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Tunisie : Vif débat autour de la visite d'un prédicateur islamiste égyptien

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Egypte, Tunisie, Femmes et genre, Liberté d'expression, Médias citoyens, Santé

Wajdi Ghonim, un prédicateur islamiste égyptien, a récemment visité la Tunisie où il a donné une série de conférences. Sa visite a été au centre d'un vif débat sur les médias citoyens. Bien que plus de 10 000 personnes aient assisté à diverses conférences de Ghonim, il semble qu'il n'était pas le bienvenu en Tunisie.

En effet, cette visite de Wajdi Ghonim a provoqué la colère de nombreux Tunisiens, en raison de son soutien aux mutilations génitales féminines (MGF). A plusieurs reprises, il a décrit l'excision comme une simple “chirurgie plastique”. Il considère également les principes de la démocratie comme “interdits dans l'Islam”.

Mutilations sexuelles féminines 

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit [1] les mutilations sexuelles féminines comme toutes les “procédures qui, à dessein, modifient ou causent des blessures aux organes génitaux féminins pour des raisons non médicales”. Ces procédures ont des conséquences graves telles que des complications à l'accouchement, la stérilité et les infections des voies urinaires. Les MGF sont impopulaires en Tunisie et la visite de Ghonim, un partisan des MGF, a provoqué la colère des internautes.

Lilith pose [2] les questions suivantes :

Les Mutilations Génitales Féminines, bientôt en Tunisie ?

Elle écrit:

Ces pratiques sont inexistantes en Tunisie et ne font partie d'aucune de nos traditions (…) Par ses incitations à l’excision, en accusant d’apostasie ceux qui s’y opposent, et par la banalisation de cette pratique, en la décrivant comme une simple opération esthétique qui honore la femme, Wagdi Ghoneim imprègne insidieusement les esprits de ses admirateurs…

Sophie-Alexandra Aiachi déclare que les Tunisiennes ont besoin de mieux connaitre les MGF afin de pouvoir s'en protéger. Elle écrit [3] pour le blog collectif Nawaat.org :

Le Code du Statut Personnel regroupant plusieurs lois progressistes tunisiennes, promulguées le 13 aout 1956 mises en application sous Habib Bourguiba peu après l’indépendance du pays, a permis de donner a la femme une place unique et privilégiée d’abord dans la société tunisienne puis dans le monde arabe. Différentes lois progressistes peuvent illustrer le CSP comme le fait d’abolir la polygamie ou de permettre le divorce.

Ainsi, la femme tunisienne doit savoir défendre ses acquis et pour cela, elle doit comprendre la signification, l’origine et enfin la manière dont cette pratique s’est ancrée dans les mentalités, afin de pouvoir la combattre.

Elle complète la définition des MGF en indiquant les raisons qui la motivent et en expliquant leur lien avec la religion. Vous pouvez lire ici [3]le billet entier en français.

Xander a écrit un billet expliquant pourquoi les MGF sont une “pratique étrangère à l'islam”. Il dit [4] :

il faut souligner que l’excision féminine (khafd) n’a aucun fondement dans le Coran et aucun verset ne la cite explicitement ou implicitement(…)La pratique était répandue dans la Jahilia… Elle a aujourd’hui quasiment disparu partout dans le monde musulman sauf en Egypte (où elle est également réalisée par certains coptes) et dans certaines régions de l’Afrique subsaharienne (…)L’islam n’est pas cela, il est avant tout compréhension de l’essence du texte et guide. L’islam a aujourd’hui un terrible besoin de réflexion, de contextualisation et de recul, loin des prêches de prédicateurs incultes et violents.

Riadh El Hammi a une opinion différente. Il a envoyé un tweet [5] :

Les “progressistes” préfèrent se focaliser sur l'excision… un détail futile qui n'est pas d'actualité en Tunisie. #Ghonim

Ghonim a le droit de s'exprimer
D'autres soutiennent que la loi tunisienne garantit à Ghonim le droit de s'exprimer, tant qu'il ne la viole pas.

Amira Yahyaoui a envoyé ce tweet [6]le 12 février :

Selon la loi tun la liberté d'association et de circulation sont garanties alors si #ghonim veut parler qu'il parle et s'il dérape, plainte.

Elle ajoute [7] :

Selon la loi tunisienne il est interdit de faire des meetings appelant à la violence ou à la haine, voilà. #ghonim

Karime Seliti a posé [8] la question suivante à ceux qu'il a décrits comme “prétendant être moderne et laïque” [arabe] :

ألستم من المنادين بحرية الفكر و التعبير و المعتقد، أوليس الشيخ وجدي غنيم يعبر عن رأي و يطرح أفكارا و يعتقد معتقدا يشاركه فيه جانب هام من مواطنيكم، لماذا ضقتم ضرعا بمحاضراته و أفكاره و رفعتم القضايا ضده لمجرد أفكاره، لماذا تحاولون تكميم الأفواه و طرد الشيخ من البلاد لمجرد القاء محاضرات الهزل و الضحك فيها أكثر من الجد، ألا يناقض هذا مع قيمكم الكونية وأخلاقياتكم العلمانية،. هل صار كل من يطرح فكرة تختلف عن أفكاركم تتهمونه بالدعوة للعنف والتطر

N'appelez-vous pas à la liberté de pensée, d'expression et de religion ? Cheikh Wajdi Ghonim n'exprime-t-il pas son opinion, soulevant des questions et croyant en quelque chose de partagé par la plupart de vos citoyens ? Pourquoi en avez-vous marre de ses conférences et des idées ? Pourquoi avez-vous porté plainte contre lui ? Pourquoi cherchez-vous à lui fermer la bouche, et à l'expulser du pays, pour avoir fait des conférences sur un ton plus humoristique que sérieux ? N'est-ce pas en contradiction avec vos valeurs universelles et de l'éthique laïque … N'êtes-vous pas entrain d'accuser quelqu'un d'avoir des idées différentes des vôtres, d'appeler à la violence et l'extrémisme ?

Tant que Wajdi Ghonim sera encore en Tunisie, le débat semble loin d'être terminé. Au milieu de tout ce vacarme, Meriem a tweeté [9]ce qui suit, en utilisant le hash tag #bhema (ce qui signifie l'idiotie en dialecte tunisien) :

#TNAC ils nous ont bien eu ac cette histoire de #ghonim entre temps ils ont pas écrit un seul mot de la constitution #tunisie #bhema