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Brésil : La mort du footballeur Sócrates, une icône brésilienne

Catégories: Amérique latine, Brésil, Histoire, Médias citoyens, Politique, Sport

[Liens en portugais, sauf mention contraire] Sócrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira, l'un des plus célèbres joueurs de football du brésil, est mort à 4 heures 30 du matin le 4 décembre 2011, des suites d'une septicémie causées par de longues années d'abus d'alcool.

On l'appelait tout simplement Sócrates, parfois Docteur Sócrates car il était médecin, ou même “o Magrão” (le maigrichon, un sobriquet de son enfance). Il avait commencé à jouer pour le Botafogo, un club de Ribeiro Preto dans l'état de São Paulo, où  il est devenu ensuite l'idole du Club Corinthians [1] [en français] et a disputé la Coupe du Monde de 1982 (en tant que capitaine de l'une des équipes les plus géniales de l'histoire [2]) et a pris part à la Seleção en 1986.

Rodrigo Cárdia se désole [3]sur le blog Cão Uivador (le chien qui hurle) :

[4]

Dessin de Carlos Latuff en hommage au joueur sous licence CC

C'est une perte pour le football, pour le Brésil et pour tous ceux qui ont l'esprit frondeur car Sócrates était tout cela : grand footballeur, Brésilien par son nom (Sócrates Brasileiro..) et fort d'un esprit critique bien rare dans le milieu du football.

 

 
Sócrates, le militant politique

Il fut  joueur de football sur le terrain et leader politique en dehors. Communiste proclamé, il sera la cheville ouvrière de ce qu'on a appelé la “démocratie corinthienne [5]” (en français) (Democracia Corinthiana [6], en portugais). A cette époque, les joueurs de ce club prirent une part active dans les décisions du club,  certains militèrent
contre la dictature militaire de la junte qui prendra fin en 1985.

Camisas rappelle [7] sur son blog :

Sócrates n'a pas seulement lutté pour la démocratie seulement au sein du club Corinthians, il a joué, au Brésil,  un rôle remarquable au début des années 80 dans la campagne de Diretas jà, pour réclamer le suffrage universel direct à l’ élection présidentielle. Il avait des idées socialistes, était admirateur de Cuba ; le dernier de ses fils a d'ailleurs reçu le nom de Fidel, en hommage au leader Fidel Castro.

Sobre Sócrates e seu apoio ao MST, Movimento dos Trabalhadores Sem Terra. Por Max da Rocha, da Brigada de Audiovisual da Via Campesina, sob licença CC [8]

A propos de l'engagement de Sócrates au MST, mouvement des travailleurs sans terre. Par Max da Rocha, de l'équipe audiovisuelle de Via Campesina, sous licence CC

Texte de la photo: Être champion n'est rien. Ce qui primordial , c'est la mobilisation populaire. Nous avons deux grands forces politiques : les regroupements de Torcidas (associations de fans d'un club de football), et le MST (mouvement des paysans  sans-terres). La crainte  de la bourgeoisie, c'est que ces groupes se renforcent mutuellement. Du  degré de mobilisation des torcidas dépendra notre futur. Ces organisation émanent de la terre natale et révèlent les mutations sociales, c'est bien plus profond que le seul football. Sócrates

Sócrates ne cachait pas, sur le terrain, son combat politique, se souvient [7] le journaliste  Eduardo Marini :

Magrão n'a jamais réagi aux buts par des explosions de joie. Il le faisait toujours comme les Panthères Noires, en silence, un poing dressé vers le ciel , l'autre le long du corps, tous deux fermés.

Nicolau, du blog Futepoca, reproche [9] aux médias d'avoir tenté de cacher le sens véritable de son geste pour célébrer un but, et Rodrigo Cárdia ajoute :

[Sócrates] a participé activement à la campagne Direta jà en 1984, et n'a jamais caché son orientation politique à gauche. Il n'a jamais arrêté de critiquer la formation des joueurs au Brésil, cherchant uniquement à façonner des athlètes de haut niveau sans jamais se préoccuper des “aspects humains” ni chercher à former des citoyens plus responsables. Il s'en est pris également à la politique sportive du pays, bien plus orientée vers l'organisation de grandes manifestations que vers le renforcement des structures internes du sport brésilien.

Hommage sur le terrain

Son geste de brandir le poing serré a été repris le 4 décembre par tous les joueurs du club Corinthians, pendant une minute de silence, avant le coup de sifflet signalant le début du dernier match du championnat du Brésil. Le club Corinthians a été sacré champion du Brésil à cette occasion, un hommage de plus au joueur de génie disparu ce jour là.

[9]Nicolau, du blog Futepoca raconte [9] :

Dimanche 4 décembre 2011, à 17 heures, les joueurs du Corinthians entraient dans le stade de Pacaembu à São Paulo  prêts à disputer le titre de champions du Brésil. Le Docteur Sócrates à 300 km de là, recevait ces hommages ultimes pour une vie intense prématurément interrompue. Durant cette minute de silence, une des nombreuses scènes, parmi tant d'autres, qui ont marqué ce départ, est celle où tous les joueurs du Timão, alignés sur le cercle central, ont levé le poing droit vers le ciel , concélébrant le geste du “Magrão“.

Le blogueur Hugo Albuquerque ajoute [10]:

Il aurait été indigne pour les Corinthians de perdre le titre hier. Le Docteur Socrates avait bien déclaré qu'il voulait mourir un dimanche, au moment  où son cher club Corinthians aurait été sacré champion.
.

[11]

Dessin de Notaderodape, sous licence CC

Dessin de Carvall, sous licence CC
Le blogueur Rogério Tomaz Junior résume ainsi [12] le joueur et l'homme :

 

Sócrates a été un des plus grands joueurs de l'histoire du football brésilien, il a été partout reconnu et apprécié pour sa personnalité et son intelligence.

Walter Casagrande Junior, qui  joua avec  Sócrates dans le club Corinthians au temps du mouvement Démocratie  Corinthienne  et  fut un de ses maître à penser, a écrit [13]une lettre pleine d'émotion en mémoire de son ami. Le professeur Fernando Lemos a rendu également un hommage [14].

Luís Inácio Lula da Silva, ancien président du pays, a publié [15]un message dans lequel il déplore la mort de Sócrates.

Le journaliste Xico Sá, ami de Sócrates, a également rédigé une lettre de condoléances [16]pleine d'émotion dans laquelle il déclare :

JE T'AIME POUR TOUJOURS, DOCTEUR.

Le  professeur Francisco Bicudo également blogueur, explique [2] ce que représente Sócrates pour lui et ceux de sa génération :

L'équipe de 82, ceux de Diretas jà, sont des symboles pour ma génération. Sócrates est une synthèse des deux, une figure emblématique. Repose en paix, Docteur Sócrates ! Nous garderons toujours en mémoire tes attaques géniales, ton élégance sur le terrain, ta bienveillance et ta courtoisie dans les débats, ton regard calme et vif, tes luttes pour pour la démocratie, ta conscience politique, ton souci de la prise en compte de la réalité sociale au Brésil. Mon football et ma vie politique me paraissent, après toi, bien ennuyeux !

Celso Lungaretti, l'écrivain engagé, résume [17] enfin le sentiment de très nombreux Brésiliens :

Nous avons perdu un ami merveilleux, un frère de lutte. C'est une immense douleur.

Ci-dessous : Hommage à Sócrates. Photo-montage de Pierre Lucena, sous licence CC

[18]