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Pérou : Le conflit se poursuit autour du projet minier Conga

Catégories: Amérique latine, Pérou, Manifestations, Médias citoyens, Politique

[Liens en espagnol]

La controverse [1] est née des dommages que pourrait causer le projet à plusieurs lagunes sur les hauteurs de Cajamarca et dont les paysans de la zone utilisent l’eau pour leur consommation et leurs cultures. Durant le mois de novembre, deux grèves (1 [2] et 2 [3])  ont été menées pour protester contre ce projet minier. La seconde s’est transformée en décembre en une grève régionale [4]qui a duré plusieurs jours, obligeant à la tenue de réunions de dialogue pour rechercher une solution. Cependant ces grèves n’ont pas apporté les résultats escomptés et la région a été déclarée en état d’urgence [5], mettant ainsi un terme à celles-ci de manière abrupte. Par ailleurs, le gouvernement a pris d’autres mesures pour faire pression [6] tant sur le gouvernement régional de Cajamarca qui avait mené ces manifestations que sur trois autres dirigeants [7], lesquels ont passé 10 heures en prison à des fins de “vérification de leur identité”.

Tony Alvarado a réuni quelques opinions d’habitants de Cajamarca  sur ce conflit dans la vidéo [8] suivante:

La démission du Premier Ministre Salomón Lerner et la nomination de son successeur, Óscar Valdéz [9], auparavant Ministre de l’Intérieur, a permis l’arrêt inattendu de cet affrontement. Ce changement [10]a été la montre d’un compromis politique au sein du gouvernement tout autant que d’un changement de stratégie pour résoudre ce conflit social.

Ainsi donc, alors qu’à Cajamarca, on réclamait la fin de l’état d’urgence [11], le gouvernement  menait une campagne d’information sur ses investissements [12] dans la région tout en demandant la mise en place d’une table de négociations et en annonçant le recours à une expertise internationale [13] afin d’évaluer les dommages environnementaux que pourrait engendrer le projet Conga.

Quelques jours après, l’état d’urgence a été levé [14] tout comme les mesures prises pour faire pression. Puis, lorsqu’enfin le dialogue a été rétabli [15]à Cajamarca, on a assisté à une nouvelle controverse sur la représentativité des participants à cette table de négociation, des déclarations ayant été faites sur la non validité en tant qu’interlocuteur [16]du Président du Front de Défense des Intérêts de Cajamarca, Wilfredo Saavedra, lequel serait d’après celles-ci membre du MRTA [17] (Note de la Traductrice: mouvement révolutionnaire Túpac-Amaru). Comme il fallait s’y attendre, ce dialogue s’est aussi achevé [18]sans qu’aucun accord n’ait pu être conclu.

Quelques jours après, l’Exécutif a appelé [19], cette fois-ci à Lima, [20]à un nouveau dialogue auquel  ont pris part plusieurs  représentants des autorités de Cajamarca [20] mais pas le Président régional [21], Gregorio Santos. Bien que cette réunion se soit effectivement terminée par quelques accords [22], certains secteurs de Cajamarca se sont déclarés “trahis” [23]par ceux qui les ont signés. Puis, de nouvelles manifestations ont été annoncées [24]en tout début 2012. De plus, la Région de Cajamarca, via une ordonnance, a déclaré non viable le projet Conga [25]. Sur quoi, le Conseil des Ministres a annoncé qu’il porterait plainte contre Santos [26] pour avoir pris cette ordonnance.

C’est dans ce contexte de tension que, le 2 janvier, les manifestations ont repris [27] à Cajamarca. Bien que d’un côté, il ait été rapporté [28]qu’elles n’ont pas été très fréquentées, il a été dit [29]d’autre part que les marchés demeureraient fermés et que les manifestations se poursuivraient [30]. Il a été aussi annoncé [31] que se tiendrait une nouvelle réunion pour discuter du projet Conga le 13 janvier et que la marche pour l’eau préalablement annoncée aurait lieu au niveau national le 27 janvier.

Comme il fallait s’y attendre, les blogueurs se sont exprimés sur le sujet. Juan Sheput de Mate Pastor fait ce commentaire [32] par exemple :

Le Président régional, Gregorio Santos, a ratifié l’ordonnance qui déclare non viable le projet  Conga. Il se fiche de la menace conséquente de révocation, non seulement parce qu’elle provient d’un courant politique aussi discrédité moralement que le fujimorisme (NdT : le fujimorisme est un courant politique péruvien de la droite conservatrice, pro-capitaliste et anti-communiste)  mais aussi parce que, selon l’information passée inaperçue à Lima, Gregorio Santos est considéré comme l’homme de l’année à Cajamarca.

Dans le blog Sin Patrones, il nous est offert [33] des photos des récentes manifestations.

Une autre des institutions remises en question pour avoir signé l’acte dans le dos du peuple est la Municipalité départementale de Cajamarca, représentée par son maire. Les manifestants s’y sont aussi rendus.

Un article a été publié dans plusieurs blogs. Il s’agit de l’article intitulé “La soif de l’or de Cajamarca : les raisons d’exploiter Conga” [34], de Jorge Tejada Campos, un  enseignant de l’Université nationale de Cajamarca. Il mentionne entre autres choses :

Le Premier Ministre a exposé son avis sur les résultats de l’expertise, disant qu’elle servirait à résoudre les problèmes et à expliquer aux habitants de Cajamarca les avantages du projet. En un mot, son regard quant à cette expertise a pour but de nous montrer combien nous sommes stupides, combien nous ne comprenons pas ce que signifient les “bénéfices de l’activité minière”. […]

Dans les termes de référence, il est signalé que les experts seront des personnes physiques, qu’il n’y aura pas d’expertise internationale pour atténuer les possibles impacts négatifs et proposer de meilleures solutions. L’expertise internationale a disparu, il est exigé la confidentialité, ce qui signifie que tout se fera en secret comme cela a été le cas pour les eaux du fleuve Rio Grande entre la compagnie minière Yanacocha et la SEDACAJ (Note de la Traductrice: entreprise prestataire de services en matière d’assainissement à Cajamarca). L’examen se faisant au Ministère de l’Energie et des mines, l’expert choisi aura alors seulement à travailler par écrit à Lima, à aucun moment il ne sera nécessaire qu’il aille à Cajamarca, ou dans la zone des opérations minières. Tout, absolument tout, sera réglé afin que soit exécuté ce Projet.

Les opinions divergent [35] bien entendu sur la nature des manifestations à Cajamarca et sur la manière dont tout ceci pourrait affecter la gouvernance :

En dépit de sa fragmentation chaotique, la droite au Pérou semble curieusement s’orchestrer et cela lui permet, via divers chemins, d’en arriver au même dangereux point : la paralysie de l’Etat péruvien. […] Du fait que les partis de droite ne soient soumis à aucune direction unifiée et ne soient que des conglomérats d’agitateurs, de fous et de terroristes frustrés, il est très probable que chacun suive sa propre ambition et que cela aboutisse à la configuration d’un scénario de chaos social et politique non toléré par le gouvernement d’Ollanta Humala. La situation pourrait bien à un moment donné, de manière inévitable et effective, déboucher sur la militarisation du pays. Je crois, sans crainte de me tromper, que la droite joue avec le feu. Malheureusement, celle-ci est une composante non seulement virulente et irrationnelle mais irresponsable aussi.

Quant à la suite des évènements et de leur déroulement relativement au projet Conga, il reste non seulement à attendre les résultats de la réunion programmée le 13 janvier, ainsi que le démarrage et la conclusion de l’expertise réclamée par l’Etude d’Impact environnemental (EIA) du projet minier mais aussi à voir comment va se dérouler la marche pour l’eau qui est  annoncée.

Photo [36] de l’utilisateur de Flickr tehzeta [37] sous la licence Atribución-CompartirIgual 2.0 Genérica (CC BY-SA 2.0) [38]