[Tous les liens sont en anglais] Le Saint Theresa’s College (appelé STC par la suite), une école catholique très réputée et réservée aux filles, dirigée par des nonnes, située sur l’île centrale philippine Cebu, a déclenché l’indignation quand elle a empêché cinq de ses étudiantes d’assister à la cérémonie de remise de diplômes pour avoir publié sur leur compte Facebook des photos sur lesquelles elles apparaissent en bikini.
Et ce, en dépit de la décision du Tribunal régional de première instance de Cebu obligeant l’école d'autoriser tous ses élèves à participer à la cérémonie. Les étudiantes concernées et leurs parents se sont plaints du manque d'une procédure disciplinaire en bonne et due forme ainsi que de la dureté et de l’application arbitraire des sanctions. L’établissement a simplement répondu que la décision du tribunal était érronée.
Les étudiantes ont accusé l’administration de l’école de les avoir agressées verbalement, les accusant d’avoir des « mœurs légères », d’être des « putains », des « alcooliques », des « droguées ». Elles ont affirmé que les photos étaient privées et que l’établissement avait eu accès à leur compte Facebook sans leur autorisation.
L’administration a déclaré de son côté que les photos contrevenaient au règlement scolaire car elles étaient « obscènes, provocantes sexuellement, et révoltantes pour toute personne décente ». Les cinq élèves se sont vues refuser l’entrée aux cérémonies, l’école les a officiellement déclarées diplômées en leur absence.
Certaines anciennes étudiantes « loyales » ont participé à la mêlée pour protéger la réputation de leur « alma mater » (expression utilisée pour parler de l’université qu'on a fréquenté, ndt) contre ce qu’elles considéraient être des attaques injustes.
Contrairement à la version des plaignantes, l’établissement affirme avoir suivi la procédure avec cinq jeunes femmes. D’abord, on leur a demandé d’écrire, avec leurs propres mots et de leur propre main, ce qu’inspiraient lesdites photos. Ces rédactions ont par la suite été lues et commentées. L’école a ensuite appelé les parents pour leur raconter ce qui s’était passé ; elle leur a expliqué quelles étaient les violations commises par leurs enfants et quelles en étaient les conséquences. Après les avoir informés, on a demandé aux parents de signer pour témoigner qu’ils étaient d’accord avec les sanctions appliquées, ce qu’ils ont tous fait.
Cependant, Momblogger, également diplômée de STC, concède que son université possède le droit d'avoir son propre règlement intérieur concernant les comportements, mais que ces normes devraient prendre en compte les récentes évolutions sociétales telles que les réseaux sociaux.
À cette ère des réseaux sociaux, cela ne sera pas la dernière fois que des étudiantes de STC posteront des commentaires ou des photos sur Facebook ou autres sites en ligne. Il serait temps que l’école de Cebu accepte certaines réalités et s’adapte à celles-ci avec une approche positive et constructive. Pourquoi utiliser un vocabulaire abusif – « de mœurs légères, alcooliques et droguées » pour les [les cinq étudiantes privées de remises de diplômes] décrire ? Les nommer ainsi n’aidera en aucun cas à obtenir un engagement constructif.
attyatwork.com partage le communiqué fourni par l’école pour se défendre, lors d'une conférence de presse organisée immédiatement après la cérémonie qui a provoqué l'affaire.
STC n’a pas piraté les comptes Facebook des filles, contrairement à ce que de nombreux journaux ont insinué dans leurs articles. Des étudiantes de l’école, qui n’aimaient pas les photos, ont évoqué le sujet auprès de l’administration de l’école. Celle-ci a toujours rappelé aux élèves d’utiliser les réseaux sociaux de façon responsable, pour leur propre protection et sécurité. Pour s’assurer que les élèves adhèrent bien à ce point, le règlement de l’école interdit de « poser et de télécharger sur Internet des photographies où le corps est exposé ».
Le groupe de presse universitaire, College Editors Guild of the Philippines, a lui condamné l’école pour avoir empêché des étudiantes de participer à la cérémonie, le groupe proclame que cela représentait une atteinte à leurs droits d'étudiants.
Nous saluons la décision du Juge Wilfredo Fiel Navarro du Tribunal régional de première instance de Cebu qui à jugé en faveur des étudiantes. Le juge, plus que le personnel de l’école, a compris que les parties concernées étaient encore des mineures, et qu'un jugement irréfléchi et la punition feraient plus de mal que de bien.
Nous condamnons la résistance de STC à l’ordonnance du tribunal. En plus du traitement injuste infligé aux élèves, on leur a également refusé l’entrée au sein de l’école durant la cérémonie de remise des diplômes. Elles ont été traitées comme des personae non gratae, elles se sont vues exclues de l’école où elles avaient étudié depuis le primaire.
Raul Pangalangan, ancien élève de la faculté de Droit de l’université des Philippines, fait remarquer que l’école s’est peut-être immiscée dans la vie privée des élèves.
Les photographies étaient apparemment postées sur les comptes Facebook des filles dont les paramètres de sécurité n’en autorisaient l’accès qu’aux amis. Le personnel scolaire ne figurait pas dans leurs listes d’amis, il s’est par conséquent comporté comme un spectateur indiscret dans la zone d’intimité d’une jeune fille. En effet, s’il est bien vrai que les paramètres de sécurité des comptes des filles n’en donnent l’accès qu’aux amis, les posts publiés sur le réseau deviennent, techniquement, des rumeurs pour les membres de l’école car ils n'ont pas accès à ceux-ci et ne sont pas au courant.
Dans un article du Blog Watch, le jeune leader politique Vencer Crisostomo affirme que l’incident témoigne du caractère généralement répressif et réactionnaire du système scolaire philippin.
Ces évènements ne montrent que la partie visible de l’iceberg. Des actes similaires, répressifs et d’apparence fasciste, sont observés dans la plupart des établissements du pays. Il existe un tas d'articles décrivant la punition voire l’expulsion d’élèves alors qu'ils utilisent leur liberté d’expression, d’organisation et d’association, ou encore d’autres, qui sont punis pour leurs tendances politiques ou leurs croyances religieuses.
Il faudrait réexaminer dans les détails le statut de l’université ainsi que les droits des étudiants dans le pays. Les droits fondamentaux et les libertés civiques ne doivent pas être supprimés ou abolis une fois que l’élève s’inscrit ou entre dans une école. De la même manière, la « liberté académique » ou l’ « autonomie » ne devraient jamais se traduire par une exemption des établissements scolaires du respect des droits de l’Homme.
Réactions sur Twitter
Les réactions sur le réseau social Twitter reflétaient la sidération face au traitement sévère reçu par ces filles :
@vincecinches: Toute une histoire à STC pour 5 bikinis ! #wth
@Tito_Ces: On réprimande les filles pour ne pas respecter les règles mais au delà de ce fait, cela devient moralement hypocrite quand les évêques se taisent au sujet des pédophiles.
@TheDoraism: Démesurément strict, nonnes conservatrices.
@francesdoplon: Concernant l’incident des bikinis à STC : les administrateurs des établissements religieux ou laïcs devraient limiter leurs prérogatives au campus et laisser l’éducation aux parents.
@janram49: St. Theresa's College, proposez une punition appropriée à la faute. #STC
Mais certaines, en particulier celles des anciennes élèves loyales à leur école, ont exprimé leur soutien aux représentants de l’école attaquée.
bonjustin8: Je me demande pourquoi tant de gens soutiennent le lynchage des administrateurs du St Theresa’s College – Cebu. Une école n’a pas le droit de défendre son règlement ?
@ohyesitsTIFF: St. Theresa's College est UN ÉTABLISSEMENT ULTRA CONSERVATRICE ET ELITISTE. C’est pour cette raison qu’on remet un manuel du règlement aux parents et élèves.
@ArianneJuanillo: St Theresa's College est une école catholique gouvernée selon les principes de l’Eglise catholique. On attend d’elle qu’elle inculque des valeurs aux jeunes.
Un incident similaire est également survenu dans une autre université catholique de la capitale du pays, où six étudiants n’ont pas été autorisés à assister à la cérémonie de la remise des diplômes après avoir posté des photos sur lesquelles ils simulaient un baiser.