L'incertitude continuait samedi 4 février à propos de la route panaméricaine, dont la chaussée était occupée par les autochtones depuis cinq jours, empêchant ainsi la circulation des véhicules. Les dernières informations indiquaient que les réseaux des mobiles avait été coupés dans la zone de conflit, laissant les manifestants et les personnes coincées dans les embouteillages sans aucun moyen de communication. Le journal en ligne La Prensa rapporte [en espagnol comme les liens suivants] :
Suite à de multiples plaintes d’usagers ayant essayé d’entrer en communication avec des personnes dans la zone est de Chiriqui où la route interaméricaine était bloquée, les services de téléphonie ont fait savoir que le service était suspendu sur ordre des autorités compétentes.
De précédentes expériences et l'apparente incapacité du gouvernement à négocier ont fait craindre une confrontation inévitable. Dimanche 5 février, le compte Twitter de la police nationale de Panama (@protegeryservir) faisait savoir qu’elle était parvenue à libérer les “personnes séquestrées” et à ouvrir par conséquent la route panaméricaine :
COMMUNIQUE N°1 : Nous informons les citoyens qu'en 1h30 ont pu être libérés les séquestrés de la route panaméricaine…
Le manque de communication par mobiles a fait que les événements ont été connus lentement et un peu bizarrement. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses rumeurs ont circulé concernant le temps et les moyens utilisés pour ouvrir la route. Plus tard, la police a confirmé sur son compte Twitter qu'un homme était mort dans des circonstances non élucidées.
COMMUNIQUE N°2: Nous confirmons la mort d’un homme identifié a priori comme étant Jerónimo Montezuma. Les causes de son décès sont examinées…
L’ouverture de la route par la force n’a pas mis un terme au problème, bien au contraire. Cela a engendré le chaos non seulement sur la panaméricaine mais aussi en divers endroits du pays où plusieurs mouvements et syndicats se sont rassemblés pour manifester leur soutien aux autochtones. La violence des faits a fait l’objet de critiques et les réseaux sociaux se sont emplis de photos et de vidéos de l'intervention policière. L’utilisateur de YouTube hjuonnieful a mis en ligne la vidéo suivante qui montre la répression policière dans un hôpital le 5 février:
Le lundi 6 février, des routes en divers endroits du pays ont été fermées. Les autochtones ont eux aussi commis des violences et incendié au moins deux commissariats de police. Très vite, on a assisté à une guerre médiatique, la police niant ce qui était montré par les médias et le Ministre de la Sécurité Raúl Molino critiquant les mensonges.
Le blogueur panaméen “Puppetmaster” s’en plaint sur son blog Oye-pty :
Que cherche la police nationale, notre principale institution sécuritaire, en démentant via son compte Twitter @ProtegeryServir les affrontements qui ont eu lieu entre les autochtones et les forces armées alors que ceci a vraiment eu lieu ? Grâce à Dieu, il est des preuves en images de cette hystérie “inutile” selon eux de la population grâce au travail de photo-journalistes et à celui particulièrement excellent d’Eliezer Oses du journal La Estrella où l’on peut voir un policier en uniforme faire usage de son arme réglementaire, malgré les dénégations de la police.
De la même manière, Joao Q. critique dans son blog Mediocerrado le mode de communication du Ministre de la Sécurité et, au passage, rappelle le scandale de l’achat de radars “surfacturés”:
Un homme meurt lors des manifestations. Des témoins disent que c'est par balle. D’autres en ont des preuves grâce à des douilles de 9mm. Elles sont montrées aux objectifs, aux caméras de télévision. Le Ministre nie tout usage d’armes à feu dans les manifestations. Il allègue que les douilles de 9mm n’appartiennent pas aux armes réglementaires de la police. Il qualifie de menteurs ceux qui ont mentionné les douilles de ce type d’armes de guerre. Le Ministre a une expression ironique au visage en déclarant tout ceci sur la chaîne nationale. Sa coiffure grotesque – il ressembla à Pepe le Pew – (Note de la Traductrice: l’auteur fait référence au putois noir et blanc appelé “Pepe le Putois” qui est un personnage des cartoons Looney Tunes) a été fixée par un gel coûteux acheté en Italie avec de l’argent sale. On peut imaginer bien des choses au milieu de tant d’incertitudes. Mais il y a des radars témoins.
Cependant, il en est aussi qui condamnent la manière dont se sont comportés les autochtones tel Luis Felipe Manfredo (@luismanfredo) qui indique que si l’industrie minière ne détruit pas le Panama ce sont les autochtones qui le feront :
Je crois qu’avant même peut-être une quelconque destruction par l’industrie minière, ce sont les autochtones qui vont volontairement détruire le Panama.
Par ailleurs, quelques-uns ont aussi manifesté leur soutien aux actions menées par la police nationale. Clemente Yoell (@CYoell07) par exemple, remercie la police d’avoir rempli son devoir constitutionnel: :
@protegeryservir ILS ONT FAIT CE QU’ILS DEVAIENT FAIRE DE PAR LA LOI ! Félicitations!
Le mardi 7 février, les esprits ont continué de s’échauffer alors qu’étaient entamées des négociations dont les Panaméens espéraient qu’elles ramèneraient la paix.
La chef autochtone Silvia Carrera (@CaciqueGeneral) a parlé dans son compte Twitter du dialogue qui a débuté avec la médiation de l’Eglise catholique.
Nous sommes en train d’entamer un dialogue avec le gouvernement en compagnie de Monseigneur Lacunza et du Père Adonaí
C. Bernal (@cacike1976), lequel se décrit dans sa biographie comme “un père et un époux ngäbe fier de son peuple d’origine”, dit aussi dans deux twits (1, 2) qu’il pardonne au Président et aux Ministres pour le mal fait mais qu’il est impossible d’oublier.
Le peuple Ngäbe pardonne et ne souhaite pas de mal à Ricardo Martinelli, à son équipe ministérielle ainsi qu’aux unités de police qui ont assassiné nos frères et les milliers qui…
Vous qui nous haïssez, nous méprisez parce que nous réclamons la justice et pour le seul fait d’être des Ngäbes, nous vous pardonnons mais ON NE PEUT IGNORER ET OUBLIER les injustices commises.
A la date du 7 février, on comptabilisait un second mort, un jeune de 16 ans mais au moment d’écrire ce billet, on ne connaît pas encore les causes de sa mort comme l’indique le journal en ligne La Prensa :
Juan José Ibarra, le père du mineur mort hier soir lors d’un incident encore flou dans le canton de Las Lomas, dans la province de Chiriquí, a réclamé ce mardi 7 février une enquête sur sa mort.
Enfin, à 18 heures, le mardi 7 février, le gouvernement a cédé aux revendications des Ngäbes Buglés, interdisant que la région serve à des fins d’exploitation minière ou hydrologique. Les Panaméens se demandent maintenant s’il était réellement besoin de tant d’hésitations et de morts pour parvenir à cet accord.
Karla Acedo (@karla_acedo) ne perd pas espoir que l’on en tire une leçon :
Vous voyez? C’est cela, s’asseoir pour dialoguer. Prenez en note maintenant et mettez-le toujours en pratique.