[Liens en anglais] Le 17 Janvier 2012, une émission TV du matin a été diffusée sur le réseau d'informations de la chaîne de TV pakistanaise Samaa dans laquelle l’animatrice, Maya Khan, et un groupe de femmes d'âge mûr ont été vues ratissant les parcs de Karachi. Leur seul objectif était de dénoncer les couples visitant les parcs pour se retrouver ensemble à l'insu de leurs gardiens.
Dans ce reportage on a vu le groupe pourchasser les couples autour du parc, obligeant ainsi beaucoup d'entre eux à fuir, pister d'autres pour les enregitrer sans leur consentement. Lorsqu'ils ont demandé à maintes reprises que la caméra soit éteinte, on leur a dit qu'elle l'était, mais l'équipe de Sanaa a continué à filmer discrètement, avec le son.
Durant ce reportage, les couples ont également été invités à prouver qu'ils étaient mariés et produire leur certificat de mariage à la présentatrice, Maya Khan.
Cet incident a provoqué de vives protestations parmi les utilisateurs des médias sociaux au Pakistan, et beaucoup ont réagi comme Mehreen Kasana, qui a dit:
Vous savez, les filles tombent amoureuses presque tous les jours de la semaine tout comme les garçons. Parfois elles prennent la bonne décision, d'autres fois elles font des erreurs. C'est ce qu'on appelle être humain. Mais croyez-moi, ils n'ont pas besoin d'une équipe de femmes d'âge mûr pour les traquer dans des lieux publics afin de les éclairer sur leurs décisions. Et croyez-moi, leur mère s'occupera de tout ce qui pourrait arriver. Personne n'a demandé à vous ou à quelqu'un d'autre de prendre la responsabilité de les espionner.
Le tollé qui a suivi la diffusion de ce reportage était devenu apparent sur Twitter et Facebook partout au Pakistan. Shah Bina dans son article pour la Tribune de remarquer:
Maintes et maintes fois l‘éthique de nos médias a été remise en question, en tant que moyens pour atteindre le sensationnalisme afin d'obtenir la plus grande audience. La chaîne de télévision en question s'expose ainsi à des poursuites judiciaires par les victimes de son harcèlement qui sont représentées dans le reportage sans leur consentement. Diffuser ce reportage peut réveiller également les pires instincts de notre société hypocrite, en portant un jugement moral au nom des valeurs familiales sur deux personnes innocentes, ce qui relève du plus irresponsable journalisme que l'on puisse trouver aujourd'hui au Pakistan.
Un groupe peu structuré d'activistes de la société civile à ce stade a téléchargé et lancé une pétition en ligne [close à présent] contre ce spectacle intitulé “STOP” Subah Saverey maya kay Sath “autodéfense à la manière de Lal Masjid”. Des dizaines de personnes se sont également plaintes auprès de la PEMRA (autorité de régulation des médias électroniques du Pakistan ) via ce formulaire en ligne.
Le 22 Janvier, l'avocat Oussama Siddique a rédigé une brève lettre exprimant son indignation contre le comportement très intrusif, invasif et potentiellement irresponsable de la part de l'animatrice. Cette lettre et une autre lettre de suivi ont été envoyées par un groupe de citoyens à Zafar Siddiqi (président de CNBC Pakistan, auquel laquelle la chaine de télévision Samaa est affiliée).
Beena Sarwar, un activiste de la société civile profondément impliqué dans cette protestation a remarqué dans un billet intitulé “Non aux tantines vigiles” :
La première fois que j'ai vu un lien vers cette émission c'était le 22 janvier, partagé par un groupe sur Facebook le 21 Jan 2012. Moi, et beaucoup d'autres, avons commencé à partager les liens Youtube sur Facebook et Twitter. Au fur et à mesure que l'information se répandait, l'indignation grandissait.
Les gens ont été choqués par le niveau d'intrusion et de voyeurisme à l'écran. De l'Inde, des commentaires ont été publiés sur Twitter à propos de la brigade de veille Saffran qui s'est fait connaître pour avoir amené des couples dans des temples pour les forcer à se marier instantanément. Ce qui m'a rappelé que la mentalité contre laquelle nous protestons ne se limite pas qu'au Pakistan.
A la date du 23 Janvier la pétition en ligne mentionnée avait recueilli 4800 signatures et plusieurs articles ont été écrits sur ce qui n'allait pas avec ce genre de journalisme ; cette pression combinée a entraîné le retrait de la page de Maya Khan de Facebook et par la suite le retrait du lien YouTube pour ce reportage.
Dans son programme du 23 Janvier, Maya Khan s'est excusée pour cet épisode et a mentionné à maintes reprises que ce n'était pas destiné à blesser des gens. Toutefois, en ce moment les militants de la société civile ont demandé des excuses publiques et inconditionnelles ainsi que la suppression de cette émission. Des efforts ont également commencé afin de contacter les responsables de ce réseau et plus particulièrement ce programme.
La chaine Samaa TV a répondu à la lettre qui lui a été envoyée en demandant des excuses inconditionnelles de la part de Maya Khan, ce qu'elle a refusé, par la suite, le Janvier 28, M. Zafar Siddiqi a répondu pour informer le groupe que les contrats de Maya Khan et de son équipe ont été résiliés et que son programme n'allait plus être diffusé à partir du 30 janvier.
Aujourd'hui, donc, c'est le premier jour que le programme n'est pas retransmis. C'est un tournant dans l'histoire de l'audiovisuel et des médias sociaux au Pakistan : le monde de la télévision comprend que, bien qu'il lui soit permis de pousser les limites qui lui sont fixées, il y a des règles qui doivent être respectées. En tout cas, c'est un bon précédent pour la société civile que de réagir afin de faire respecter des droits comme la vie privée et la liberté d'avoir des contacts sociaux sans harcèlement public au Pakistan.