Mexique : Les internautes rejettent la Loi de géolocalisation

Le 18 avril dernier (soit un jour après publication officielle), sont entrées en vigueur au Mexique une série de réformes  modifiant le  Code pénal fédéral,  le Code fédéral des procédures pénales, la loi fédérale des Télécommunications, la loi établissant les règles minimales sur la réinsertion sociale des détenus et la Loi générale du Système national de Sécurité publique. Ces nouvelles dispositions sont connues des Mexicains sous le nom de “Loi de Géolocalisation”.

Sur Twitter, les utilisateurs ont abordé le sujet via le mot-clic #LeyGeolocalización (Loi de Géolocalisation).

En quoi consistent ces réformes ? 

Dans le cadre de la “guerre” que l'actuelle administration a entreprise contre la délinquance organisée, les réformes dont il est question donnent à l'autorité chargée d'enquêter (à savoir, le Ministère public de la Fédération) le pouvoir de demander aux opérateurs de télécommunication (parmi ceux-ci, ceux de la téléphonie mobile), la géolocalisation en temps réel des équipements mobiles (Smartphones, tablettes, téléphones) associés à des lignes suspectées d'être utilisées à des fins délictuelles [1].

De même, il a été établi l'obligation pour les prestataires de services de coopérer promptement et sans réserve avec les autorités. Ils se doivent non seulement d'indiquer la  localisation de l'équipement mobile mais aussi de fournir une assistance technique pour l'installation et à la mise en oeuvre de dispositifs bloquant ou annulant les signaux de téléphonie cellulaire, de radiocommunication ou de transmission de données (Internet) au sein des centres de réclusion.

Ces réformes cherchent accessoirement à prévenir ou à décourager le vol de terminaux de télécommunication puisque les autorités peuvent désactiver ou bloquer les lignes d'un appareil déclaré volé ou perdu.

Appareils équipés d'un système de géolocalisation. Photo de l'utilisateur de Flickr Chris Fleming, sous la licence Atribución-CompartirIgual 2.0 Genérica (CC BY-SA 2.0)

Quelles ont été les réactions ?  

Avant l'entrée en vigueur des réformes, divers auteurs de la blogosphère se sont prononcés sur le sujet. Katya Albiter, de Vivir México, a écrit sur les personnes à l'origine de ces réformes :

Après tout, ceux qui ont poussé à l'adoption de cette loi sont des personnalités connues de la société civile, telles Alejandro Martí, Président de l'Observatoire  pour la sécurité des citoyens  (S.O.S) et Isabel Miranda de Wallace, Présidente de l'Association “Halte aux enlèvements”, lauréate du Prix national des Droits de l'Homme 2010 et candidate du Parti d'Action nationale à la présidence  du District fédéral. Avec de telles références, on ne peut se tromper, non ? VRAIMENT?

Pourtant, je crains fortement qu'en dépit de tous ces arguments, les autorités n'aient échoué. Le problème, comme toujours, c'est ce qui écrit en petites lettres – ici, cela concerne quelques paragraphes des réformes -.

Il a aussi fait connaître son avis sur l'intérêt qu'ont ces réformes à être approuvées :

C'est, certes, une bonne loi  mais une loi qui, à chaque fois que l'on est en présence d'un “super pouvoir”, n'est efficace que si elle est entre de bonnes mains. En de mauvaises, elle peut en effet être néfaste. Ses défenseurs arguent  que, grâce à cette mesure, le pays va vivre dans un climat de sécurité et de justice. De toutes apparences, elle va nous coûter la liberté. Ses défenseurs disent aussi que celui qui n'a rien à se reprocher  ne craint rien et que si vous ne voulez pas qu'ils vous localisent, vous n'avez qu'à éteindre votre mobile. C'est certain. Ne pas vouloir être localisés et éteindre  son mobile est assurément une chose à laquelle ont déjà pensé les kidnappeurs  et autres mafieux que l'on prétend combattre.

D'un autre côté, Jitten écrit sur FayerWayer sur les portées de la loi, soulignant que l'autorité chargée d'enquêter peut demander la localisation de tout équipement de communication mobile, sans même avoir de mandat judiciaire :

Ces dispositions juridiques établissent par essence que les compagnies téléphoniques devront fournir au Procureur général de la République  (PGR) les données relatives à la localisation en temps réel du propriétaire d'un appareil associé à une ligne donnée, ce qui en théorie relève des bonnes intentions. Alejandro Martí  a déclaré qu’ “il sera possible de connaître à moyen terme les résultats de cette réforme, d'obtenir les chiffres nationaux des enlèvements et des extorsions de fonds”.

Il est aussi envisagé que le Procureur général de la République n'ait pas besoin d'un mandat judiciaire pour demander au prestataire toutes les données de géolocalisation en temps réel mais puisse le faire par “simple communiqué ou courriel”.  Si ce même prestataire refuse de fournir à l'autorité judiciaire les informations demandées, il sera sanctionné –  la sanction allant d'une amende  équivalant à de 250 à 2500 jours  de salaire minimum (soit environ 155 825 pesos mexicains).

Geraldine Juárez dans alt1040, s'est elle aussi exprimée sur l'ensemble des réformes et s'est dans le même temps interrogée sur le fait que, selon elle, les citoyens ne s'en plaignent pas :

La Loi de géolocalisation fait partie d'une tendance législative du gouvernement mexicain à légaliser la fragilisation des droits de ses citoyens. Cette loi qui a été approuvée grâce à la pression de groupes de la société civiles dirigés par des parents de victimes d'enlèvements,  par Alejandro Martí et  par celle qui est à présent candidate du Parti d'Action nationale, Isabel Miranda, a été votée la semaine dernière à l’unanimité, avec, en ce qui concerne nos brillants législateurs mexicains, 315 votes pour.

Au Mexique, il n'y a pas eu une seule manifestation, personne ne s'est plaint et très peu ont essayé de diffuser des informations sur le sujet. Il semblerait que les Mexicains ne se préoccupent pas de l'érosion de leurs droits.

Le blog Human Rights Geek est soulagé par le fait que l'organisme de défense des droits de l'Homme au Mexique combatte la réforme en question :

Heureusement, la Commission nationale des Droits de l'Homme (CNDH) peut  faire quelque chose à ce sujet. Elle peut déposer une plainte pour l'inconstitutionnalité de ces dispositions et envoyer un message clair aux autorités, en soulignant que l'érosion des droits n'est pas le bon moyen pour lutter contre la délinquance.

Sur Twitter, l'utilisateur Osvaldo Suarez (@paul_suco) a indiqué que le droit à la vie privée n'est pas inscrit dans la Constitution :

Bien qu'elle viole la vie privée, la Loi de géolocalisation n'est pas inconstitutionnelle puisque ce droit ne figure pas dans la Constitution.

De plus, Claudia Guerrero (@clausgr) pose la question suivante :

Pour pouvoir appliquer la Loi de géolocalisation #LeyGeolocalización, le mobile doit-il être “allumé” ? Son utilisateur doit-il être en train de l'utiliser, d'envoyer des sms, de passer des appels, de tweeter ?

L'utilisateur @nololeas a averti de l'entrée en vigueur de la loi de la manière suivante :

Attention ! La#LeyStalker  (loi Stalker) entre en vigueur et nous faisons comme si de rien n'était. Ils nous surveillent toujours davantage. #LeyGeolocalizacion

Pour sa part,  Eddie (@EdHappy) a platement exprimé son sentiment sur le sujet :

La Loi de géolocalisation #LeyGeolocalización  ne me plaît pas.

Comme on peut le voir, la “guerre” contre la délinquance continue au Mexique. De nouvelles “armes” sont utilisées à présent, des armes qui accroissent le mécontentement  des blogueurs et des utilisateurs des réseaux sociaux.


[1] La réforme ne s'applique qu'à certains délits : ceux liés à la délinquance organisée, à la Santé (le narcotrafic), aux enlèvements, à l'extorsion de fonds et aux menaces.

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