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Chili : La Loi de sécurité de l'état, frein à la violence ou répression ?

Catégories: Amérique latine, Chili, Dernière Heure, Droit, Education, Gouvernance, Jeunesse, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique

[Liens en espagnol] Le 18 octobre 2011, le ministre de l'intérieur du Chili, Rodrigo Hinzpeter [1], a invoqué la Loi de sécurité de l'état pour punir les responsables de l'incendie d'un bus pendant les manifestations organisées par divers syndicats du pays pour soutenir le mouvement étudiant.

Ils ont été déférés devant la justice dès le lendemain à la demande du ministre qui s'en explique en ces termes : “Les comportements que j'ai décrits : intercepter un bus, l'incendier, terroriser ses passagers, sont des actes expressément visés par l'alinéa C de l'article 6 de la Loi de sécurité de l'état. Cet article puni de 5 à 10 années de prison les responsables de dommages ou d'obstructions aux services publics et ceux qui incitent à sa paralysie.

Il en est résulté une véritable tempête sur les réseaux sociaux au Chili : certains se remémoraient cette pratique pendant la dictature de Pinochet, et aussi après 1988, sous les “gouvernements de la concertation” (concertaçion de partidos por la  democracia) pour faire taire les mouvements demandant plus de démocratie.

Tomas de la Rementeria (@tomas_dr [2]) l'exprime bien dans sa chronique du forum en ligne Sentidos Comunes [3]:

(…) Il faut ajouter à cela  le fait que cette Loi de sécurité de l'état est un outil juridique aux relents ataviques autoritaires et antidémocratiques (….)

L'ex-ministre de la Cour Suprême Servando Jordán l'a utilisée pour déclencher des poursuites contre Le livre noir de la justice chilienne de Alejandra Matus, Francisco Javier Errázuriz, l'ex sénateur, aujourd'hui chef d'entreprise, l'a invoquée contre le quotidien El Metropolitano pour avoir rendue publique l'enquête judiciaire dont il était l'objet pour falsification de documents publics. De la même manière, le commandant en chef par intérim des forces aériennes chiliennes, le général Hernán Gabrielli, l'a employée contre les prisonniers politiques qui l'avaient accusé d'avoir utilisé la torture pendant la dictature. Autre exemple  emblématique, celui de l'ex dictateur Pinochet à l'encontre du leader socialiste Arturo Barrios qui fut pour longtemps déchu de ses droits civiques.

On l'a invoquée en 2008 contre trois jeunes pour détention de documents exprimant des idées anarchiques et décrivant la fabrication de cocktails Molotov. Ces faits, en l'absence de toute action violente, ne mettaient pas en danger la sécurité de l'état, mais étaient considérés comme une atteinte à son autorité susceptible de générer des délits.

Quelques twitteurs ont critiqué l'aspect disproportionné de cette manière de sévir.

Le journaliste blogueur Alexis Cares (@alexiscares [4]):

Pardonnez-moi la comparaison , mais cette façon de brandir la Loi de sécurité de l'état, c'est un peu comme vouloir utiliser une bombe atomique pour tuer un rat.

D'autres, tel Graciela Saavedra V. de Pichilemu (@graciela_sv [5]), ont défendu cette position, qualifiant le vandalisme d'acte terroriste :

Ceux qui ont brulé le bus ne sont pas des délinquants mais bien des terroristes!

Angel Lagos (@Miganyan [6]) la soutient ironiquement :

ceux qui croient que l'action de bruler un bus a été un acte de protestation doivent être ceux là même qui croyaient que les Etats-Unis envahissaient l'Irak pour défendre la démocratie.

Hans Rolle (@HansRolle [7]) se fait l'écho d'une impression partagé par beaucoup sur Twitter :

Droit au travail et à la sécurité ! Il n'est pas possible qu'une bande d'imbéciles mettent la ville à sac et terrorisent ses habitants.

Quand le sujet “Loi de sécurité de l'état” en est arrivé à devenir une affaire nationale , beaucoup se sont demandé ce qu'était exactement cette loi et quelques twitteurs essayèrent de l'expliquer dans les limites des 140 caractères disponibles ou en envoyant des liens.

Claudio Barrios (@cloud_barros [8]) a ajouté :

Si on se réfère à cette loi, il faut appréhender les auteurs des délits, pas n'importe qui !

Radio Bio-Bio (@biobio [9]) a partagé cette opinion :

Un avocat explique lors d'un entretien le problème de cette Loi de sécurité de l'état:” Les sanctions sont absurdement  sévères” http://t.co/JXMTUcwB [10]

D'autres internautes, comme la blogueuse Andreitatop qui a publié “La Loi de sécurité de l'Etat…Bienvenue dans un Chili sans droits [11]“sont préoccupés par les conséquences de l'application de cette loi sur la liberté d'expression.

J'ai peur,  à chaque fois que j'apprends que Hinzpeter veux appliquer cette loi (…)  Pour moi, tolérer l'utilisation de cette loi, c'est revenir à l'époque où l'on faisait taire la liberté à coups de poing, où la voix du peuple était étouffée dans le sang, où il n'y avait aucun droit  à revendiquer ni institution où déposer ses plaintes (…) C'est le retour au niveau zéro.

Cette mesure est sur toutes les lèvres au Chili, alors que le gouvernement par la voix de son porte-parole a répondu aux critiques en précisant que l'important était que les auteurs de violences soient derrières les barreaux et ne brulent plus les bus.