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Brésil : Folha contre Falha, bisbilles autour d'un nom de domaine

Catégories: Amérique latine, Brésil, Cyber-activisme, Liberté d'expression, Média et journalisme, Médias citoyens

Un chapitre de plus dans la bataille judiciaire qui oppose le journal Folha de São Paulo et le blog satirique Falha de São Paulo [1] (NdT: il s'agit d'un jeu de mot entre la “Folha”, la “Feuille” de São Paulo, un des plus grand journaux du pays, au passé douteux pendant la dictature militaire, et la “Falha” que l'on pourrait traduire par “échec, erreur, faux-pas”) vient de s'écrire, mais cette fois, c'est le blog qui a décidé d'intenter un procès au journal.

Fin septembre 2010,  la Falha a été fermé suite à une injonction de la justice brésilienne répondant à la requête de Folha qui souhaitait des dommages et intérêts pour préjudice moral. L'objectif du site était de satiriser, de plaisanter avec l'image du journal Folha de São Paulo, et dans ce but, faisait appel au photomontages [2], à de fausses Unes ironiques et même à un “générateur de Unes” [3] en reproduisant la maquette de la Folha de São Paulo.

Le premier procès, conclu par un “match nul [4]” en septembre 2011, fut, selon [5] le journaliste Rodrigo Vianna “une leçon [du juge] sur la liberté d'expression”.

[6]

Lino Bocchini, brandissant une pancarte où on peut lire:" Nous, n'avons jamais soutenu la dictature", devant les locaux du journal Folha de São Paulo.

La Falha de São Paulo revendique maintenant la totale autorisation de son nom de domaine, falhadespaulo.com.br, bloqué judiciairement par la Folha lors d'une seconde injonction, contre le site Registro.br (l'organisme qui gère tous les noms de domaines en .br), comme l'explique le journaliste Lino Bocchini, auteur de la Falha, pendant le déroulement du procès [7] fin mars 2012:

Terminou com uma espécie de empate a disputa jurídica em primeira instância entre Folha e Falha, e agora está começando a segunda. Já protocolamos nosso recurso [8] junto ao Tribunal de Justiça (TJ-SP) pedindo a derrubada da censura da Folha à Falha e a volta do domínio www.falhadespaulo.com.br. A sentença do juiz [9] da 29ª Vara Cível de São Paulo informa que o juiz acolheu “parcialmente” o pedido da Folha, determinando o “congelamento” do domínio “falhadespaulo.com.br”, mas rejeitou todo o resto.

En première instance, la bataille juridique s'est soldée par une espèce de match nul entre la Folha et la Falha, et maintenant, on commence la deuxième. On a déjà produit notre recours [8] devant le Tribunal (TJ-SP) demandant la fin de la censure exercée par la Folha sur la Falha et la réapparition du domaine www.falhadespaulo.com.br. La sentence du juge [9] de la 29ème chambre du tribunal civil de São Paulo a fait savoir que le juge avait répondu “partiellement” à la requête de la Folha, déterminant le “gel” du domaine “falhadespaulo.com.br”, mais qu'il avait rejeté tout le reste.

Jusqu'à l'enregistrement de nouveaux noms de domaines ressemblants ont été interdits, et c'est donc, avec l'alternative “Desculpe a nossa Falha” (“Excusez notre erreur”) que les frères Bocchini font de la publicité à leur cause, recueillent des soutiens et, dès que cela est possible, épinglent [10] le journal, toujours avec l'humour qui caractérise le couple.

[11]

Segundo os irmãos Bocchini, o site Folha Gospel é um dos que usa logo semelhante e claramente inspirado no da Folha de São Paulo sem, porém, ter sido processado.

Tandis que les auteurs de la Falha dénoncent des persécutions politiques de la part de la Folha – qui viseraient à faire taire les critiques faites à l'encontre de sa politique éditoriale -, celle-ci se défend en alléguant que ce qui est en cause, c'est l'utilisation abusive de sa marque. Pour appuyer sa défense, la Falha a publié une série de “preuves” [11] glanées sur des sites qui font usage de logos semblables à ceux de la Folha ou d'autres portails brésiliens et qui eux, n'ont jamais été inquiétés par la justice.

la journaliste Lúcia Rodrigues, de la Rede (Chaîne) Brasil Atual, explique [12] brièvement l'histoire :

O jornalista Lino Ito Bocchini trava uma batalha judicial com a Folha de São Paulo para ter o direito de manter o domínio sobre o site Falha de São Paulo, criado por ele e seu irmão, Mario Ito Bocchini. O site é uma paródia ao jornal da família Frias e foi censurado pela justiça, a pedido da Folha, no final de 2010. Na última quinta-feira, 5, Lino organizou um debate que discutiu o papel da Folha no financiamento do golpe militar e da tortura durante a ditadura [vídeo e resumo do debate “Relações da mídia com a ditadura [13]“]. A expectativa é que a ação contra a Folha seja julgada este ano pelos desembargadores do Tribunal de Justiça de São Paulo.

Le journaliste Lino Ito Bocchini livre une bataille judiciaire avec la Folha de São Paulo afin d'avoir le droit de conserver le nom de domaine de son site Falha de São Paulo, dont il est, avec son frère Mario Ito Bocchini, le créateur. Le site est une parodie du journal de la famille  Frias et a été censuré par la justice, à la requête de la Folha, fin 2010. Jeudi dernier, (NdT : le 05 avril) Lino a organisé un débat dont le sujet était le rôle de la Folha dans le financement du coup d'état militaire (de 1964) ainsi que de ses liens avec la torture pendant la dictature qui a suivi. [vidéo et résumé du débat “Relations des médias avec la dictature [13]“]. L'action en justice contre la Folha devrait aboutir cette année avec le jugement rendu par les juges de la cour d'appel du tribunal de justice de Paulo.
[13]

Un camion du journal La Folha au Brésil, qui était prêté au régime militaire durant la dictature, incendié par des manifestants de gauche.

Il s'agit d'un cas unique, qui peut faire jurisprudence dans la lutte pour la liberté d'expression de la blogosphère brésilienne, comme l’affirment [14] Leopoldo Loureiro et Luís Borrelli Neto, avocats de la Falha.

Lors de la proclamation du “deuxième round” de cette bataille judiciaire, les frères Bocchini ont donné le ton [7] :

Enfim, é sempre bom lembrar, estamos falando de uma briga um tanto desigual. De um lado são dois irmãos “avulsos”, independentes, sendo defendidos “pro-bono” (pagando apenas as custas do processo) por advogados bacanas identificados com a causa –aliás, estamos de advogado novo nessa segunda fase. Do outro está o maior jornal do país, com um gigantesco escritório de advocacia fungando nas nossas costas. O que ajuda a equilibrar o jogo é o apoio gigantesco que estamos recebendo de toda blogosfera, que entendeu que esse caso, por seu absurdo e pelo seu ineditismo, é de interesse coletivo. E não dá pra deixar barato o maior jornal do país, que vive pregando liberdade de expressão e democracia, promovendo uma censura dessas contra dois blogueiros.

Enfin, il est toujours bon de le rappeler, nous sommes en train de parler d'une bataille un tant soit peu inégale. D'un côté, deux frères “faisant partie du commun des mortels” indépendants, défendu “pro-bono” (en payant seulement les frais du procès) par des avocats super-sympas qui s'identifient à la cause – au fait, nous avons de nouveaux avocats pour cette seconde phase. De l'autre, voilà le plus grand journal du pays, soutenu par un gigantesque cabinet d'avocats qui vous cherchent des noises. Ce qui aide à équilibrer le jeu, c'est l'immense soutien que nous recevons de toute la blogosphère, qui a compris que ce cas, de par son côté absurde ainsi que par son aspect inédit, représente l'intérêt collectif. Et on ne peut pas se coucher devant le plus grand journal du pays qui n'a de cesse de prêcher pour la liberté d'expression et la démocratie, tout en se lançant dans une telle campagne de censure contre deux blogueurs.