Indonésie : Une immolation par le feu devant le palais présidentiel

A la fin du mois de décembre 2011, Sondang Hutagalung, un militant des droits de l'Homme et étudiant en droit, est mort des suites de ses brûlures au premier degré  après s'être immolé par le feu devant le palais présidentiel à Jakarta, en Indonésie.

Sondang Hutagalung at a protest commemorating the death of rights activist Munir Said Thalib. Photo by Dina Savaluna, used with permission.

Sondang Hutagalung lors d’une manifestation pour commémorer la mort du militant des droits de l’Homme, Munir Said Thalib. Photo de Dina Savaluna, publiée avec son aimable autorisation.

Moch Najib Yuliantoro a écrit [en indonésien] sur son blog :

Ia lakukan itu dengan sadar, terencana, dengan satu tekad: perubahan. Tetapi apa setelah Sondang tak ada? Mereka yang berkuasa tetap bertahta sebagai pengusa. Secara kolektif, setelah 10 hari kepergiannya, kita pun tak bergerak. Perubahan yang diimpikan Sondang tak kunjung datang.

Il l’a fait en toute conscience, de manière  préméditée, avec pour seule détermination : le changement. Mais que s’est-il passé après que Sondang s’en soit allé ? Ceux  qui sont au pouvoir demeurent en place et continuent de gouverner. Dix jours après sa mort, nous en sommes tous au même point.

Najib craint que le rêve de Sondang d'une meilleure Indonésie ne tombe dans l'oreille de sourds :

Kesadaran kolektif sebagai “Indonesia” sudah hangus terbakar menjadi abu. Jika dengan bakar diri yang dikehendaki Sondang adalah perubahan drastis, seperti di Tunisia, misalnya, tampaknya ia salah cara. Bangsa ini tak seperti Tunisia. Bangsa ini sudah “mati”. Tak lagi berhasrat untuk melakukan “revolusi”.

Notre conscience collective, la conscience de l’Indonésie a été réduite en cendres. Sondang a eu tort de penser que de drastiques changements arriveraient à l’image de la Tunisie s’il s’immolait. Ce pays est différent de la Tunisie. Ce pays est “mort”. Nous n’avons plus de désir de révolution.

Sella Wahyu a déclaré [en indonésien] dans son blog :

[…] peristiwa ini menimbulkan reaksi beragam dari masyarakat. Kebanyakan menyayangkan aksi ini mengingat Sondang masih muda dan masih panjang jalan hidupnya, sebagian menganggap Sondang adalah seorang yang “berani mati tapi tak berani hidup” dan sebagian lagi menganggap Sondang adalah seorang martir demokrasi.

Kita terperosok untuk menghujat dan menghina Sondang sehingga alpa bahwa ada masalah yang sangat pelik di negeri ini yang mungkin menjadi dasar dan alasan dia memilih bakar diri sebagai ekspressi pribadinya.

Cet incident a déclenché différentes réactions chez les gens. La plupart l’ont  déploré, considérant la jeunesse de Sondang et le fait qu’il avait une longue vie devant lui, certains ont perçu Sondang comme quelqu’un “ ayant osé mourir mais non vivre” et d’autres l’ont considéré comme un martyr de la démocratie.

Nous sommes pris dans un flot d’insultes à l’égard de Sondang, nous n’avons pas réussi à voir que les problèmes cruciaux de ce pays ont été la cause de son immolation, un moyen pour lui de s’exprimer.

Arman Dhani Bustomi a écrit un billet sur son blog en hommage [en indonésien] à Sondang qui commence par ces mots : “La révolution dévore ses propres enfants”.

Kukira Sondang menyadari bahwa dalam sebuah perjuangan akan selalu ada tumbal. Ia juga menyadari, bahwa hanya sedikit perbedaan antara menjadi idealis atau melakukan kebodohan. Bahwa perihal kurban itu adalah permasalahan sudut pandang. Tak ada satupun manusia di bawah kolong langit yang berhak memberikan nilai atau kuasa hukum dalam sebuah perjuangan. Perjuangan adalah perkara keyakinan diri.

[…]

Kukira Sondang saat itu mengingat mama. Mengingat bagaimana dengan mesra dan patuh ia memeluknya di gereja. Mendengar kidung puji. Doa tuhan bapa kami dengan khusyuk. Mengingat betapa natal dan keriuhan bersama keluarga adalah kenangan yang sangat indah. Dan perlahan merapal doa-doa minta maaf. Kalut ia bertanya. “apakah aku akan diampuni bapa?”

[…]

Kukira Sondang terbakar amarah. Tapi ia tak sendirian. Karena aku kini juga terbakar amarah. Atas kebodohanku. Kelemahanku. Dan ketakpedulianku pada masalah bangsa ini.

 

Je crois que Sondang s’est rendu compte qu’il y aurait à chaque combat des sacrifices. Il s’est aussi rendu compte de ce qu’il y avait une ligne mince entre le fait d’être un idéaliste et de commettre une bêtise, qu’un sacrifice n’était qu’une question de point de vue, que personne sous les cieux n’avait les droits de juger ou de permettre un combat, qu’un combat était une affaire de croyance personnelle.

[…]

Je crois que Sondang s’est rappelé sa mère à ce moment-là, qu’il s’est rappelé combien il était aimant et obéissant lorsqu’il lui tenait la main à l’église et écoutait les hymnes religieux et le solennel Notre Père, qu’il s’est rappelé combien Noël et la joie de sa famille étaient de merveilleux souvenirs et qu’il a lentement récité ses prières pour demander pardon. A sa dernière heure, il a demandé: “Père, me pardonnerez-vous?”

[…]

Je crois que Sondang était en colère. Mais il n’était pas le seul. Moi aussi maintenant je suis en colère. En raison de ma stupidité, de ma faiblesse, de mon ignorance des problèmes de ce pays.

Un journal local dans le nord de Sumatra, Harian Orbit, a cité les déclarations des collègues de Sondang, eux aussi militants, selon lesquelles Sandong aurait envoyé quelques 1400 lettres  sur les violations des Droits de l’Homme au Président Susilo Bambang mais aucune d’entre elles n’aurait en fait atteint son destinataire en raison du protocole présidentiel.

L’université où Sondang a étudié, l’université de Bung Karno, lui a décerné le titre de Docteur Honoris Causa et a renommé la salle d'honneur de la faculté de Droit, salle Sondang Hutagalung room.

Concernant le titre honoraire de Sondang, le blogueur Yusuf Harfi a demandé [en indonésien], “Comment se fait-il qu’une personne qui s’immole reçoive un titre honoraire ?”

Il continue :

Saya sendiri tidak memandang Sondang ialah pahlawan perubahan ataupun patriot pembaharuan seperti yang banyak orang amini.

[…]

Ya, saya juga sama dengan Sondang, saya juga prihatin kepada kondisi Indonesia saat ini. Tapi, hal ini bukan berarti kita sebagai warga negara untuk menempuh aksi nekat seperti bakar diri. Agama apapun pasti mengajarkan untuk terus berusaha, gigih, pantang menyerah, dan tidak putus asa.

Je ne vois pas personnellement Sondang comme un héros du changement ou un patriote du renouveau ainsi que de nombreuses personnes l’ont pensé.

[…]

Oui, je partage aussi les préoccupations de Sondang, je suis aussi préoccupé par l’actuelle situation de l’Indonésie. Mais cela ne veut pas dire qu’en tant que citoyens, il nous faillee agir de manière téméraire comme s’immoler par le feu par exemple. N’importe quelle religion nous enseigne qu’il nous faut continuer d’essayer, de demeurer déterminés, inflexibles et de ne jamais perdre espoir.

Le lendemain de l’immolation de Sondang, le Président du Conseil central des oulémas d’Indonésie (MUI), Amidhan, a déclaré [en indonésien] que l’immolation était “haram” (interdite par l’Islam), et que ceux qui s’immolaient ainsi étaient considérés comme des personnes désespérées et dépressives.

Des remerciements tout particuliers à Dina Savaluna pour la photo.

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