire qui les contrôle, et il doit être démantelé ainsi que les colonies elles-mêmes.

Haitham Al Katib a posté la vidéo suivante sur YouTube [8]:

Le Professeur Mazin Qumsiyeh, un des Voyageurs de la liberté, a raconté sur son blog son expérience [9]:

Cela a été un honneur d'être un Voyageur de la liberté et c'était un travail d'équipe à son plus haut niveau (ceux qui ont voyagé et la grande multitude qui a bossée dans l'ombre). Deux autres Palestiniens, qui ne prenaient pas part à l'action mais étaient là-bas comme reporters/observateurs, ont été également arrêtés avec nous. […] Même si on nous a libérés, nous sommes toujours accusés “d'entrée illégale à Jérusalem” et “d'obstruction aux affaires de la police” en attendant un éventuel procès.

Il décrit comment il a été traité par un soldat israélien après son arrestation :

Un jeune soldat était très arrogant et m'a surnommé “Professor Teez” (Teez signifie “fessses” en arabe). Nous (voyageurs de la liberté) en avons tous rigolé et je lui ai dit que je ne l'avais pas insulté et que quand quelqu'un m'insulte, ils se rabaissent eux-mêmes en premier.

Revenons à Holly, qui a conclu son billet ainsi :

Les Voyageurs de la liberté sont en train de revendiquer que leurs droits humains soient respectés, en accord avec la loi internationale, et pour montrer qu'ils continueront à s'engager pacifiquement pour gagner la liberté, la justice et la dignité pour lesquelles le peuple palestinien lutte  depuis très longtemps.