Ce billet fait partie du dossier spécial de Global Voices sur l’Europe en crise.
(Article d'origine publié le 30 avril) Tandis que le niveau de frustration des citoyens au Portugal continue à monter depuis déjà un an, en fait depuis le “sauvetage“ international de la dette publique du pays, la commémoration annuelle de la Journée de la Liberté le 25 avril, célébrant la Révolution des Œillets, qui mit fin à une dictature de 41 ans en 1974, a repris du poil de la bête.
Quelques jours avant, le 19 avril, l’expulsion musclée d'un centre communautaire autogéré à Porto, a été l'étincelle qui a mis le feu aux poudres et incité beaucoup de gens à aller commémorer ce 25 avril, en signe de solidarité avec les expulsés ainsi qu'avec tous ceux qui luttent contre la crise économique actuelle.
Pour illustrer la tension provoquée avec cette nouvelle forme de commémoration, l'Association historique du 25 avril (fondée par les militaires qui participèrent au coup d'état de 1974) a refusé de participer aux commémorations traditionnelles organisées cette année par le gouvernement, en signe de protestation contre les politiques nationales et les mesures d'austérité extrêmement dures que les ex-soldats jugent [en portugais, comme les liens suivants] contraires aux idéaux démocratiques de la révolution des œillets. A la place, ils ont participé avec beaucoup d'autres citoyens, à des commémorations non-officielles.
Avec les mesures d'austérité imposées par la Commission Européenne, la Banque Centrale Européenne et le Fond Monétaire International, le taux de chômage des jeunes est de 35 %. Et, alors que chaque jour qui passe, 26 familles voient leurs maisons confisquées par les banques, il y a des milliers de locaux d'habitations abandonnés dans les principales villes du pays (voir le tableau pour Lisbonne (pdf)).
La Banque Alimentaire Contre la Faim a récemment annoncé qu'elle avait atteint un point critique dans sa capacité à répondre à l'augmentation des familles et institutions en manque de nourriture.
L'ordre d'expulsion de l’Es.Col.A (acronyme de: Espace Collectif Autogestionnaire signifiant “école”), où des repas communautaires, des activités récréatives et des cours étaient proposés gratuitement après l'école dans un édifice public occupé d'un quartier pauvre de Porto, émis dans un tel contexte par le gouvernement, a déclenché l'indignation à l'échelle nationale.
Comme le dit João Martins (@jpsmartins) sur Twitter:
@jpsmartins: Eu sei o que responder quando me perguntarem onde estava no 25 de Abril: na
#fontinha
Marche de réoccupation
En dépit de l’annonce de tolérance zéro faite par la police pendant la manifestation de la Journée de la Liberté, les défenseurs de l'Es.Col.A, soutenus par l'appel O!Brigada clown da Fontinha (M!erci clown de Fontinha) et par une sono improvisée, se sont rassemblés dans le quartier de Fontinha, (NdT: qui veut dire “petite source” ou “petite fontaine”) à Porto, dans le but de réoccuper le bâtiment.
Queelques 2.000 personnes se sont rassemblés à la marche, comme le montre cette vidéo publiée sur YouTube par olhorobot:
Quand la manifestation est arrivée à Fontinha, les citoyens ont à nouveau occupé l'école:
Alors les commémorations du 25 avril purent avoir lieu dans la cour de l'école:
Des photo-reportages citoyens résumant ce que fut cette journée ont été mis en ligne dans l'album de Renato Roque Picasa, dans la couverture spéciale de Indymedia, sur les blogs de Gui Castro Felga, Joana Maltez et José Pacheco Pereira, tout comme sur Facebook.
Suite en eau de boudin
Dès le matin suivant, les portes de l'Es.Col.A étaient à nouveau scellées. Gui Castro Felga a décrit ce qui s'est passé sur son blog:
desafiando claramente todos os ocuparam ontem o es.col.a, a CMP entrou pela escola vazia adentro e rebentou com canalizações, sanitas, arrancou portas e emparedou, já não com chapas, mas com tijolos e cimento, e cortou a água e a luz ao edifício.
La “companhia teatral Visões Úteis” (Compagnie Théâtrale Visions Utiles), sise dans la même rue que l'Es.Col.A, affirme sur Facebook:
A nossa rua, quando chegam os ocupantes da Escola da Fontinha, enche-se de pessoas a sorrir; ouve-se música e palavras como “sonho”, “cultura” e “comunidade”.
A nossa rua, depois de vir a polícia com os seus tapumes, enche-se de um silêncio baço e temeroso. Como se tivesse levado uma grande descompostura por tocar em algo que não lhe pertence.
Notre rue, à l'arrivée des manifestants, s'emplit de personnes souriantes; on entend de la musique et des mots tels que “rêve”, “culture” et “communauté”.
Notre rue, suite à l'arrivée de la police avec ses palissades, s'emplit d'un silence maussade et craintif. Comme si l'on s'était fait réprimander pour avoir touché à quelque chose qui ne nous appartenait pas.
“Aïe, aïe, aïe si la mode prend!“
En commémorant le 25 avril en signe de solidarité avec l'Es.Col.A, les manifestants de Coimbra et Lisbonne ont fini par occuper de nouveaux espaces. A Coimbra, un jardin public est en création dans le centre ville, tandis qu'à Lisbonne un groupe d'activistes a occupé un bâtiment abandonné dans la rue de São Lázaro.
Leur manifeste a été publié sur le blog Spectrum:
Antes emparedado que ocupado parece ser o último argumento de um poder que conseguiu sem grande esforço esvaziar as cidades dos seus próprios habitantes, empurrados para os subúrbios ou mesmo para a rua. São centenas de milhares de fogos vazios, deixados ao abandono. Abandono que também vemos nos olhos de quem fez da rua a sua casa. Cada vez mais olhares de abandono, cada vez mais abandono nos olhares. Decretamos, neste dia que se quer de liberdade, tolerância zero a este processo de requalificação urbana, que à custa da miséria de muitos ergue mansões e hotéis para alguns.
Ce billet fait partie du dossier spécial de Global Voices sur l’Europe en crise.