- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Sahel: Boko Haram et AQMI accentuent leur emprise sur la région

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Cameroun, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Gouvernance, Guerre/Conflit, Médias citoyens, Politique, Relations internationales

Depuis des mois les intégristes religieux islamistes ont intensifié la guerre contre le peuple et la république fédérale du Nigeria et tentent d'étendre leurs activités dans les autres pays sahéliens. Le 25 décembre 2011 Boko Haram a coordonné des explosions contre des chrétiens [1], notamment, une explosion prêt d'une église à Abuja qui a tué 37 personnes.  Le 12 décembre , une branche de AQMI qui s'appelle Jamat Tawhid wal Jihad fi Garbi Afriqqiya (Movement for Oneness and Jihad in West Africa – MOJWA) a publié une vidéo de 3 humanitaires européens kidnappés en Algérie [2].

Ces attaques suscitent des analyses, de vives préoccupations et des réactions sur la blogosphère ainsi que dans les pays voisins.

 

[3]

Des recrues de Boko Haram arrêtés par la police par @tianmine à Biafra

Philippe Hugon [4] dans un billet publié sur le site Grotius  livre son analyse [5] de cette dangereuse situation qui met en péril, en premier lieu, l’unité du Nigeria:

Dans la capitale de l’État des plateaux, à Jos, les conflits opposent ainsi les Fulani musulmans aux Berom chrétiens, deux populations qui disposent de droits différents. Quant aux mouvances islamiques du Nord, elles sont plurielles (soufisme des confréries traditionnelles, mouvements salafiste, maadhistes et chiites) avec 12 États (sur 36) qui ont instauré la charia.

Pour cet auteur, loin de faiblir, le mouvement s’accentue [5] et présente de sérieuses raisons de préoccupation:

 La question la plus importante, en raison des bouleversements intervenus en Libye, est à présent la prolifération de la nébuleuse AQMI. Le mouvement anti occidental Boko Haram, apparu après le 11 septembre 2001, localisé dans l’État de Borno développe désormais le djihadisme ; il s’est scindé en plusieurs branches dont l’une est proche des Chebabs de Somalie et d’Aqmi. Or par sa radicalisation et ses actions violentes, il favorise un clivage religieux engendrant un engrenage des violences, des représailles et de la répression.

Le 26 janvier 2012, l'ONU a publié un rapport [6]réalisé par une équipe qui s’est rendu dans plusieurs pays du Sahel pour enquêter sur l’impact local de la guerre civile en Libye. D’après ce rapport des groupes armés tels que la secte Boko Haram au Nigeria ou encore AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique) auraient eu accès à des caches d’armes dangereuses.

Antoine Barbizon a écrit un billet [7] à ce propos sur le blog geotribune.com un billet dans lequel on peut lire :

Les gouvernements et responsables des États dans lesquels s’est rendue l’équipe d’évaluation de l’ONU ont communiqué les informations en leur possession selon lesquelles de grandes quantités d’armes en provenance de Libye seraient parvenues illégalement dans de nombreux pays du Sahel. Livré clandestinement par d’anciens combattants de Libye, des soldats et des mercenaires à la solde du Colonel Mouammar Kadhafi, cet arsenal comprendrait des lance-grenades, des mitrailleuses avec visée inti-aérienne, des fusils automatiques, des munitions, des grenades, des explosifs ainsi que de l’artillerie légère montée sur véhicules. Ces armes seraient cachées dans le désert et une partie d’entre elles vendues aux groupes terroristes. Le rapport de l’équipe de l’ONU évoque également l’inquiétante perspective d’un rapprochement entre Boko Haram et AQMI, les deux groupes ayant décidé d’étendre leurs actions au-delà de leurs périmètres actuels.

Les populations des pays voisins ne cachent pas leurs craintes de cette situation et de ses risques de débordement. Ainsi au Cameroun, plusieurs internautes signalent une dangereuse évolution.

Elizabeth Kendal a écrit [8] sur son blog :

 Garga Aoudou, a community activist with a Dutch development organisation told IPS that Garoua has been “literally inundated with fliers inciting Muslims towards a hatred of Christians”. Aoudou continues, “Religious fanatics exhort Muslims to increase the number of marriages between young Muslim men and Christian girls in order to convert them to Islam, to refuse to rent houses or sell land to Christians – or to get them to move by raising the rent.”

Garga Aoudou, un agent communautaire travaillant avec une organisation néerlandaise de développement a déclaré à IPS que la ville de Garoua a été “littéralement inondée de tracts incitant à la haine des musulmans envers les chrétiens”. Aoudou continue, “les fanatiques musulmans exhortent à augmenter les mariages entre jeunes musulmans et jeunes filles chrétiennes afin de les convertir à l'islam, à refuser de louer des maisons ou vendre des terres aux chrétiens – ou à les pousser à déménager en augmentant les loyers “.

Sur le blog sanfinna.com, Jean Baptiste naudet, a écrit  [9]:  

 C’est l’un des pires cauchemars des services de renseignement. Et il est en train de se matérialiser. Au Nigeria, la secte islamiste Boko Haram (ce qui signifie « l’éducation occidentale est un péché » en haoussa) est en train non seulement de monter en puissance et de se radicaliser, mais surtout de devenir un centre puissant de l’arc du terrorisme qui va de la Mauritanie à la Somalie.

….Lors des attaques régulièrement lancées par la secte contre des commissariats, des églises ou des prisons dans le nord, les morts se comptent par centaines. Outre la montée de la violence, le développement de la nébuleuse terroriste d’Al-Qaida hors du Sahel inquiète car il correspond au retour des combattants subsahariens (pro-Kadhaf) de Libye, ainsi qu’à l’arrivée d’armes lourdes en provenance des arsenaux pillés de ce pays.

Le site mauritanien noorinfo.com écrit [10] :

La Mauritanie, l'Algérie, le Niger et le Mali sont confrontés à une insécurité croissante liée aux activités d'Aqmi et d'autres groupes criminels, ainsi qu'à l'afflux d'armes, dont de l'armement lourd, issues du conflit libyen

Les populations musulmanes comprennent qu'elles sont elles-aussi des otages et que les violences contre les chrétiens les concernent et qu’elles doivent s’impliquer dans la prévention. Ainsi, dans une interview accordée au site camer.be Ernest Djonga, Président régional de la Jeunesse Islamique du Nord a expliqué [11] les mesures prises par son mouvement et les autorités religieuses musulmanes pour faire face au défi que constitue la présence de la secte Boko-Haram dans le Nord du Cameroun :

Voyant le danger venir, nous avons sollicité l’intervention du Lamido [la plus haute autorité traditionnelle] de l’époque, le regretté Ibrahim Abbo, qui avait pris des dispositions fortes en réglementant la fonction de prédicateur et au niveau de la Jeunesse islamique du Cameroun, nous nous sommes attelés à superviser les différents thèmes à développer dans les 19 mosquées … [de] la ville de Garoua. Cette méthode s’est pérennisée sous le règne de sa majesté Alim Garga Hayatou. Des garde-fous ainsi posés nous ont permis de sélectionner les prédicateurs certifiés et agréés. ….

C'est dans ce contexte que de vieux conflits ancestraux qui couvaient se réveillent, comme au Nord du Mali où des milliers de personnes sont obligées de fuir leur village pour se réfugier dans les pays voisins.

Le site temoust.org, Survie touarègue, introduisant un communiqué sur les conséquences du conflit qu'il a publié signale [12] que:

 Au moins 30 000 personnes sont déplacées au Mali et vivent dans des conditions extrêmement précaires, à la suite des combats opposant l’armée malienne à des groupes armés dans le nord du pays depuis la mi-janvier. Le CICR porte assistance à des milliers d’entre elles, ainsi qu’à 15 000 autres déplacés au Niger voisin. Il a également pu visiter des détenus et soigner des blessés au Mali.