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Ethiopie: la liberté d'expression en péril

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Ethiopie, Liberté d'expression, Médias citoyens, Advox

Plus de dix journalistes ont été emprisonnés en Ethiopie depuis juin 2011, et selon le Comité de Protection des Journalistes, environ 25% des journalistes exilés d'Afrique proviennent d'Ethiopie, faisant du pays le principale ennemi des plus importantes forces de lutte pour la liberté d'expression : les journalistes, les blogueurs et les dissidents politiques.

Deux parmi ceux qui ont été emprisonnés, Martin Schibbye et Johan Persson [1] sont des journalistes suédois qui ont été étiquetés par le Premier Ministre Meles Zenawi de complices du terrorisme [2]. Ils sont en train de purger des peines de 11 ans [3] pour “soutien” et “encouragement” [4]au groupe rebelle interdit Front de Libération Nationale de l'Ogaden [5] (FLNO) et entrée illégale dans le pays.

Trois autres journalistes locaux viennent de recevoir [6] des peines de 14 à 16 ans  et de lourdes amendes pour délits “liés au terrorisme”. Le blogueur exilé Elias Kifle [7] a été  condamné par contumace à la prison à vie. Un autre journaliste et blogueur, Eskinder Nega [8], qui est accusé de six différents délits de terrorisme encourt la peine de mort.

Emprisonnés en Ethiopie: à gauche, Martin Schibbye et Johan Persson. Photo avec l'aimable permission de freejohanandmartin.org

Nicholas Kristof attire l'attention [9] sur la situation de plus en plus alarmante des journalistes en Ethiopie avec ses critiques acerbes du gouvernement du Premier Ministre Meles Zenawi :

Dans des pays comme l'Ethiopie, il n'existe pas d'institutions de surveillance des droits humains fiables pour créer des contre-pouvoirs. Il n'existe pas de système d'élection libre, de système judiciaire indépendant, de structure de partis d'opposition ou tout autre mécanisme de garantie de l'impartialité du régime. De ce fait l'un des rares moyens d'assurer la transparence passe par les journalistes locaux et internationaux. Et lorsque  Meles ou un autre dictateur arrêtent ces journalistes ou les poussent à l'exil, ce sont les citoyens du pays qui sont les perdants.

Les organisations de défense des droits humains et de la liberté de la presse font en permanence campagne pour la libération de journalistes emprisonnés. Le Comité de Protection des Journalistes [10](CPJ) basé à New York, Reporters Sans Frontières [11], Index on Censorship [12] et la Fédération Internationale des Journalistes [13] se plaignent tous du traitement des journalistes par le pouvoir éthiopien.

Image de Facebook appelant à la libération de tous les prisonniers politiques. Image avec l'aimable permission de la page Facebook de Ethiopia Mitmita .

Endalk résume [14] le tollé général de la presse et met en exergue le contexte dans lequel les journalistes suédois avaient été poursuivis par les tribunaux éthiopiens. Il ajoute : [14]

Mes articles comprennent des analyses de la façon dont les médias éthiopiens tant privés que d'Etat couvrent les procédures judiciaires ; comment David Isaac, Suédois et Erythréen, était présenté dans les médias d'Ethiopie et l'état de la liberté d'expression en Ethiopie qui continue à brandir les arrestations et accusations de journalistes et de leaders de l'opposition. Ce mal-être est plus visible dans le paysage médiatique éthiopien depuis la ratification de la controversée proclamation anti-terroriste de 2009 qui a abouti à la fermeture des journaux indépendant, aux accusations, détentions et expulsions de journalistes et blogueurs hors de leur pays.

L'opposition des internautes au pouvoir de Meles Zenawi a pris un nouvel élan lorsque Kristof a demandé  [15]à ses abonnés sur Twitter de parler des apparitions de Meles à Davos, en Suisse. Kristof voulait demander à Meles pourquoi il a poussé plus de journalistes à l'exil dans les dix dernières années que tout autre chef d'Etat dans le monde. Il a écrit [15] :

Je suis à Davos, en Suisse, pour la réunion annuelle du Forum Economique Mondial, et Meles aussi. Ça fait plusieurs jours que je le poursuis, et que j'essaie de l'avoir face à face pour le questionner sur sa voie de plus en plus brutale. Il a refusé de me voir, j'ai donc enrôlé (https://twitter.com/nickkristof) mes abonnés sur Twitter pour rapporter les apparitions de Meles. Je veux lui demander pourquoi il a poussé plus de journalistes à l'exil dans les dix dernières années que tout autre dirigeant de la planète, selon le Comité pour la Protection des Journalistes à New York.

Ethiopian blogger and journalist, Eskinder Nega, is facing the death penalty. Photo courtesy of FreeEskinderNega.com [16]

Le blogueur et journaliste éthiopien Eskinder Nega encourt la peine de mort. Photo reproduite avec l'aimable autorisation de FreeEskinderNega.com

Un lecteur anonyme a répondu  [17]à la tribune de Kistof :

Meles a embobiné ou intimidé de nombreux journalistes occidentaux pour les empêcher de décrire les épreuves des Ethiopiens. Kristof est l'exception qui les expose. Meles est un dictateur extrêmement sophistiqué qui a coincé le marché de la communication ou de la feinte en achetant sénateurs, députés du congrès, éditorialistes et professeurs avec argent et mensonges, s'érigeant en leader. En même temps, il gouverne l'Ethiopie comme son fief en confisquant terres et activités, en refusant l'accès à la technologie et aux droits de propriété, tout en appliquant les châtiments les plus rigoureux aux journalistes et membres de la société civile qui s'opposent à sa politique. Pour contrer toute révolte de type Printemps arabe, il a élaboré une loi anti-terroriste, là où c'est lui le terroriste le plus dangereux de tous en ce qui concerne les Ethiopiens.

La page Facebook d'Addis Neger a donné un lien  [18]vers une pétition [19] réclamant la remise en liberté des journalistes suédois en Ethiopie. Plus de 1300 personnes ont signé la pétition de Kelsey Crow, et le nombre des signataires croît rapidement, au rythme d'une centaine par heure. Les internautes se demandent cependant pourquoi la pétition ne prend pas en compte les journalistes éthiopiens compagnons de malheur de leurs confrères suédois.

Ethiopia Mitmita [20] commente sur la page d'Addis Neger :

Où est la pétition pour notre journaliste ????

Un autre utilisateur de Facebook demande :

Pourquoi la pétition n'est-elle que pour les journalistes suédois ? C'est vraiment très déprimant.

Habtom Gabreegziabher dit :

L'Ethiopie n'a rien fait que ce que tout autre pays ne puisse pas faire confronté à la même situation.
chacun doit savoir que le motif de l'arrestation n'était pas que les Suédois étaient des journalistes, ils ont été arrêtés parce qu'ils ont franchi la frontière souveraine d'un pays appelé Ethiopie.
puis-je vous poser une question,
Combien de gens se font arrêter aux états-unis parce qu'ils traversent la frontière d'Amérique du Sud quelle que soit leur occupation ??
Les Américains ont le droit de protéger leur frontière.
la différence dans notre cas est que les criminels qui franchissent notre frontière sont Suédois et Européens et nous sommes Ethiopiens et Africains.
CE N'EST PAS PARCE QUE QUELQU'UN EST RICHE QU'IL A LE DROIT D'ENTRER DANS MA COUR COMME IL VEUT. IL DOIT ME DEMANDER POLIMENT LA PERMISSION.

Le procès hautement politisé  [21]du blogueur Eskinder Nega se poursuivra en mars au milieu d'une protestation mondiale [22] pour sa libération.