Cuba : Les blogueurs parlent de SOPA, de la culture et de la démocratisation de la connaissance

[Liens en anglais ou en espagnol] Depuis la mi-janvier 2012, le projet de loi anti-piratage, proposé par le Congrès des États-Unis, connu sous le nom SOPA / PIPA a suscité, dans le monde entier, une grande variété de réactions du fait de ses implications politiques et culturelles.

Les contributeurs de Global Voices ont donné aux lecteurs un aperçu des réactions des défenseurs d'un Internet libre dans toute l'Europe, en Asie et aux Amériques (ici , ici et ici). Les défenseurs d'un Internet libre aux États-Unis ont remporté une victoire importante en janvier quand les membres du Congrès ont accepté de retirer leurs projets de loi.

 

Teatro Karl Marx, by Edgar Rubio. CC: BY-NC-ND.

Théâtre Karl Marx, Cuba, par Edgar Rubio. CC: BY-NC-ND.

 

A Cuba, où très peu de citoyens utilisent régulièrement Internet, et où le concept d'un site comme Wikipedia ou BitTorrent reste étranger à la plupart des gens, quelques blogueurs ont apporté une perspective unique sur ce débat. Contrairement à de nombreuses critiques de SOPA / PIPA aux États-Unis et partout dans le monde, les blogueurs cubains ne se focalisent pas sur les implications techniques des lois proposées. Qu'ils soient indépendants ou affiliés à l'Etat cubain, ils voient SOPA / PIPA non pas seulement comme un ensemble de mesures juridiques qui pourrait étouffer l'innovation en ligne et l'ouverture, mais aussi comme une illustration de la façon dont les législateurs (et les industries de la musique et du cinéma) considèrent la culture et la créativité dans  la société américaine.

Karel Pérez Alejo, qui écrit pour Cubadebate [espagnol] et Trabajadores [espagnol], a formulé la question comme une polémique opposant la « société » ou « les 99% » et les plus chauds partisans de la législation :

Si bien algunos han analizado el fenómeno como la confrontación entre Hollywood y Silicon Valley, los millones de reclamos de los usuarios hablan de una guerra más profunda, entre una sociedad que busca manejar una información sin restricciones y un grupo de intereses que intentan seguir un obsoleto modelo de propiedad.

Alors que certains ont analysé le phénomène comme une confrontation entre Hollywood et la Silicon Valley, des millions d'utilisateurs parlent d'une guerre plus profonde, entre une société qui veut  gérer l'information sans restrictions et un groupe d'intérêts qui tentent de suivre un modèle obsolète de la propriété.

Sur Voces Cubanas, la blogueuse Regina Coyula a établi un lien entre SOPA / PIPA et la fermeture partielle par le FBI du site MegaUpload (version espagnole ici). Regina Coyula fait valoir que de telles fermetures, dont le nombre aurait probablement augmenté si la législation avait été adoptée, limitent l'accès à la connaissance et la culture pour des personnes qui ne peuvent y accéder autrement :

[Les autorités américaines], sous des allégations de piratage, ont empiété [sur] le droit de millions de citoyens du village planétaire de télécharger des contenus qu'ils ne devraient pas – ou ne peuvent pas – payer.

Sur La Pupila Insome [espagnol], Iroel Sánchez compare le paradigme des droits de propriété intellectuelle aux États-Unis au modèle cubain, soulignant ​​la façon dont le système éducatif de Cuba et ses politiques culturelles ont tenté de « démocratiser » la connaissance, et de la rendre facilement accessible à tous :

Cuba, con una formación masiva de profesionales universitarios….no hubiera podido desarrollar [su] capital humano sin una concepción democratizadora y no lucrativa del conocimiento…

Cuba, avec sa très importante population d'universitaires …. n'aurait pu développer [son] capital humain sans une conceptualisation démocratique et  à but non-lucratif de la connaissance …

Depuis qu'elles ont été introduites dans les années 1960, les politiques culturelles du gouvernement révolutionnaire ont généré des controverses amères sur le rôle idéologique des artistes dans la société cubaine. Mais elles ont également mis en place un solide système de soutien pour les artistes et les institutions culturelles. A Cuba, on peut assister aux spectacles du Ballet national pour quelques pesos de plus que le prix d'un billet de cinéma. La culture, les connaissances, et l'éducation sont censées être accessibles à tous les citoyens.

Cependant, quand il s'agit de la culture et la connaissance qui sont créées et échangées en ligne, la plupart des Cubains sont beaucoup moins bien lotis que tout citoyen des États-Unis. Pour ceux qui n'occupent pas des postes élevés au sein du gouvernement, de la recherche scientifique, ou en milieu universitaire, l'accès à Internet reste limité.

Internet est devenu un espace contesté à Cuba : les autorités gouvernementales et la presse officielle ont dénoncé la “cyberguerre” que feraient les Etats-Unis à Cuba ; le paysage apparemment sans limites de la culture et des connaissances accessibles en ligne est rarement mentionné dans la sphère publique. Les autorités cubaines ont décidé de limiter l'utilisation d'Internet, sans doute pour tenter d'atténuer les effets potentiels  des discours politiques indépendants en ligne sur la société et son impact sur l'activité économique.

Comme Iroel Sánchez, Coyula fait allusion à la nature totalement politisée des politiques culturelles de Cuba, mais porte un regard critique sur ce « système démocratique » d'échange de connaissances. Pour terminer, Coyula promeut la notion d'un équilibre, dans lequel les intérêts du marché et le bien public pourraient être harmonisés  :

C'est vrai qu'il y a une relation symbiotique entre l'art et le marché qu'Internet met dans les mains des consommateurs. Mais voir l'art comme une marchandise a abouti à la promotion de produits de qualité douteuse au détriment d'autres valeurs. […] À un certain moment, un équilibre doit être atteint entre les deux intérêts.

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