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De Sidi Bouzid a Kinshasa : 2011 en Afrique Francophone

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Afrique Sub-Saharienne, Algérie, Cameroun, Côte d'Ivoire, Maroc, République Démocratique du Congo (RDC), Sénégal, Tunisie, Droits humains, Élections, Guerre/Conflit, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique, Relations internationales

Ce billet fait partie des dossier de Global Voices sur

Marwane Ben Yamed de Jeune Afrique, résume succinctement mais précisément l'année que 2011 a été pour l'Afrique francophone quand il écrit [7]:

Quelle année !

En effet, il serait un euphémisme de dire que 2011 a été une année mouvementée pour le continent africain. L'habituelle rétrospectivede fin d'année ne ferait pas justice aux changements épiques qui ont transformé le continent de haut en bas, entraînés par le courage collectif de ses citoyens, qui ont fait face a une répression violente tout en s'efforçant de se detacher de diverses dictatures.

À travers les yeux des médias citoyens locaux, voici quelques-uns des faits saillants de la très mouvementée année 2011, une année qui a laissé de nombreux journalistes citoyens à bout de souffle, d'espoir et désillusionés à la fois.

Tunisie

Tout a commencé à Sidi Bouzid, où les manifestants ont décidé contre toute attente et 40 ans de régime policier autoritaire de Ben Ali que ”Dorénavant, on a plus peur [8]“.

Sidi Bouzid banner illustration from Nawaat.org

Une banniere illustrant Sidi Bouzid sur Nawaat.org

Les prédictions de Mohamed Ali Chebâane ont pris un tout nouveau sens depuis qu'il a écrit au président Ben Ali,  le 29 décembre 2010 [9]:

Vos jeunes se sont soulevés et il sera difficile de les faire taire : Ils s’immolent, s’électrocutent, et je ne pense sérieusement pas que des coups de matraques ou des longues nuits dans les commissariats vont leur faire peur.

Les manifestations dans les rues tunisiennes ont abouti à la chute du régime de Ben Ali [10], l'initiation du processus vers une nouvelle constitution [11] et l'élection d'un nouveau président par intérim. [12]

L'esprit de Sidi Bouzid a été repris dans de nombreuses autres nations en Afrique du Nord et de l'ensemble du continent africain en général.

Gabon

Quelques semaines après la chute de Ben Ali, la nation Gabonaise a également éclaté [13] [13]dans des manifestations [13] contre le régime du président Ali Bongo Ondimba, fils du dictateur de longues date Omar Bongo. Soupçonnant des fraudes électorales, les leaders de l’opposition ont formé un contre gouvernement le 26 janvier 2011, avec le candidat à la présidence André Mba Obame comme  président auto-proclamé.

Après des semaines de protestations qui ont été réprimées [14] violemment par le gouvernement [14], le soulèvement [15] n'a pas entraîné de changement politique [15], mais la révolution tunisienne a clairement inspiré les citoyens gabonais.

La bannière ci dessous tenue par les manifestants résume en quelques mots à quel point la Tunisie a inspiré d'autres pays :

Meyo-Kye, North Gabon, 2 February, 2011. Banner reads: "In Tunisia, Ben Ali left. In Gabon, Ali Ben out." Image provided via Julie Owono

Meyo-Kyen dans le nord du Gabon, 2 fevrier 2011.Bannière des manifestants qui exigent le depart d'Ali Bongo. Image via Julie Owono

Algérie

Les citoyens algériens ont également réagi en rendant les autorités responsables [16] des niveaux élevés de corruption, du chômage et dela hausse des prix des produits de première nécessité. Les inégalités se creusent, même si le pays est le quatrième exportateur mondial de pétrole brut en Afrique et un important producteur de gaz naturel.

Les manifestations ont débuté peu après celles en Tunisie [17] et ont culminé le 12 février 2011 (# Feb12). D'autres manifestations ont suivi pendant une semaine dans plusieurs villes et toutes ont été durement réprimées par le régime du président Abdelaziz Bouteflika [18]. Finalement, les manifestations ont été interdites, minées par les mesures répressives violentes [19] et un blocus médiatique [20] de la presse nationale.

Devant ce statu quo, quelques blogueurs algériens sont devenus  désabusés quant à l'idée d'une “révolution arabe”. Khaled Satour écrivait en février 2011 [21]:

Nous devons nous libérer de cet appel a une “révolution arabe” qui nous trompe en pensant que l'ardoise a été nettoyée et que toutes les alliances sont possibles. Malheureusement, nous connaissons déjà quelques-uns des apôtres de la”démocratie” qui protestent à nouveau.

Maroc

Un autre mouvement pour la démocratie a fait bourgeonner des manifestations dans les rues du Maroc. Le mouvement du 20 fevrier [22] demandait des réformes [23] qui favoriseront une meilleure démocratie et réduiront la corruption. Le mouvement de jeunes n'a pas entraîné de changement structurel fondamental dans le royaume du Maroc, mais certaines réformes ont été accordées par le Roi.

Dans la vidéo suivante, les membres du mouvement donnent des informations sur qui ils sont et pourquoi ils protestent [en arabe]:

Côte d'Ivoire

Apres une élection presidentielle controversée en 2010 opposant Laurent Gbagbo contre Alassane Ouattara, la Côte d'Ivoire a été secouée en 2011 [24] par une deuxième guerre civile en moins d'une décennie qui a abouti à l'arrestation du président Gbagbo dans son domicile le 11 avril 2011.

Protests at the French embassy in Berlin, against French military intervention in Cote d'Ivoire. Image by Thorsten Strasas, copyright Demotix (09/04/2011). [25]

Manifestations a l'ambassade de France a Berlin contre l'intervention militaire francaise en Cote d'Ivoire. Image de Thorsten Strasas, copyright Demotix (09/04/2011).

Les réseaux sociaux tels que Twitter et Facebook ont joué un rôle important [26] dans le partage d'informations en temps réel [27] sur le terrain pendant la crise, mais les médias citoyens ont également été souvent utilisés comme vecteurs pour la haine [28]. Pour contrer cette mauvaise utilisation des technologies de l'information, les médiaux sociaux ivoiriens ont organisees des actions sur les médias citoyens [29] pour promouvoir la paix [30] et des efforts humanitaires [31] durant la crise et dans la période de récupération post-crise.

Edith Brou, une specialiste en réseaux et communication à Abidjan explique comment les médias sociaux peuvent faire une différence [32]:

@edithbrou [33]: Twittons utiles, twittons efficaces, pour sauver des vies, vi@ le Web ivoirien.#civsocial [34]… Un seul tweet peut faire la difference, le tien

Un exemple concret de telles actions a été décrit par Cartunelo qui tweetait pendant la crise ivoirienne :

@cartunelo [35]: #civsocial besoin d un médecin à la star 6 la soeur d'une amie vient de prendr une balle!si oui,ses contacts svp!très urgent!!! # Civ2010

@cartunelo [36]: Grâce a votre aide,l ‘hémorragie s'est arrêtée. Maintenant, nous avons besoin de médicaments. Contactez le 10003480/03784354

Cameroun

Malgré le nombre élévé de candidats pour l’élection présidentielle au Cameroun [2] qui a eu lieu le 09 octobre 2011, le statu quo est resté en place et Paul Biya est resté au pouvoir [37]. La campagne avant les élections n'a pas eu beaucoup d'intensité alors que beaucoup de Camerounais semblaient résignés à la réélections de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982.

Les blogueurs semblent principalement blâmer le manque d'alternative à la politique camerounaise, l‘incapacité de l'opposition [38] à présenter une alternative crédible et un front uni contre Paul Biya [39] :

18 personnes ont recueillis un total de 5,01%! Quelle blague! Rendez-nous nos dizaines de millions que vous avez reçu pour la soi-disante campagne ! Nous ne vous connaissons pas ! L'opposition toute entière n'atteint même pas 25% des bulletins de vote, quelle honte !

République Démocratique du Congo

Le résultat de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo qui a eu lieu le 28 novembre 2011 est encore contesté par le candidat de l'opposition Etienne Tshisekedi. Les résultats officiels ont  annoncé que le président sortant Joseph Kabila avait gagné les élections mais le processus électoral a été entaché d'allégations de fraude [40] [en anglais].

Les résultats officiels ont provoqué des émeutes et des violences à Kinshasa et dans d'autres villes de République Démocratique du Congo. La colère était aussi partagée par la diaspora congolaise à l'étranger où des troubles ont eu lieu dans plusieurs villes d'Europe et d'Amérique du Nord [41] [en anglais].

Des blogueurs congolais ont relevé de nombreuses irrégularités pendant la campagne pré-électorale [42]. Alex Egwete a détaillé l'une des questions qui a été posée pendant la période pré-électorale [43] [en anglais]:

La commission électorale est au centre d'une autre controverse, cette fois sur la découverte des ureaux de vote fantômes dans la «cartographie» des bureaux de vote que la CENI a publié récemment. Certains groupes d'opposition et de journalistes ont donné au président de la CENI Daniel Ngoy Mulunda Rev 72 heures pour trouver une explication cohérente a ces bureaux de vote fantômes.

Sénégal

Le Sénégal [44] a aussi connu sa part de protestations en 2011 [45]. Les revendications [46] ont été stimulées par le népotisme [47]du président Wade en faveur de son fils Karim et par des pannes de courant fréquentes toute l'année. Les élections présidentielles [48] sont fixées pour le 26 février 2012 et de nombreux observateurs craignent que les troubles s'ensuivent.

Des manifestations récentes – en décembre dernier – ont mis l'accent sur ​​ l'affaire Barthélemy Dias [49], un membre de l'opposition qui a été arrêté pour un homicide présumé :

Une situation née des violentes manifestations produites à Dakar par des jeunes de l’opposition pour réclamer la libération de Barthélémy Dias.
Les forces de police comme celle de la gendarmerie sont aux aguets pour parer à toute éventualité.

Ces manifestations violentes ont commencé à Dakar où les jeunes de l'opposition ont exigé la libération de Barthélémy Dias. Les forces de police sénégalaises se préparent contre de possibles troubles.

Ce billet fait partie des dossiers de Global Voices sur