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Australie : Qu'est-ce qui pourrait vous amener à changer d'opinion sur le réchauffement climatique ?

Catégories: Océanie, Australie, Environnement, Média et journalisme, Médias citoyens

[Liens en anglais] La trame d'une  récente émission australienne sur le réchauffement climatique était simple : un ex-politicien – un conservateur rusé –  et une jeune militante pour la lutte contre le changement climatique font ensemble le tour du globe à la rencontre d’ ‘experts’. Une tentative futile et inévitablement vaine de changer l'opinion de chacun…

Le 26 avril 2012, l’ABC (Australian Broadcasting Corporation) diffusait le match, sous forme d'un documentaire : I can change your mind [1](Je peux vous faire changer d'opinion), suivi d'une session « questions-réponses ». Les deux émissions sont consultables sur ABC iView [2]  jusqu'au 10 mai 2012.

[1]

Dans un post sur ABC's Drum, Anna Rose de l'AYCC (Australian Youth Climate Coalition) [qui était l'une des protagonistes de l'émission] partage ses doutes [3]maintenant quant à cette approche :

Débattre avec ceux qui rejettent les fondements scientifiques du changement climatique est une affaire risquée. Est-ce que cela en valait la peine ?
… Quelques personnes m'ont dit que j'étais naïve de penser que je pouvais ‘remporter’ le débat ; que l'ensemble de l'émission jouait sur la stratégie négationniste présentant cette science comme discutable (alors qu'en fait, il n'y a plus raisonnablement de doutes à avoir) et que cela ne ferait qu'offrir à Nick l'opportunité d'avancer des arguments contre cette science dans les médias dominants.

On ne peut pas dire que Anna Rose n'avait pas été prévenue. Graham Readfern [4] avait donné son opinion à Anna auparavant :

…Selon moi, le format de l'émission était inapproprié en ce que qu'elle ne serait pas commentée par des pairs, mais conduite par des pseudo-scientifiques largement inexpérimentés,  statuant sur des décennies de recherches scientifiques.Cela peut paraître attractif pour une émission de télévision, mais cela crée un faux équilibre. Si vous étiez un activiste sceptique quant au réchauffement climatique ou un lobbyiste des énergies fossiles désireux de créer un écho médiatique , c'est sans doute ce genre d'émissions qui aurait récolté vos faveurs.

De nombreuses personnes ont exprimé sur Twitter des avis cinglants. Il est possible de faire une recherche sur les termes ‘Anna Rose’, ‘Nick Minchin’ ou encore #changeyourmind… si vous ne craignez pas de lire des attaques personnelles.

L'échange entre Gavid Dwyer et Stu Moffat sur Twitter représente assez bien le caractère agressif de l'exercice entier :

@gdfollow [5]:

#qanda Le professeur Muller, l'expert d'Anna Rose, a stoppé ses recherches sur le réchauffement climatique.

@stu_moffat [6] :

@Gdfollow #qanda Quel non-sens! Regarder un graphique des températures sur 5 à 10 ans et en conclure que le changement climatique s'est arrêté n'est que de l'ignorance !

@gdfollow [5] :

@stu_moffat. Je suis d'accord. Mais si Anna Rose, dans l'opposition, peut se permettre de véhiculer d'horribles sottises sans fondements, je le peux également …

@MrDenmore [7], qui blogue régulièrement sur les médias sur The Failed Estate [8], a comparé cette émission avec un autre programme télévisé australien consacré aux demandeurs d'asile :

Alors que le documentaire de SBS , ‘Go Back Where you came from‘ (‘Retournez d'où vous venez‘) tendait à combattre l'ignorance, l'émission #changeyourmind #qanda tend à la légitimer.

La blogosphère s'est aussi montrée virulente. De nombreuses personnes bloguaient en direct durant la diffusion de l'émission.

Simon, d’Australian Climate Madness [9], a jeté l'éponge après avoir remarqué la présence d'un scientifique favorable à l'action pro-climat dans l'assistance, ce qu'il a perçu comme un parti pris de la chaîne ABC.

PARTI-PRIS EVIDENT que d'autoriser Matthew England à participer à la séquence « questions-réponses » en qualité de climatologue. C'est quoi ce bordel ? Ok, j'en ai assez. ABC a abandonné toute volonté d'impartialité. Je me déconnecte.

Roger Jones d’Understanding Climate Risk [10] est conscient qu'il est aisé de “ne voir que ce en quoi l'on croit” :

Où est l”embrouillé’ ? Je pense que ce documentaire a montré à quel point les valeurs et préjugés influencent la façon dont nous examinons les preuves.

Il tente de prouver sa propre observation dans la phrase suivante :

Je ne pense pas que le « questions-réponses » ait été d'une grande utilité mais j'étais content que Matt England soit présent pour clarifier quelques points.

Loon Pond [11] a refusé de regarder l'émission mais interpelle Nick Michin quant à son intervention dans  Journal [12] :

Minchin se présente comme ouvert d'esprit et désireux d'apprendre mais tout ce dont il nous a été fait part n'est qu'une répétition mécanique de quelques on dit,un méli-mélo d'ignorance et de désinformation, le tout concourant à renforcer les marottes de Minchin.

Tory Maguire, éditeur du blog News Limited sur le site The Punch, a lui ses propres doutes quant à la nature humaine [13] :

Non seulement ils n'ont pas changé l'avis l'un de l'autre mais il est également douteux qu'ils aient pu faire changer les opinions de qui que ce soit.

Sur Crikey [14], Ian McHugh, chercheur en climatologie semblait être d'accord :

Durant l'étouffante émission ‘I can change your mind about climate‘  diffusée sur ABC, la somme  des commentaires utiles ne représente  au total que 5 minutes issues de l'intervention de l'auteur et scientifique Ben Goldacre. Le moment le plus édifiant de l'émission incluant  l'aveu de ce dernier, à savoir « qu'il préfèrerait se coincer la b… dans une porte plutôt que de débattre du changement climatique », ceci illustrant clairement à ceux qui ont manqué l'émission l'essentiel de ce qu'il était bon d'en retenir.

Tout le monde n'était pas si cynique.Dans le billet  Anna Rose Above it [15] (Anna Rose au-dessus du lot), selon Drillvoice :

Dans l'ensemble, le programme de la nuit dernière n'était pas mal. C'était complexe mais Anne Rose s'est bien défendue. Les sceptiques modérés d'Australie furent confrontés à un aimable et efficace communicateur climatique tandis que les Australiens soucieux du climat ont eu droit quant à eux à une aimable et efficace communication sur le climat.

Wake Up 2 The Lies [16] dit qu'il n'est pas dupe :

Enfin, quelqu'un confronte l'association  Australian Youth Climate Coalition Cult et dit ce que bon nombre d'Australiens ont envie de dire. Le Climat Depot de Marc Morano est un fantastique contre-pied au documentaire d’ABC  ‘Can I change your mind about Climate?

De son côté, Michael Ahsley, The Conversation [17], professeur d'astrophysique n'est pas un fan de Morano :

Morano est un maître du ‘Gish Gallop [18]‘, débitant à grande vitesse des successions d'arguments – le niveau de l'océan baisse, la population des ours blancs augmente, les températures chutent – qu'il est impossible de réfuter immédiatement au cœur d'un débat télévisé.

ABC, en tant que chaîne publique, est supposée nous aider à construire nos opinions en nous présentant des idées opposées. De nombreuses personnes pensent que donner un temps de parole égal au petit pourcentage de scientifiques et commentateurs qui sont sceptiques, retardataires ou négationnistes quant au changement climatique a donné un poids infondé à leurs arguments plutôt qu'un réel équilibre au débat.

L'universitaire Stephan Lewandowsky argumente [19] :

Qu'est-ce que cela coûterait à un documentaire de présenter une véritable perspective équilibrée quant à la climatologie ? C'est assez simple : Anna Rose aurait dû, de son côté, disposer de 97 scientifiques pour contrebalancer le seul et unique climatologue de Minchin. Puisque que 97% des experts savent que le climat est en train de changer à cause des émissions de gaz à effet de serre issues de l'activité humaine, que seuls 2 sont indécis et un unique pour cent s'oppose à la théorie scientifique dominante.